Jeanne Seymour- 1536 – Esquisse et Peinture – Hans Holbein le Jeune

Dessein préparatoire à la craie de couleur et au crayon
Conservé dans la Royal Collection à Londres

Dans ce portrait réalisé peu après son mariage avec le roi Henri VIII en 1536, Holbein insiste sur l’aspect officiel de l’œuvre et met l’accent sur la robe ornée de pierres précieuses pour détourner l’attention de son visage banal.

Ce tableau est conservé au musée d’Histoire de l’Art à Vienne 

La famille de l’artiste – 1528 – Hans Holbein le Jeune

Hans Holbein  représente ses deux enfants et son épouse.
Cette femme vieillie, ces enfants maussades sont peints sans concession, avec un étrange mélange de cynisme et d’émotion.
En 1532 , Hans Holbein quitte sa famille en lui ayant assuré le confort  matériel  et part s’installer à Londres…

Huysmans commente : « Avec des yeux rouges, un air navré et deux enfants, elle vous tient par son expression de vie. »

Conservé au musée d’Art de Bâle en Suisse.

Le Christ mort -1521 – Hans Holbein le Jeune

Hans Holbein le Jeune représente le Christ mort avec la précision clinique d’un médecin légiste. Teint verdâtre, rigidité, mâchoire crispée, yeux révulsés, le Christ gît sur une dalle couverte d’un linceul blanc dont les plis sont détaillés aussi précisément que l’anatomie du sujet.
En voyant le tableau, Dostoïevski écrivit : « Cette image aurait de quoi faire perdre la foi à de nombreux hommes, tant le Christ paraît humain et faillible, défiguré et humilié par la mort. »

Cette huile sur bois est conservée au musée d’Art de Bâle en Suisse.

La Vierge à l’Enfant avec la famille du bourgmestre Meyer – 1526-28 Hans Holbein le Jeune

Hans Holbein le Jeune (1497/98-1543)

 

La Vierge à l’Enfant avec la famille du bourgmestre Meyer

1526-1528

Huile sur panneau de bois

Dim 144 x 94 cm

Collection particulière.

Exposé depuis 2012 dans l’église des Chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem (Johanniterkirche), reconvertie en musée -Wurtemberg, Allemagne

 

Le peintre

Hans Holbein le Jeune est né à Augsbourg, ville bavaroise, économiquement très active.
Holbein naît à une époque où l’Europe connaît de profonds changements et voit sa carte politique se modifier considérablement.
Fils et neveu de peintres, il se forme dans l’atelier de son père.
En 1515, il entre dans l’atelier de Hans Herbst à Bâle, en Suisse, où il se lie très vite avec les humanistes de la ville.
Holbein prospère grâce à des commandes d’œuvres religieuses. Il crée une série de gravures sur bois pour la version allemande de la Bible traduite par Martin Luther, et dessine à la plume.
En 1516, Holbein travaille dans la ville de Bâle comme portraitiste, illustrateur et créateur de vitraux. L’éditeur Johann Froben lui commande des illustrations pour les ouvrages de sir Thomas More et Érasme. Holbein illustre le livre d’Érasme, Éloge de la folie. Érasme ouvre à Holbein les routes de l’Europe et surtout de Londres en lui fournissant des lettres de recommandation.
En 1517-18 il voyage en Italie où il étudie les œuvres de Léonard de Vinci.
En 1519, à la mort de son frère Ambrosius, également peintre, il reprend son atelier.
En 1520 il devient citoyen de Bâle en épousant Elsbeth Bizenstock.
Pendant la décennie passée à Bâle, Holbein réalise des retables pour les églises et commence à peindre des portraits, comme celui d’Érasme en 1523.
À Bâle le protestantisme est en plein essor, face au déclin des commandes d’œuvres sacrées, Holbein se met au portrait et quitte Bâle pour échapper aux conflits religieux.
En 1524, il voyage en France et apprend la technique des crayons de couleur auprès de Jean Clouet.
En 1526, les changements religieux à Bâle poussent Holbein à chercher du travail en Angleterre, il est l’hôte de Thomas More, dont il réalise un superbe portrait en 1527.
En 1528, il est de retour à Bâle, adopte la nouvelle religion et peint sa dernière commande religieuse : La Vierge à l’Enfant avec la famille du bourgmestre Meyer.
En 1532, il s’installe définitivement en Angleterre.
En 1536 il est nommé peintre de la cour des Tudor sur laquelle règne le roi Henri VIII. Il réalise de nombreux portraits du souverain, de ses épouses, de ses courtisans et de nobles.
Il meurt de la peste à Londres en 1543.

 

Le tableau

Ce tableau est également appelé Madone de Darmstadt ou
Madone au manteau de Grâce

Le commanditaire est le richissime chef d’armée et bourgmestre Jakob Meyer Zum Hasen. Grâce à lui, Holbein avait obtenu diverses commandes qui contribuèrent à l’essor de sa carrière.

Ce retable destiné à l’autel de la chapelle du château de Jacob Meyer est la dernière œuvre religieuse peinte par Holbein à Bâle, elle est considérée comme son œuvre maîtresse.

En 1528, Holbein le Jeune, procède au remaniement de La Vierge à l’Enfant avec la famille du bourgmestre Meyer qu’il avait terminé deux ans auparavant et qui est un chef d’œuvre de l’art européen et vaut à Holbein la réputation de
« Raphaël du Nord » au XVIe.

Info Wikipédia :
« Ce retable a longtemps été exposé au Schlossmuseum de Darmstadt, avant d’être prêté au Städel Museum de Francfort, puis finalement acquis par un collectionneur particulier en 2011.
Avec un prix supérieur à 50 millions d’euros, ce tableau est l’œuvre d’art la plus chère qui ait été achetée en Allemagne depuis la Seconde Guerre mondiale. »

 

Composition

Cette scène est à la fois un portait de famille du commanditaire et une représentation traditionnelle de la Vierge dans un rôle de protection.

Présentés dans une niche à festons, la Vierge et l’Enfant sont entourés de la famille Meyer.
La couronne intronise Marie comme reine du paradis.

La scène se situe en plein-air.
Les pampres stylisés et les feuilles de figuier se détachent du fond bleu du ciel.

La Vierge imposante et majestueuse, avec le Christ dans ses bras, se tient debout devant son trône, dont le couronnement est en forme de coquille. Elle baisse les yeux vers son enfant.
La Vierge Marie protège le commanditaire avec son manteau.

L’homme en prière, agenouillé à gauche de la composition est Jacob Meyer, Holbein le dote d’un regard puissant.
Devant lui son patron saint Jacques, reconnaissable à sa pochette attachée à la ceinture -saint Jacques est le patron des pèlerins. Le bambin qu’il tient debout devant lui est Jean-Baptiste dont la présence s’inscrit dans la tradition italienne.
Saint Jacques et Jean-Baptiste, sont  deux figures  idéalisées contrairement à la famille Meyer.

À droite de la composition, de profil, sa première épouse décédée en 1511, de trois-quarts, la seconde épouse de Meyer, Dorothea Kannengieser de Thann et, devant celle-ci, Anna l’unique enfant de Meyer. Anna tient un chapelet rouge entre ses doigts et sa « coiffe de demoiselle » indique qu’elle n’est plus une
« enfant ».

L’ensemble de la scène est structuré par la verticalité des lignes et le jeu des regards. La Vierge est dans l’axe du tableau.
La disposition des figures forme un triangle dynamique.

Les personnages ont une présence forte.

Holbein maîtrise les couleurs et le rendu des expressions.
Il utilise peu de couleurs mais, elles sont très denses.
Il y a un contraste très fort entre les couleurs sombres des vêtements et les visages.
Le bleu de la robe de la Vierge est très présent, le rouge de sa ceinture illumine le blanc des voiles et la chair des visages de la famille.

La lumière semble émaner de l’intérieur des figures et irradie le tableau.

 

Analyse

L’éclosion humaniste, courant intellectuel qui accorde une place primordiale aux valeurs humaines, et le développement des idées de la Réforme entraînent des bouleversements artistiques et intellectuels importants.
Une Réforme qui façonne le continent à coup de remises en question des pouvoirs établis et d’idées novatrices.

L’association d’un thème religieux et d’un portrait réaliste du commanditaire est une tradition nordique.

La Vierge offre une protection attentive à Jacob Meyer qu’elle abrite sous un pan de son manteau, ce motif est très répandu dans l’art médiéval.

Ce retable est son dernier tableau religieux, Hans Holbein le Jeune se consacrera aux portraits de personnages profanes, ceux qui font leur époque. Holbein a un rare sens du rendu psychologique de ses modèles, il excelle à capter les regards.

Dans ses portraits, Holbein a l’art de faire disparaître la frontière entre l’illusion et la réalité.

Holbein faisait des dessins à la craie de ses modèles qui lui servaient de base       pour ses peintures à l’huile. Ces dessins permettent de suivre le cheminement créateur du peintre. Ils deviendront ce que l’art européen connaît de plus beau dans ce domaine.

 I-   La Vierge à l’Enfant avec la famille du bourgmestre Meyer reflète la diversité des influences artistiques qu’Holbein intègre dans une synthèse originale :

-Le portrait, prisé dans l’art allemand de la fin du Moyen-Âge,
-Le soin porté au portrait perfectionné par les maîtres flamands, Holbein s’attache aux détails du réel
-Le traitement monumental de la figure humaine inspiré de la peinture italienne.
-Idéalisation des personnages allégoriques : saint Jacques et Jean-Baptiste, comme chez les italiens qui représentent le monde en généralisant les formes, en supprimant les « accidents » pour en dégager les lignes de force et l’essence.

Alors que les italiens s’orientent vers une géométrisation de l’espace, Holbein tire la troisième dimension du rendu des matières et des volumes des corps.
La perception de la surface et de la profondeur émerge d’un cadre qui contient et dispose des éléments repérables : le tapis persan chiffonné par les personnages, le ciel, les feuilles de figuier, les pampres stylisés, le couronnement du trône en forme de coquille.

Holbein est à la fois tributaire de la Renaissance italienne et de l’art des primitifs flamands qui s’attachaient à rendre la réalité le plus fidèlement possible.

II-   Holbein est à la fois novateur et traditionnel.

Sa culture Renaissance italienne il la doit aux gravures et aux carnets de motifs d’œuvres italiennes qu’il a l’occasion de consulter à Augsbourg et Nuremberg.

De la culture gothique tardive, il ne retient que certaines formes qu’on retrouve dans ses œuvres religieuses. S’il ne rompt pas radicalement avec le gothique international, Holbein va néanmoins le transformer en profondeur en y intégrant un naturalisme poussé et une piété simple.
Holbein remplace l’or traditionnel des fonds et des auréoles par le rayonnement lumineux des couleurs à l’huile, comme si le sacré était désormais immanent à l’homme. Dans cette perspective, cette œuvre humaniste est également novatrice.

Le regardeur ordonne les figures qui sont reliées les unes aux autres.
Notre regard reconstruit les indices de la réalité.
Tout ce que le regardeur voit sur ce tableau a été murement pensé par Holbein.

Le peintre exprime avec un réalisme confondant la personnalité de ses modèles.
Aucun des détails matériels et quotidiens n’est négligé, il représente toute la richesse des étoffes, des coiffures, des bijoux et des objets.

La verticalité trinitaire de la composition dégage une grande gravité.

Les personnages, par leur regard, leur posture, leur volume, existent par eux-mêmes et s’avancent vers le regardeur, éveillés et concentrés.

Le commanditaire, Jacob Meyer a le visage grave. Le saint Jacques et Le petit Jean-Baptiste, précisent l’univers de ses pensées, sur un mode allégorique.
Les détails du chapelet et de la coiffe annoncent l’état de la jeune-fille.

Par-delà l’attraction symbolisante, la force du tableau réside comme chez les maîtres flamands (Van Eyck, Metsys…) dans ce double foyer de tension. Les deux groupes de figures attirent le regard.

Les émotions des personnages sont retenues ce qui leur confère une relative sérénité

III-   Holbein spiritualise la figure humaine.

Ce tableau insiste sur la nécessité de l’ordre des choses et le contexte.

Holbein s’attache aux détails du réel et en même temps donne à ses personnages une profondeur mystérieuse.
C’est dans le recueillement du visage de la Vierge que l’éternel devient visible.
Cette maîtrise du sentiment transforme l’émotion en disposition de l’âme, la tendresse attentive d’une mère envers son enfant s’élève vers l’Éternel.
La mère et l’enfant figurent à eux deux l’amour chrétien universel, à la fois charité et clémence.
Holbein guide le regardeur vers le divin par la traversée sensible du réel.

IV-   Peint en 1526 puis repris en 1528, ce tableau est la dernière œuvre religieuse d’Holbein.

À Bâle en 1528, la Réforme banni vigoureusement toute manifestation plastique d’art religieux.
Partout les œuvres et les écrits sont livrés aux flammes.

Dans cette bouleversante Renaissance, où la crise des savoirs ne peut que s’amplifier en raison des déchirements dans les croyances, l’humanisme d’Holbein reste proche de celui de ses amis Érasme et More, tous les deux partisans d’un catholicisme éclairé.

À peu près dans le même temps, et à l’inverse d’Holbein, Grünewald pactise avec les révolutionnaires extrêmes, Dürer est un luthérien convaincu.

 

Conclusion

Holbein appartient à la génération qui suivit le plus grand épanouissement d’artistes en Allemagne qui avait vu des maîtres tels que Dürer dominer le monde de l’art européen.
De son temps Holbein est un peintre véritablement international.

Avec Hans Holbein l’horizon s’élargit.
Alors que Véronèse vers 1560 en sera à peindre des repas bibliques et Bruegel des combats de carnaval et de carême.
Holbein regarde l’homme, son contemporain et l’examine à la loupe.
On reproche à Holbein d’être froid, de rester empreint de gothique tardif.
Cent ans plus tard, Vermeer pare sa Jeune fille à la perle d’une grande sensualité.

Cependant, Hans Holbein le Jeune est le plus brillant portraitiste de la Renaissance. Grâce à son talent, il traverse sans encombre une période difficile pour les artistes du nord de l’Europe et mène une carrière florissante à la cour d’Henri VIII d’Angleterre.

Son gout pour les collaborations avec divers métiers artisanaux et artistiques, provoque la diffusion exponentielle de ses dessins dans tous les corps de métiers. Les modèles de la Renaissance italienne et flamande, les modèles de la peinture religieuse germanique, s’infiltrent et exercent une grande influence dans le deuxième moitié du XVIe.

Le portrait était son fonds de commerce.
Les hasards de la politique ont contraint Holbein le Jeune à travailler pour des mécènes qui ne s’intéressaient qu’au portrait.
C’est ainsi qu’avec son extraordinaire acuité d’observation, il devint un des plus grand portraitistes de tous les temps, ce qui fut néanmoins une lourde restriction à son génie.