Etoile du berger

L’étoile du berger
Eclairait les ciels de mon enfance

Sa présence était rassurante
Elle brillait de toute sa lumière dans le ciel étoilé
si proche que je la touchai du doigt

Vénus l’étoile Vénus la déesse
Vénus la planète, à gauche du soleil
Elle lui est attachée
Elle lui doit sa lumière

Elle inspire les poètes
Elle guide les bergers, les navigateurs et les rois-magesimg_0290

Eclaire « lumieresdesetoiles » belle étoile!

le jour de noël

img_0293Rares sont les soirs où l’on se couche avec la certitude de vivre un lendemain heureux

Le moment précieux où l’on se glisse dans les draps avec l’attente du bonheur, c’est la magie de Noël

c’est un moment intense

on retrouve ce bonheur, quelquefois, dans sa vie d’adulte

Ces instants là on les reconnait et on en profite pleinement

joyeux Noël !

Les Traditions

Traditions 

je suis riche de mes traditions
ce sont des points de repères

Une douce chaleur

Une attache à l’enfance à la famille
Les perpétuer c’est entretenir le souvenir de ceux qu’on aime

La fête de Noël
La crèche
Les  souliers au pied du sapin
Les papillotes
Les rubans des cadeaux…

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Le Père Noël existe !

 

Le Chemin

 

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Tous les matins j’emprunte le même chemin qui n’est jamais le même!
Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige ou que le soleil brille, je marche.

Je marche sur les pavés et sur la terre de Paris. Je traverse la ville et les jardins.
Cette promenade est un passage de la nuit au jour, un chemin de ma vie nocturne à ma vie diurne.

Les champs Elysées, les jardins des Champs Elysées, la place de la Concorde, le jardin des Tuileries ou les arcades de la rue Rivoli, le musée du Louvre, la Comédie Française, la place des colonnes de Buren, le jardin du Palais Royal, la place des Victoires avec la statue équestre de Louis XIV, la rue Montorgueil…

Cette marche est un envol, une bouffée d’air frais.
Je marche, je vis!
Je pense en marchant, je suis dans une bulle. J’observe les fleurs et les arbres  endormis qui se réveillent et s’épanouissent au soleil en luttant selon les saisons, contre la pluie, le vent ou le gel.
je ne vois que ces fleurs, ces arbres et des chiens qui jappent. Transparente aux passants, je m’amuse avec les colonnes de Buren, enroule mes pas en figures géométriques d’une colonne à l’autre. je guète la fontaine du jardin du Palais Royal qui se réveille souvent avant les oiseaux.
j’ai la chance, parfois, d’arriver devant Louis XIV au moment où le soleil s’étire dans la rue Etienne Marcel offrant au roi un écrin de lumière.

Magie de mon quotidien…img_0299

Le Tapis volant

 

 

img_0310Une histoire du désert.

Un souvenir de soleil de dunes et de chameaux

Levée à l’aube montée à dos de chameau
Il était une fois un jeune chamelier berbère et une femme française en chemin pour atteindre le sommet des dunes avant le soleil
Un souffle léger, chargé de grains de sable caresse les visages.
Les cheveux sont protégés par les cheikhs les yeux, par de larges lunettes de soleil, ainsi parés,  une longue marche commence cadencée au pas des chameaux.
Nos montures s’arrêtent à flanc de colline
Trop abrupt, nous poursuivons le chemin à pied.
Les chaussures s’enfoncent dans le sable
Le jour n’est pas encore levé
Il faut marcher vite
Au sommet, le chamelier déroule son tapis
Je m’assois et m’enroule dans le mien, le jeune homme se blottit contre moi. Un peu trop blotti à mon goût.
T’as des enfants. T’as quel âge ?
Pour faire diversion, je dessine dans le sable du bout des doigts.
L’attente est longue. Le soleil prend son temps.
Une lueur embrase les sommets, le soleil s’élève dans toute sa gloire au-dessus des montagnes inondant le sable d’ombres et de lumières.
Ces vagues aux allures de dragons déferlent sur les dunes en coulées rouges, cisaillent les sables, projettent tour à tour des ombres immenses et des mares de feux.
Ces myriades de couleurs font vibrer les corps de joie.
Au sommet de ces dunes, nous sommes les rois du monde
Cette symphonie lumineuse grise et coupe le souffle
Hé ! ne vois-tu pas que les chameaux se font la malle ?!
Le chamelier dévale la dune à pic
Il rejoint son équipage, nous ne retournerons pas au camp à pied !
Un petit vent a effacé mes dessins.
Arrachée à mes rêveries, à ce paysage envoûtant, j’abandonne la crête de la dune. assise sur le tapis, je glisse à tout allure dans la pente. j’ai relevé les bords du tapis, j’ai pris de la vitesse, je m’accroche, j’atterris aux pieds des chameaux !
Encore !
Je remonte la dune un pied devant l’autre
Et je m’élance à nouveau, je vole ! mon tapis vole !
Je ne rêve pas, je suis vivante sur mon tapis volant !
Au loin une caravane passe.
Je remonte encore, c’est épuisant et sensationnel !
Les chameaux s’impatientent
Il est temps de regagner le camp, les tentes, les bédouins et les histoires du désert.
Salut  Melchior Balthazar et Gaspard.

La Leçon

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Un jour de septembre à Aix en Provence, j’ai 14 ou 15 ans.

Un début d’après-midi, je marche sur le chemin d’approche de la montagne Sainte Victoire, sac au dos, je vais escalader la face sud de la montagne, la plus à pic, avec JP, un ami qui est un grimpeur confirmé.

JP ouvre la voie, je suis deuxième de cordée.
J’attaque l’escalade, pleine d énergie.
Un pied après l’autre, une main après l’autre, déplacer le mousqueton, recommencer, un pied, une main, repérer les  aspérités où s’accrocher, où prendre appui, je grimpe, l’ascension progresse, je n’ai pas peur.

Quelques semaines plus tôt avec un groupe d’amis nous avons marché jusqu’à la croix de Sainte Victoire.
Arrivés au refuge nous avons décidé de descendre la falaise en rappel et de remonter en escaladant.
La falaise est abrupte, un nuage cache le terre-plein quatre mètres plus bas.
Je suis la première harnachée pour la descente et je me lance.
Instant fugitif où mon corps part en arrière avant d’être retenu par les cordes, brève seconde où je me sens partir dans le vide.
J’atteinds sûrement et très vite le point de chute et renvoie la corde pour le suivant.
Il n’y aura pas de suivant !
Ils se dégonflent tous les uns après les autres.
Un des garçons m’a rejointe, obligé de descendre pour que je puisse remonter  en  deuxième de cordée.

Je commence à trouver le temps long. Le mistral, le vent de Provence au souffle puissant s’est levé. Mon sac à dos pèse de plus en plus lourd, je commence à avoir mal aux mains. JP a surestimé mes capacités d’escalade car je n’avance plus, c’est trop dur de lutter contre le vent.
JP m’annonce le passage difficile d’une paroi calcaire trop lisse car érodée par le vent et la pluie . Il plante ses piolets, déroule une petite échelle en corde, j’ai compris ce sera un passage en « artificiel ».
Je le regarde grimper, c’est à mon tour.
La nuit tombe, le vent souffle fort, l’échelle est ballottée par le vent, je suis plus légère que JP et je n’arrive pas à me stabiliser sur cette foutue échelle. Je peine à trouver des accroches pour mes doigts.
Mes mains saignent, mes jambes flanchent, le sac à dos, le vent, la nuit, la paroi trop lisse, la fatigue, je  m’épuise.
Une fraction de seconde je renverse la tête et pense à tout lâcher.
Au même instant je me projette mentalement au sommet et je pense : dans quelques minutes tu seras en haut et tu  riras en pensant à ce moment d’abandon
Sursaut de rage et de survie, je me ressaisis avec une seule idée en tête, atteindre le sommet. L’énergie revient, je trouve mon équilibre sur l’échelle, oublie mes doigts endoloris. La lune éclaire la roche, je repère des prises et …rejoins JP.
Je suis arrivée au sommet, j’ai fait la voie.
Il ne saura jamais que j’ai failli baisser les bras.
Il ne saura jamais que cette expérience m’a servi et me servira toute ma vie.

A chaque fois que la souffrance sera trop forte et les problèmes apparemment insurmontables, je penserai à l’instant où j’ai failli tout lâcher avant de trouver en moi même l’énergie pour me projeter dans un avenir souhaité .

Ne jamais douter, le contentement et la réussite sont toujours au bout du chemin.

Cette escalade de ma jeunesse a été une leçon de vie.
La clef  est de croire en soi-même.

JP si tu me lis, je te salue

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Le message de Mignonne

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Je dois à mes parents de ne pas m’avoir transmis de sentiment de haine.
Je ne suis pas raciste. Et lorsque je voyage je pense que j’ai la chance de vivre dans un pays formidable.

Mon enfance a été riche d’expériences qui m’ont construite.

Je me rappelle de l’une d’elle qui se passe en Auvergne en Haute-Loire.

Un grand pré, un pâturage, c’est l’été, le soleil est haut à midi, l’heure où l’herbe est chauffée à blanc.
Une jument de trait alezane qui répond au nom de Mignonne est plantée droite dans le soleil.
Elle est immobile, les yeux mis clos, le cuir de sa peau frissonne régulièrement pour se débarrasser des taons.
La seule ombre du pré est celle que projette son corps massif entre ses jambes.
Le chat est venu s’y réfugier, il est allongé de tout son long entre ses sabots.
La jument ne bouge pas.
C’est ainsi tous les jours quand le soleil est à son zénith.
Tous les jours sauf un.
Ce jour là j’ai éprouvé une émotion intense.

À l’autre bout du pâturage un troupeau de vaches encadré par les chiens suit le fermier venu les chercher pour les emmener à l’ombre de l’écurie.
Une vache ne suit pas le troupeau.
Elle reste à l’écart, cachée par trois petits arbres de clôture.
Elle s’accroche à la maigre ombre des arbustes.

J’observe la scène de la terrasse.

La vache est restée en retrait pour vêler toute seule.
Son dos brille de sueur, elle est entrain de mettre bas.
Bientôt apparaît un petit veau tout mouillé, hagard, incertain sur ses jambes raides.
La vache souffrant de la chaleur s’est couchée aux côtés de son veau.
Elle veille.

Les sabots de Mignonne claquent sur la terre craquelée du pré.
La vache tourne péniblement la tête.
Mignonne est dans son pré,  la vache était de passage.et le fermier conduit rarement son troupeau jusqu’ici.
Elle ne se connaissent pas.
Mignonne, avance d’un pas régulier, droit sur la vache, elle s’arrête devant elle et ébroue sa crinière.
Elles se dévisagent. et la vache se lève péniblement.
La jument contourne le veau et prend la place de la vache.

C’est la première et la dernière  fois de ma vie que je verrai Mignonne dans cette posture.
Je n’en crois pas mes yeux de voir cette grosse masse précautionneusement couchée aux côtés du petit veau.

La vache s’est éloignée et rejoint très lentement un point d’eau à l’autre bout du pré.
C’est une vieille baignoire alimentée par une citerne d’eau de pluie.
La citerne est vide, il reste un peu d’eau au fond de la baignoire.
La vache a terriblement soif.
Elle a confié son petit veau à la jument et s’avance résolument vers la baignoire..
La jument surveille.

Mignonne se lève pour laisser la vache reprendre sa place et retourne à l’autre bout du pré.

Je suis très impressionnée par le spectacle que je viens de voir.

Papa Maman, Mignonne a remplacé la vache!
Mignonne a donné son eau!

 C’est le triomphe de la générosité et de l’attention sur l’indifférence .

Lorsque la bêtise des hommes m’impatiente je me calme en me remémorant cette scène..

Mignonne m’a transmis le message essentiel de prendre le temps de regarder et d’écouter l’autre.

 

Gratte-Paille, la ferme enchantée…

 

 

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Il était une fois une jolie ferme sur le lieu-dit “Gratte-Paille”.

Gratte parce que le corps de ferme est perché au sommet d’une petite montagne. On accède au terre-plein tout en haut par un chemin zigzaguant entre les troncs des grands sapins. La route grimpe, les arbres se raréfient et les prés de verdure, trop pentus pour être cultivés, succèdent à la forêt.

La ferme, formée d’une étable, d’une bergerie, d’une porcherie, d’une grange et d’une petite maison occupe le seul espace plat.
C’est une ferme auvergnate, les bâtiments sont construits autour d’une grande cour qui est l’espace de vie des paysans et des animaux.
Une entente exceptionnelle règne entre vaches, moutons, poules, cochons, chiens, chats, et âne qui passent leur journée à gambader dans la cour et le pré qui la prolonge. Les animaux mangent tous ensemble, c’est une cour des miracles au tintamarre joyeux et vivifiant.

Au petit trot ou au grand galop, selon que nous sommes en forêt ou sur les chemins nous nous rendons mon frère et moi à Gratte-Paille, à cheval, où nous sommes attendus.
C’est un immense plaisir que de traverser les bois protégés des rayons du soleil qui chauffent les prés à blanc en ce mois d’août.
Les chevaux sont en sueur quand nous arrivons au pas et je cherche des yeux une fontaine pour les abreuver.
Une joyeuse cacophonie nous accueille, vaches, chiens, cochons, moutons, tout ce petit monde se précipite vers nous, les paysans ferment la marche.
A croire que cette symphonie pastorale calme les chevaux. Ce sont des chevaux de concours effrayés au moindre bruit insolite et, ils ne bronchent pas.

Narcisse, le paysan et Marthe, sa femme nous accueillent à bras ouverts.
Je demande de l’eau pour les chevaux que nous dessellons avant de les emmener à l’abreuvoir.
Narcisse m’incite à lâcher les chevaux. L’herbe est verte, ils vont se régaler, ne t’inquiète pas, ils sont bien ici, ils ne partiront pas me dit-il.
Sceptique, je m’assois dans l’herbe pour les surveiller après avoir enroulé les cordes des licols autour de leurs encolures. L’herbe est verte et drue, les chevaux ont l’air heureux…

Narcisse revient me chercher et je le suis à reculons.
Je suis installée sur le banc à la grande table de ferme devant une part de tarte à la crème.Je ne me souviens pas d’avoir mangé mais je me souviens très bien m’être levée sans un mot pour aller jusqu’au palier de la porte.

Pas de chevaux en vue,
Je sors sans un mot, je m’avance en espérant que les chevaux sont descendus un peu plus bas. J’appelle mon frère qui descend le pré avec moi.
Toujours pas de chevaux en vue
Nous prenons le chemin, nous trouvons et suivons les traces de glissades des fers des chevaux sur la route.
Comme tous les animaux ils ont la mémoire de l’écurie. Ils ont rebroussé chemin. Deux chevaux, qui déboulent au grand galop dans le village …….
Je suis morte d’inquiétude.
C’est le temps des moissons les tracteurs sillonnent les routes.

Je tape à la porte de la première maison du village où nous nous présentons. Nous sommes toujours bien accueillis parce que nous sommes les petits enfants de notre grand-père, un notable de la région
Vous avez de la chance les enfants Marcel a arrêté les chevaux, il s’est mis en travers de leur route au bout du village.
Nous y courrons.
Tremblants, couverts d’écume blanche, les naseaux dilatés, les chevaux sont là.
Nous remercions chaleureusement Monsieur Marcel.
Je parle aux chevaux qui se calment au son de ma voix.
Ils nous ont retrouvés. Nous les avons retrouvés. Ils ne sont pas blessés.

Narcisse arrive en voiture avec les selles et les bombes.
Ne nous voyant pas revenir dans la maison : plus de chevaux, plus d’enfants. Narcisse en bon paysan a déduit que les chevaux étaient rentrés au bercail et que les enfants couraient derrière.

Il ne pouvait pas savoir que les chevaux avaient été arrêtés au village mais il était là. Parti pour apporter les selles jusqu’à Paulhaguet, notre village.

Chez Narcisse les animaux pouvaient vivre joyeusement en liberté, se côtoyer, partager leur territoire comme je ne l’avais jamais vu mais la nuance était qu’ils étaient chez eux à Gratte-Paille. Les chevaux étaient des ‘’invités’ ’ils étaient en confiance tant que j’étais dans leur paysage.
À partir du moment où j’ai disparu dans la maison, ma monture se sentant abandonnée et perdue s’est arraché du pré à toute allure, pour rejoindre le lieu qu’elle connaissait : son enclos à Paulhaguet.

Si j’étais restée assise au bord du pré il ne se serait rien passé. Les chevaux seraient entrain de manger l’herbe tranquillement et Narcisse serait sorti dix fois de la maison pour me demander de les rejoindre…

Être raisonnable c’était être « rabat-joie » et refuser une gentille invitation.

Il y a toujours ce que l’on a envie de faire et, ce que le petit doigt dit qu’il faut faire.

Cela ne m’a pas vraiment servi de leçon puisqu’il m’arrive encore de ne pas écouter mon petit doigt et d’être déraisonnable.

Version 2

Le désir de Samothrace

 

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6H30, les premiers rayons de soleil ricochent sur les galets de la plage
La journée commence par une lutte avec le vent de l’île qui frise les vagues et pousse la végétation jusqu’au bord de l’eau
Ce bain matinal est revigorant, un bain de jouvence, la promesse du jour, le désir de SAMOTHRACE
Douchée et habillée, la tranche de pastèque et les petites poires de la Saint-Jean accompagnent heureusement le café du matin.
J’ai chaussé mes vieilles Converse et décide de rejoindre le site à pied.
Ma joie est palpable, elle imprègne le bleu du ciel.

Devant le portail du site une véhicule s’arrête : Ludovic et Sébastien me demandent de monter, Bonna nous attend et nous devons arriver ensemble.
Ludovic qui est l’un des 3 commissaires en charge de la restauration de La Victoire de Samothrace est chez lui ! il est heureux comme un poisson dans l’eau ! nous aussi ! Nous foulons le sol de ce site prestigieux et nous sommes heureux comme des poissons dans l’eau !
Nous allons à la rencontre de Bonna, qui nous accueille à bras ouverts.
Nous grimpons dans son “open space” où des chercheurs et des étudiants s’affairent autour d’immenses tables recouvertes de plans, de dessins, de livres et d’ordinateurs.
Bonna nous montre un film en 3D où les différents temples du sanctuaire des Dieux ont été reconstitués. Cette formidable idée nous permettra une fois au milieu des pierres de visualiser les monuments dans leurs espaces.
Bonna nous parle ensuite de la tête…de Samothrace, c’est le nouveau graal !
A-t-elle roulé, charriée par les torrents de la rivière jusqu’à la mer ?
Serait-elle devenue ce galet que j’ai ramassé ce matin sur la plage?
A-t-elle été enterrée en contre-bas sous des mètres de limon ?
Bonna travaille sur le site depuis 1977 : toute une histoire, toute une vie !

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Avant de partir sur les traces des grecs du IVe av. J.C. nous faisons une halte devant le bloc de pierre C2. Celui que Champoiseau n’a pas emporté.Celui qui a servi de bitte d’amarrage avant d’être “sauvé” in extremis est là, calé entre deux arbres.
Les moyens techniques dont disposent les archéologues aujourd’hui, permettent à Ludovic de nous affirmer que C2 constituait le bloc central de la base de La Victoire de Samothrace et donc le bloc central du bateau. Ainsi les archéologues en analysant les encoches de C2 ont déduit que la statue était fixée au centre de son socle et non pas “en bout”, à la nef.
C2  illustre la vie des archéologues : découvrir, imaginer, tenter des reconstitutions,  émettre des hypothèses et puis un jour, les pierres parlent.
C’est la  magie des progrès techniques, la  magie de ce métier .
Les fouilles, la recherche,  savoir chercher, l’attente, savoir attendre, jusqu’à la délivrance: jusqu’à ce qu’au delà de leur mémoire, les pierres délivrent leur âme.

img_0851Nous empruntons la voie sacrée, le parcours initiatique, l’itinéraire que parcouraient les grecs du IVe siècle av. J.C.
Nous nous arrêtons à chaque emplacement où des colonnes s’érigent vers le ciel où des arcs de pierres délimitent les espaces construits, on sent les monuments, on les respire. On approche de La victoire
L’émotion de plus en plus perceptible grandit à chaque pas : nous flairons le lieu magique : l’emplacement de La Victoire de Samothrace.
Je suis en contrebas d’un talus, les colonnes doriques d’un temple se dressent fièrement devant moi.
Sébastien me dit : Tu vois, c’est la haut.
La haut ?

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Je photographie des arbustes et des oliviers sauvages !
Je photographie le concept de La Victoire
Elle est tellement présente !
Aux côtés de Bonna j’escalade les quelques mètres qui nous séparent de l’emplacement choisi par les grecs pour ériger cette sculpture monumentale
La Victoire de Samothrace.
Nous y sommes ! j’y suis ! je saute et crie de joie.
Bonna capte les vibrations, clic-clac !
Bonna me prend en photo avant de me prendre la main. Viens me dit-elle en me plaçant dans le périmètre exact de l’emplacement de La Victoire. Il est délimité au sol par des gros cailloux.

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Lève le bras droit, ouvre la main, écarte les doigts, ton bras gauche, positionne le comme si tu avais, un bâton clic-clac !
je prends la posture de La Victoire et place mes bras comme le souhaite Bonna.
Je suis La Victoire de Samothrace jusqu’au bout de mes doigts.
Bonna le sait clic-clac!
Bonna le sent clic-clac !
je ris clic-clac !
Bonna photographie clic-clac !
Bonna cherche et ne s’amuse pas !
Comment ai-je placé ma tête ? clic-clac !
Ma tête est très légèrement tournée vers ma main droite clic-clac !
Connaissant la corpulence de la statue on peut  déduire le volume et la masse de la tête.
Si on trouve l’angle de cassure de la tête on peut émettre des hypothèses quant à ses rebonds lors de sa chute….
Super Bonna, puissent  les photos que tu as prises ce matin te faire avancer.
Je n’ai pas réfléchi, ma rencontre avec
la Victoire était sincère.

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Un désir qui vient de loin. Un dialogue avec les pierres.
Les pierres s’apprivoisent, parlent, transmettent.
Ce que nous avons pris pour une séance de photo était une séance de travail !
Je suis sûre que tu es très proche de retrouver la tête de
La Victoire !
Fais moi signe quand tu la déterreras ! Bonne chance Bonna !

Ludovic nous parle de son travail archéologique, de celui de ses prédécesseurs et du premier, Charles Champoiseau. L’histoire est belle, sympathique et, française ! La Victoire de Samothrace s’élance au Louvre sur le palier du grand escalier Daru. Elle est monumentale, impériale, majestueuse, restaurée et, en partie reconstituée. Les morceaux créés sont un bonheur, tout a été fait pour rendre à la sculpture sa force et sa présence. Les morceaux absents : les bras, la tête, sont là, son élan est là.

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La Victoire de Samothrace telle que nous l’admirons aujourd’hui au Louvre est le résultat d’une belle histoire.C’est un travail de très longue haleine, le travail d’une grande équipe qui s’est passé le relais depuis 3 siècles, sculpteurs, archéologues, historiens, restaurateurs, mécènes. La statue d’aujourd’hui est indissociable de cette histoire et ne nous donnerait pas ce qu’elle nous donne à voir si Charles Champoiseau ne lui avait pas fait faire le voyage.
Sa place ne serait-elle pas plus tôt sur le site ? Non
Elle est sur le site !

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Sur le site Elle brille par sa non-présence. Elle fascine.
Tous ceux qui font le chemin de la voie sacrée le sentent.
À Samothrace on est dans le sanctuaire des Dieux.
Les ruines des temples s’élancent vers le ciel bleu.
Au loin la mer Égée absorbe l’énergie et la renvoie en millier de grelots de lumière poussés par le vent. Une immense plénitude inonde l’espace.
Atmosphère divine, atmosphère de pierres, je suis dans le sanctuaire des Dieux Cabires.
Bonna parle d’un projet de reproduction de La Victoire de Samothrace accordé par le gouvernement. Bonna doit décider de son emplacement.
S’il te plaît Bonna : devant le musée !
Nous sommes tous d’accord pour laisser au lieu d’origine son concept et sa magie.

je  peux reprendre le bateau

Samothrace for ever !

Good luck pour la tête Bonna !    img_0960


Personnes citées :

Bonna Wescoat
Ludovic Laugier
Sébastien Fumaroli

 

La bicyclette africaine

 

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Le Burundi est un petit pays (27 830 km²) situé au cœur de l’Afrique des Grands Lacs. Constitué en grande partie de hauts plateaux et de collines, il se situe sur la ligne de séparation des eaux du Nil et du Congo.

C’est le pays des mille collines et du Balthazar de la crèche, très verdoyant et ruisselant d’innombrables rivières qui dévalent vers le lac Tanganyika, aux pieds de Bujumbura en cette fin de saison des pluies.

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La route qui part de Bugarama et conduit à Bujumbura descend de 1400m sur une distance de 35km et comporte une centaine de virages à 90°.
Tous les matins j’emprunte cette route et je croise les cyclistes porteurs de bananes qui dévalent dans l’immense plaine vers la ville.

Quel spectacle que ces vélos chinois noirs sur lesquels sont maintenus de 14 à 18 régimes de bananes, environ 220 à 250 kg, dépassant d’un bon mètre la tête du pédaleur, dans un équilibre improbable, à l’arrière de la selle.
Emportés par leur masse et ne pouvant pas s’arrêter, les cyclistes sont prioritaires.
Ces vélos n’ont pas de frein…
Que la route soit sèche ou mouillée les cyclistes descendent des collines à plus de 80 km à heure.
Il y a beaucoup de culbutes parmi eux et ils ne font pas ce transport plus de deux ans en moyenne.

Le soir au retour, je croise les cyclistes porteurs de lait qui eux ne transportent que deux bidons d’aluminium de 30 litres derrière la selle. Ils font la course entre eux…

De la fenêtre de ma chambre je vois la cascade de collines plissées et enchevêtrées qui enserrent Bujumbura dans un fer à cheval au bord du lac.
Les plus hauts sommets à l’horizon sont noyés dans une ribambelle de nuages cotonneux.
Le soleil tape sur les toits de tôle ondulée qui scintillent dans le paysage tels des miroirs, perchés dans les endroits les plus invraisemblables où se niche une espérance de vie.

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J’imagine des téléphériques et des télésièges pour les bananes et pour le lait qui signifieraient la fin des petits boulots pour les cyclistes.

Il n‘y aurait plus d’espérance de vie, ni de bananes et encore moins de lait sur les pentes des collines où aucune grande exploitation ne pourrait être créée.

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Ce serait la fin des « derniers rois mages ».

Mon chauffeur est un Tutsi (15% de la population, détenteur du pouvoir royal et du tambour), il mesure deux mètres dix.

Quand je lui parle je dois lever la tête comme pour regarder le ciel dans ce pays d’astrologues.

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Notes :

Cet état de l’Afrique est limité au nord par le Rwanda et au sud par la Tanzanie, à l‘ouest par la République démocratique du Congo (l’ancien Zaïre).

J’ai voyagé au Burundi en 1993

« Les derniers rois mages » est un livre de
Paul Del Perugia,
auteur érudit et poète.

Rappel : du 6 avril au 4 juillet 1994, 800 000 rwandais, pour la pluspart Tutsis ont été massacrés par des rwandais majoritairement composés de Hutus. Perpétré en 100 jours le génocide rwandais détient le triste record du génocide le plus rapide de l’histoire.
source: article sur futura-sciences.com

J’ai marché sur la lune

 

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L’été de l’année 1969, J’ai marché sur la lune.

Un après-midi d’été, à la montagne, en Haute-Loire.

Nous étions au moulin de Clergeat sur les rives de la Senouire.
À Clergeat, au pied de la montagne, la rivière abreuve de vertes prairies.
Un chemin grimpe jusqu’à une ferme haut perchée et aux forêts de sapins.
Trop haut et trop loin pour nos petites jambes d’enfants…Nous restions avec Maman, au bord de la Senouire.
À notre arrivée, la dame du moulin, une dentellière, nous rejoignait avec sa petite chaise, son panier de fils, son carreau et ses chèvres.
Mon frère et moi, nous nous occupions des chèvres.
Nous passions l’après-midi à les poursuivre.
Les chèvres sont très dégourdies !
L’une d’elles arborait un dossard sur le dos, un grand rectangle de poils noirs avec un cercle blanc au milieu ! Elle était facilement repérable, on finissait toujours par la coincer ! Pendant que mon frère la tenait par les cornes, accroupie sous les pis, je la trayais.
Ce n’est pas facile de traire une chèvre. J’avais appris à la ferme avec les vaches. Je m’en sortais bien. Je remplissais un verre d’un lait tiède et mousseux. Nous le buvions mon frère et moi avec beaucoup de satisfaction et de délectation.

Pendant ce temps-là, Papa pêchait à la mouche dans la Senouire.
Nous l’attendions jusqu’au coucher du soleil.
Papa nous rejoignait après « le coup du soir » et nous nous précipitions pour voir son panier contenant de belles truites.

Ce jour-là, le 20 juillet 1969, il n’y a pas eu de « coup du soir » !
Papa a déboulé dans ses cuissardes de pêcheur alors que le soleil était encore haut.  « Allons dépêchez-vous les enfants, on rentre au village » !

On n’avait pas tout bien « capté », Papa conduisait pied au plancher. Les virages succédaient aux virages, dans un sens puis dans l’autre. Mon frère et moi étions ballotés comme des billes.il n’y avait pas de ceinture de sécurité en ce temps-là. Maman, à l’avant, se tenait coite.

Papa voulait arriver au village rapidement pour ne pas louper les premiers pas de l’homme sur la lune !

La lune…
Nous étions trop petits mon frère et moi pour avoir eu le temps de rêver et de fantasmer sur la lune. Était-elle habitée ? Y avait-il des êtres qui nous observaient de là-haut ? Quelle surprise réservait-elle ? c’était la jeunesse de Papa, pas la nôtre.

Les ciels d’été de Haute-Loire sont magnifiques. Des farandoles de nuages blancs galopent dans l’azur. Allongée dans l’herbe des prairies le nez contre le ciel j’imaginais toute sortes de bestiaires et d’histoires fantastiques mais, pas d’histoire de lune.

Papa gare la voiture. Nous courons vers la pièce de télévision. Les grands-parents ont allumé le précieux téléviseur en noir et blanc et disposé les sièges. Tout le monde s’assoit. Nous sommes arrivés à temps.
Le module de la fusée vient de se poser et la porte s’ouvre. L’échelle apparait. Papa est accroché à son siège.
Mon frère et moi regardons, les yeux grands ouverts, conscients d’un évènement mais, pas vraiment excités.

Le cosmonaute Armstrong descend lentement, un pied après l’autre, un barreau après l’autre. Sur le dernier barreau, il hésite. Il regarde le sol, puis le dernier barreau, puis le sol. Il se décide enfin, une grande enjambée et voilà, ça y est !

Ça y est ! Armstrong a posé le pied sur la lune, les deux pieds, il marche ou plus tôt, il sautille. Il ne s’enfonce pas ! Personne n’arrive pour l’attaquer non plus !

C’est pour Papa le moment de toutes les réponses…

Je ne me souviens pas sûrement mais je pense qu’il n’y avait pas de son en direct de la lune.
Le son était dans la pièce !
Un deuxième cosmonaute est descendu
Les cosmonautes ont planté le drapeau américain.

Après je ne me souviens plus.
Trop petite pour interviewer Papa sur son ressenti et plus tard je n’ai pas pensé à le faire.

Avec le recul, mon souvenir de ce 20 juillet de l’année 1969, c’est que j’ai marché sur la lune !

« Un petit pas pour l’Homme et un grand pas pour l’humanité » a dit Armstrong

Il a dit aussi « la terre est magnifique vue de la lune, faisons attention de ne pas l’abîmer » …

Clin d’œil !

J’ai réalisé ce petit dessin au doigt sur l’écran de mon iPad. Il y a 3 ans
Je languissais.
Mon chéri venait de subir une opération et je dessinais pour l’inciter à venir me voir.
Je me souviens, cette proposition ne l’avait pas du tout fait sourire !

Je ne me doutais pas que ce principe d’ascenseur existait depuis le moyen âge !
Preuve à l’appui :
Cette miniature est extraite du Codex Manese
Allemagne, premier quart du XIVe.

Upside down !

 

Les matins d’hiver en Provence,
J’ouvre les volets aux premières lueurs du jour.

La nature dort, pelotonnée dans sa chemise de nuit.
Elle attend le soleil.
Il grimpe lentement dans le dos de sainte Victoire.

Dans une heure ou peut-être un peu plus, il apparaîtra au sommet et sa lumière inondera la nature.
Ses rayons débarbouilleront les arbres nus des derniers lambeaux de brouillard et dynamiteront les feuilles mordorées qui jonchent les sols.

C’est le signal, le début de la journée.

Calée dans une flaque de soleil, assise sur la terrasse, je suis attentive à la chaleur du café qui descend dans ma gorge.

C’est un moment suspendu.

Le début d’une journée d’hiver, pâle, froide et courte.
Une journée d’hiver en Provence.

Le tableau ci-dessus et le brouillard de ce matin m’ont inspiré ces mots.
C’est un tableau d’Adrian Scott Stokes peint en 1912.
Il est titré : Sunset !

Dans mon petit coin de Provence,
L’atmosphère de ce tableau est celle du matin !

Upside down !

Le coup du soir

Illustration @theitsybitsyillustrations

 

Souvenir d’enfance

Mon père était un fin pêcheur à la ligne. Il pêchait à la mouche.
C’est tout un art de pêcher à la mouche.

Premièrement : la mouche
Mon père fabriquait lui-même ses mouches avec des plumes du cou des coqs.
Étape numéro 1, repérer les coqs dans les basses-cours.
Ça nous amusait beaucoup, mon frère et moi, de voir Papa et le paysan courir dans le poulailler. Attraper le coq pour lui enlever trois ou quatre plumes du cou était toute une affaire.
Les plumes les plus prisées étaient les jaunes.
La couleur des plumes était de première importance.
Pour chaque rivière et selon l’heure du jour, correspondait une couleur de plume spécifique.
Étape numéro 2 : la fabrication
Papa utilisait une pince à épiler pour enrouler la plume autour d’un hameçon.
Avec deux touches de vernis à ongle, il ajoutait les yeux.
Étape numéro 3 : le leurre
Une mouche plus vraie que nature était accrochée au bout d’un long fil de ligne.

Deuxièmement : la pêche
La pêche à la mouche nécessite un savoir-faire de précision.
La gestuelle est précise et d’une grande beauté.

La canne à pêche se courbe entrainée par les petits allers-retours du poignet du pêcheur qui transmettent au long fil de pêche des ondes. Le fil siffle dans l’air en dessinant des arabesques avant de se poser légèrement sur l’eau, tel une mouche.

Quand la truite mord à l’hameçon, le pêcheur rembobine très doucement le fil à l’aide du moulinet. Au moment où le poisson affleure, il s’incline en tendant l’épuisette pour faire glisser la truite à l’intérieur.
Cette opération réussie, le pêcheur se redresse en sortant la truite de l’eau.

Si le pêcheur a eu le pressentiment du poisson qu’il a ferré, à la lutte qu’il engage avec la truite qui se débat en bout de  ligne, c’est seulement au moment précis  où le poisson virevolte dans l’épuisette hors de l’eau, qu’il voit sa prise.
Il saisit la truite délicatement pour lui retirer avec une grande précaution l’hameçon de la bouche et éventuellement la mesurer.

Troisièmement : la truite
Les truites sont malines. La truite est un poisson qui sait nager !
Il faut être un pêcheur habile pour les ferrer.

Les tacons – ce sont les bébés saumon qui passent leurs premières années dans les rivières, se font souvent prendre mais le pêcheur les relâche. Il remet à l’eau, aussi, les truites qui ne « font pas la maille ».

Le pêcheur choisit les coins où ça mord, sous les souches des grands arbres bordant la rivière ou au pied d’un torrent.
Le plus important, est l’heure de la pêche.
Le meilleur moment, le moment où la truite mord, c’est au coucher du soleil.
C’est le coup du soir.

Les parents organisaient les après-midis :
Arrivés sur le lieu choisi pour la pêche, Papa enfilait ses cuissardes, endossait sa veste de pêche et partait rejoindre la rivière avec son épuisette et sa besace en osier ; Maman prenait les paniers pour la cueillette des framboises et le sac du goûter. Mon frère et moi la suivions dans les forêts de sapins.

Les fraises des bois, les myrtilles, les framboises et les champignons, selon le bois et l’ensoleillement, nous passions un moment à cueillir les fruits. Un fruit pour le panier un fruit pour nous ! de temps en temps le panier se renversait…

Nous étions petits, la cueillette et la marche dans les bois au bout d’une heure ça suffisait.
Maman s’arrêtait dans une clairière et nous goûtions. Puis nous reprenions notre marche à travers la forêt jusqu’à la route forestière. Nous redescendions par la route. C’étaient des routes en lave pilée.

Plus tard nous les parcourûmes au grand galop sur nos chevaux.
J’ai une pensée nostalgique pour ces routes qui n’existent plus, les paysans ont préféré les recouvrir de goudron plus pratique pour les machines agricoles.

Après on commençait à trouver le temps long.
À cinq heures du soir, à la montagne, l’humidité tombe.
Les journées sont ensoleillées mais courtes en Haute-Loire au mois d’août.
Souvent une averse sonne la fin de la journée.
Nous partions de la maison en tee-shirt mais nous emportions les pulls et les K-way pour le soir.

Et cinq heures de l’après-midi, c’est l’heure où le poisson mord.
Et cinq heures de l’après-midi, c’est l’heure où les enfants en ont marre

Alors on se chamaille, on appelle Papa avec l’écho.
On a repéré l’emplacement précis dans les champs et on cri et l’écho démultiplie nos cris. « Papa, Ohé Papa, Papa revient »
On guette, on attend, c’est long, trop long.

Maman est patiente, nous on trépigne.

Une truite pêchée du soir, passée à la poêle, a un goût de noisette.

Enfin Papa arrive. On veut voir le panier. Ça pue le poisson !

Le coup du soir.

La Truite de Courbet –
Tableau de 1873 conservé au musée d’Orsay à Paris

Le bonheur est dans le pré

 

 

J’étais heureuse et je le savais.

J’ai eu une jeunesse heureuse, j’avais beaucoup de chance et je le savais. J’en ai profité tout mon saoul.
Je montais à cheval.
J’avais des chevaux que je sortais en concours pendant l’année scolaire.
L’été, Papa conduisait les chevaux en Auvergne chez mes grands-parents.
C’étaient des vacances réjouissantes pour les chevaux et pour nous (mon frère et moi).

Cavaliers aguerris, nous galopions comme des fous sur les chemins forestiers et à travers champs. Les paysans occupés aux moissons levaient les bras au ciel à notre passage.
Ce ne serait plus possible aujourd’hui, les chemins forestiers étaient recouverts d’une poudre de lave et de granit concassés, l’amorti était parfait pour les jambes de nos chevaux de concours.

Des années plus tard, j’empruntais ces mêmes chemins avec mon chien Timm lors de nos courses matinales, et je constatais, d’année en année que le goudron recouvrait de plus en plus de chemins.
Le goudron convient mieux aux machines agricoles.

Il y avait les jours de promenade et les jours de repos.
Les jours de repos nous emmenions les chevaux à la rivière, les sabots parés, au licol et à cru. Nous traversions le village pour rejoindre les berges de la rivière Senouire, à la hauteur du moulin. Les chevaux entraient dans l’eau jusqu’au poitrail. Le courant massait les jambes des chevaux.
Occupés à croquer les feuilles des joncs, ils restaient calmes.

Monter les chevaux à cru au club hippique aurait été impensable -trop vifs, trop craintifs. En Auvergne nous l’avons fait spontanément. Probablement mon esprit pratique, éviter de mouiller le cuir des selles.
On parlait à l’oreille des chevaux, ils nous écoutaient.
J’anticipais les frayeurs comme le bruit de moteur d’un gros camion transportant des grumes de sapin passant au-dessus de nous sur le pont.

J’ai constaté que les chevaux de concours fébriles pendant l’année avaient un comportement totalement différent au pré, en vacances.

Au club hippique, j’arrivais le cheval était sellé. Le temps que j’enfile ma culotte, le lad m’avançait ma monture. Je montais une heure et je repartais au lycée. Le lad dessellait et toilettait le cheval.
En Auvergne, j’étais là, les chevaux avaient toute mon attention.

Les chevaux occupaient un pré de luxe : un grand terrain enclos de hauts murs de pierres, semé de graminées -plantées pour eux, avec un petit bois de grands sapins, des boxes ouverts, un seul point noir, pas d’abreuvoir  dans le pré.
Je devais les emmener boire à la fontaine.

La route longeait un des murs de l’enclos, les chevaux ne me voyaient pas mais, ils connaissaient mon pas.

C’était la mode des sabots suédois. J’étais allée chez le sabotier du village acheter une paire de vraies galoches -au désespoir de ma Grand-mère, avec une semelle en bois qui claquait sur la route.

Les chevaux venaient au galop au portail pour m’accueillir.
Je leur passais les licols et un à main droite le deuxième à main gauche, nous marchions jusqu’à la fontaine.

La sortie du pré était toute une affaire parce qu’ils ne passaient pas à deux, de front – je n’ouvrais qu’un ventail du portail. Je devais me contorsionner pour en sortir un sans lâcher le deuxième.

Une fois, je décidais de les emmener l’un après l’autre.
Séparer les chevaux c’est révélé une très, très mauvaise idée. Les chevaux se sont affolés, un concert de hennissements, tout le village a été sonorisé, il ne manquait plus que les cloches de l’église.

Pendant l’année les chevaux ont chacun leur boxe, chacun leur vie.
L’été on ne peut pas les séparer.

Première leçon : les chevaux expatriés à la montagne sont inséparables.

Deuxième leçon : chaque cheval a son caractère et il y a toujours un dominant.

Un poirier a grandi dans un coin du pré . Au mois d’août, les poires sont mûres. Les chevaux adorent les poires. Ils repèrent très vite celles qui sont tombées au pied de l’arbre. Le deuxième jour, ils croquent celles qui sont accrochées aux branches basses. Le troisième jour, ils s’organisent, le hongre, Altaï, donne des grands coups de croupe qui ébranle l’arbre et font tomber les poires mûres, l’étalon, BB les mange.

Troisième leçon : les chevaux ont de la mémoire

La première année, les boxes n’étaient pas construits. J’avais aménagé, dans le haut du pré à l’entrée du bois de sapin, une litière protégée par l’épais feuillage des arbres.
La deuxième année l’aménagement de l’enclos était terminé et pour éviter que les chevaux ne foulent toutes les graminées nous avions coupé le pré en deux en tendant une corde à hauteur de poitrail.
Nous savions que les chevaux, s’ils font des prouesses en concours de sauts d’obstacles, ne sautent pas pour leur plaisir.
J’avais souhaité que les boxes soient ouverts afin que les chevaux puissent aller et venir à leur convenance, se protéger des averses nombreuses en fin d’après-midi.

J’ai aménagé les litières et invité chaque cheval à rejoindre son boxe avec des seaux de grains.

Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je suis arrivée le lendemain matin.
Les chevaux avaient entendu mon pas et savaient que j’arrivais.
Conscient d’avoir fait une bêtise, l’étalon tenta de revenir du bon côté de la corde, mais pas assez vite pour que je ne le vois pas.

J’ouvre le portail, je suis ébahie et me demande si ma Grand-mère n’a pas mis du haschisch dans mon café.
BB était un grand cheval, 1m71 au garrot. Il était à genoux et avançait le plus vite possible dans cette posture pour passer sous la corde.
Ce sera la seule fois de ma vie où j’ai vu un cheval se déplacer à genoux.
Altaï émergea du bois prudemment. Grillé pour grillé, inutile de faire de la gymnastique.  Il attendait sagement que je vienne le chercher.

Pour leur première nuit les chevaux avaient préféré dormir sous les sapins et rejoindre leur « nid » de l’année précédente.

Quatrième leçon : en dehors de leur enclos, les chevaux ont besoin de notre présence.

Si on disparait du paysage ils sont perdus et rebroussent chemin au grand galop. Les chevaux ont la mémoire du chemin et savent retourner à leur enclos, quelques soient les kilomètres parcourus.

Je vous invite à lire l’histoire intitulée : Gratte paille, la ferme enchantée.

Des anecdotes sur ce mois d’été au vert partagé avec les chevaux, au fil des années, j’en ai une provision dans laquelle je puise quand il pleut dans ma vie.

Une dernière.
Le mois d’août c’était le mois des chevaux.
Je leur étais reconnaissante pour leur bon travail pendant l’année et les remercier de mon mieux. Je leur préparais des mâches, une sorte de gâteaux à plusieurs couches servi dans un seau. J’intercalai une couche de foin, une couche d’avoine, une couche de graines de lin, une couche de farine d’avoine, plusieurs fois, jusqu’à remplir le seau. Je faisais cuire le tout chez ma Grand-mère.
Les chevaux raffolaient de ces préparations.
Les chevaux sont gourmands.
L’appentis sous lequel je stockais leur nourriture jouxtait les boxes. Il fermait avec une porte en bois à claire-voie et un simple loquet.

Un matin l’étalon est venu m’accueillir les naseaux enfarinés.
Altaï avait été plus malin et s’était débarbouillé.

Je confirme, le bonheur est dans le pré.

Á cheval sur la mort

Á cheval sur la mort -1988  Jean-Michel Basquiat 

 

Je vis ma vie comme si j’allais vivre éternellement.

Je ne pense pas : « un jour je serai vieille et seule
Je ne serai unique pour personne » cf. M de Hennezel

Un jour Papa m’a dit « je suis arrivé au bout du chemin »
L’idée qu’un jour viendra naturellement l’abandon de la curiosité de la vie, me rassure.
Je suis sereine avec ça.

Il faut juste que j’arrive au bout du chemin …
Présentement (comme disent les africains) je n’ai pas envie de renoncer.
Renoncer n’est pas le mot juste. Les changements se font sans bruit, doucement, le quotidien change. Je m’emploie à entretenir mes capacités physiques et intellectuelles. Je marche hardiment sur le chemin.

« L’idée est de na pas se sentir abandonnée pour pouvoir s’abandonner avec confiance au mystère de la mort » écrit Marie de Hennezel
Ce ne devrait pas être compliqué puisque je vis seule depuis très longtemps.

Avec mon travail j’étais dans le « faire »
Avec mon blog « je suis »
Le blog est mon fil rouge, « mon ikigaï » (pointé par Marie de Hennezel)
Ce terme japonais désigne ce qui fait que le matin on se réveille avec l’envie de vivre.

Un grand merci à Marie de Hennezel qui, à petits pas, m’a fait prendre conscience de ma finitude.

J’accepte avec philosophie les changements imperceptibles de mon corps qui au bout du compte impactent mon quotidien.

Je n’attends pas la mort mais, elle ne me surprendra pas.
Un jour elle sera là et ce sera le bon moment…

Un moment à ce jour d’hiver 2023, que j’espère très lointain.

Une clef pour ceux qui craignent d’avancer dans la vie, le petit livre de Marie de Hennezel : L’aventure de vieillir chez Robert Laffont-2022

Une philosophie, un livre de chevet…

PS : Ce tableau de Basquiat illustre parfaitement mon état d’esprit !