Léon Kossoff (1926-2019)
Outside Kilburn Underground – Summer 1976
1976
Huile sur toile
Dim 121 x 148 cm
Conservé aux Leicester Museum and Galleries
Le peintre
Fils d’immigrés juifs ayant fuit les pogroms en Ukraine, Leon Kossoff, décédé le 4 juillet à l’âge de 92 ans, a été l’un des plus grands interprètes de la « School of London », aux côtés de Lucian Freud ou Frank Auerbach, comme eux de racines continentales.
Sa vie artistique commence après trois ans d’un long service militaire (1945-48), qu’il passe au sein de la brigade juive de l’armée britannique, entre l’Italie, les Pays-Bas et l’Allemagne.
Formé à la St. Martins School of Art, mais aussi grâce à l’enseignement de David Bomberg – peintre qui influença toute une génération d’après-guerre au Borough Polytechnic –, Léon Kossoff a puisé l’essentiel de ses thèmes dans la vie urbaine de la capitale, notamment dans l’East End de son enfance, où ses parents tenaient une boulangerie. « Rien ne m’excite autant que Londres », affirmait-il.
Les gares (King’s Cross), le métro, les ponts, les carrefours et églises (St Paul et Christ Church à Spitalfields) forment l’ossature de sa peinture, à côté de portraits sans concessions de ses proches.
Représentant la Grande-Bretagne à la Biennale de Venise en 1995, il a fait l’objet de plusieurs rétrospectives, à la Tate Britain en 1996, et en galeries, notamment chez Annely Juda.
Le tableau
Léon Kossoff a peint toute une série de gares de Kilburn, sur différentes années et différentes saisons.
La gare a été représentée sur nombre de gravures, dessins et peintures de Kossoff.
On retrouve généralement une constante, le pont métallique qui traverse Kilburn High Road.
Léon Kossoff est un des peintres les plus expressionnistes du groupe, son tableau est emprunt d’une certaine mélancolie.
Composition
Dans ce tableau le peintre reste fidèle à sa composition habituelle, avec le fameux pont métallique traversant Kilburn High Road, bien visible au-dessus de l’entrée du métro..
Sous le pont et entre les arches du métro se presse une foule dense.
Léon Kossoff a peint ses personnages sur une frise :
De gauche à droite, on observe au premier plan, un couple qui se dispute puis, au centre, un couple enlacé, et à l’extrême droite deux personnages marchant côte à côte très pressés.
Au deuxième plan, les figures sont plus petites un homme marche vers une femme accoudée à une barrière.
Les femmes portent des robes à manches courtes, c’est l’été.
Les figures sont penchées, comme si le sol était en pente.
Les couleurs grises et bleues de l’acier du pont et des arches répondent au gris du pavement.
C’est la courbe du pont qui donne de la profondeur au tableau.
Dans le fond du tableau, un point de repère : une tache rouge sombre où se rejoignent toutes les diagonales du tableau.
Analyse
La technique de Kossoff est un processus souvent très long, alternant superposition et grattage de couches de peinture afin d’obtenir une surface très texturée, au point que les figures ne sont pas visibles immédiatement.
Dans ce tableau, le décor est un lieu urbain caractéristique de l’œuvre de Kossoff, Kilburn, banlieue du nord-ouest de Londres où l’artiste vivait.
Fidèle à sa dénomination, cet artiste est connu pour ses lieux londoniens tout autant que pour les représentations des membres de son entourage.
Les références de Kossoff aux grands maîtres, Titien, Rembrandt et Rubens témoignent de son attachement à la tradition, omniprésente dans son œuvre.
Dans ce tableau : Outside Kilburn Underground – Summer 1976, Kossoff capte l’essence de l’environnement urbain londonien tout en y ajoutant une résonance émotionnelle unique.
Léon Kossoff est connu pour sa capacité à infuser ses œuvres d’une profonde émotion tout en représentant des scènes de la vie quotidienne.
Le peintre transcende la simple représentation visuelle pour toucher à une expression plus sentimentale et personnelle.
Ce tableau est une toile fascinante qui capture l’essence de la vie urbaine à un moment précis.
L’été 1976 à Londres fut particulièrement chaud, ce qui a probablement influencé l’humeur générale de la ville et par conséquent, les émotions véhiculées par ce tableau.
Cette peinture d’après guerre laisse une marque de ses qualités existentialistes.
Technique expressive :
Sa technique de peinture dynamique permet de transmettre non seulement l’apparence physique de l’environnement, mais aussi l’atmosphère et les sentiments associés à cet endroit précis.
Il utilise une technique de peinture épaisse, souvent avec des coups de pinceau marqués et texturés qui donnent un caractère vivant et dynamique à la toile.
Léon Kossoff crée une atmosphère d’activité, évoquant l’agitation d’une journée d’été à Kilburn.
Le style distinctif de Kossoff se concentre souvent sur la vitalité et le mouvement de la vie urbaine.
La lourdeur de la matière picturale peut évoquer la densité de la vie quotidienne, avec son tumulte, ses rythmes et ses pulsations.
Ce style expressif fait résonner l’énergie et la vitalité de la scène urbaine, créant une connexion émotionnelle avec le regardeur.
Palette de couleurs évocatrices :
Les couleurs choisies par Léon Kossoff contribuent également à cette résonance émotionnelle.
Dans ce tableau, il utilise une palette qui capte la lumière unique d’un jour d’été londonien avec des tonalités qui peuvent symboliser la chaleur, le jaune, le rose et le bleu bataillent avec les couleurs métalliques de la gare, les gris et les noirs.
Les couleurs utilisées, sombres et terreuses, avec des éclats occasionnels de lumière, contribuent à cette ambiance émotionnelle, reflétant la complexité et la richesse de la vie quotidienne à Londres.
Ces couleurs symbolisent aussi l’activité et peut-être même une forme de nostalgie .
Ces choix chromatiques transportent le regardeur au-delà du tableau, lui inspirant des sensations et des souvenirs personnels.
Sens du mouvement et de la vie urbaine :
Le tableau capture le flux constant de la vie autour de la station de métro, un thème récurrent dans l’œuvre de Léon Kossoff.
Le mouvement impliqué dans la scène avec les personnes se déplaçant est rendu de manière à évoquer les émotions liées à la vie urbaine : l’agitation, la routine quotidienne mais aussi l’interconnexion humaine.
Léon Kossoff a une capacité remarquable à transformer des scènes urbaines ordinaires en quelque chose de profondément touchant.
Impression subjective :
Léon Kossoff ne cherche pas à recréer la scène fidèlement, ce n’est pas une photographie.
Il filtre la vue à travers sa propre perception subjective, engageant une interaction émotionnelle personnelle avec ce lieu.
Cette perspective unique permet au regardeur de ressentir non seulement ce qui est vu, mais aussi ce qui est vécu par l’artiste dans son interaction avec cet environnement.
Le peintre capture l’essence de la vie urbaine en constante évolution, avec ses flux incessants de personnes et ses changements constants
Outside Kilburn Underground – Summer 1976 illustre la capacité de Léon Kossoff à repousser les limites de la peinture figurative pour intégrer des dimensions émotionnelles à ses œuvres.
Il réussit à capturer l’essence d’un lieu tout en invitant le regardeur à explorer ses propres émotions et souvenirs associés à ce type d’environnement urbain dense et dynamique.
Conclusion
Kossoff avait une affinité particulière pour Londres, sa ville natale, et cela se ressent dans ses peintures.
Il ne s’agit pas seulement de représenter un paysage urbain, mais de capturer l’âme de la ville et de ses habitants.
Cette profondeur émotionnelle fait que le regardeur ne se contente pas de voir la scène mais la ressent, ce qui témoigne de la capacité de Kossoff à fusionner l’environnement physique avec des émotions humaines universelles.