Mois : avril 2024
l’ouvrier – E.Delacroix
Allégorie du roi de Rome -1812 P.P.Prud’hon
Conservé au musée Napoléonien de Rome
Étude de jeune-homme pour le Rêve du bonheur -1819 et tableau P.P.Prud’hon
Cette étude et le tableau qui est une esquisse sont de Prud’hon
Il les destine à son élève et maîtresse Constance Mayer
Conservés au Musée du Louvre
Portrait de l’impératrice Joséphine assise dans un parc vers 1805 – P.P.Prud’hon
Étude conservée au Musée du Louvre
L’impératrice Joséphine – 1805 Pierre Paul Prud’hon
Pierre Paul Prud’hon (1758-1823)
L’impératrice Joséphine
1805
Huile sur toile
Dim 244 x 179 cm
Conservé au Musée du Louvre
Le peintre
Le début de la carrière de Pierre Paul Prud’hon est marqué par ses origines bourguignonnes. Les autorités ayant remarqué les prédispositions de ce fils de tailleur de pierre pour le dessin, lui permirent d’étudier à Dijon d’abord, il a seize ans. Puis, grâce aux largesses d’un amateur, à Paris (1780-1783).
Lauréat du prix de Rome de la province de Bourgogne, il voyage en Italie (1784-1788). Il découvre l’Antique de la Renaissance, Raphaël et Michel-Ange. Il manifeste son admiration pour Léonard de Vinci, il dit « c’est mon maître et mon héros ». Il étudie les maîtres anciens, en particulier Le Corrège et fréquente les artistes qui promeuvent les nouvelles théories du néoclassicisme, Anton Mengs, Antonio Canova, Angelica Kauffmann.
De retour à Paris, au début de la Révolution, il adhère aux idées nouvelles et fait partie du Club des Arts.
Quelques compositions allégoriques, reprises dans des gravures, lui permettent de se faire connaître dans la capitale.
En 1794-1796, il habite la Franche-Comté et vit de portraits et d’illustrations pour l’éditeur Pierre Didot.
En 1796, il est élu membre associé de l’Institut et revient à Paris. Il obtient un atelier au Louvre où il réalise La Sagesse et la Vérité descendant sur terre –1798-99 et peint pour le financier de Lannoy un décor allégorique qui fait sensation. Il reçoit des commandes de plafonds pour le Louvre et commence à être connu.
La consécration vient avec le succès remporté au Salon de 1808 par le tableau La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime. Ce tableau est l’un des plus populaires du XIXe.
Napoléon lui décerne au Salon de 1808, la médaille de la Légion d’honneur.
Pierre Paul Prud’hon est l’un des principaux portraitistes de la famille impériale et des personnages de la cour.
Il peint de nombreux portraits, L’impératrice Joséphine –1805, Monsieur Vallet –1812, Le roi de Rome –1812, le comte Sommariva –1815. Parallèlement il fournit des illustrations aux éditeurs, dessine des décorations de fêtes données par la ville de Paris, crée le modèle du mobilier pour la nouvelle impératrice Marie-Louise -1810 ou le berceau du roi de Rome -1811.
Génie solitaire égaré dans la France néoclassique, à la fin de sa vie, hormis une Assomption –1817, pour la chapelle des Tuileries, il se consacre au portrait et à la lithographie.
Nombre de ses tableaux sont abîmés par l’emploi abusif du bitume.
Le tableau
Marie-Joséphine Rose Tascher de La Pagerie était veuve du général de Beauharnais lorsqu’elle épousa en secondes noces Napoléon Bonaparte, en 1796.
Quatre années ont été nécessaires à Prud’hon pour réaliser ce portrait de l’impératrice dans le parc de Malmaison, à l’extérieur de Paris.
Joséphine fut charmée par ce tableau.
Ce portrait consacra la réputation de Prud’hon et lui valut la faveur impériale.
Exposé dans la galerie de tableaux de Joséphine, le tableau revient à sa fille la Reine Hortense à sa mort en 1814.
Sa fille l’installe avec elle dans son château d’Arenenberg.
On retrouve le tableau dans les appartements de Napoléon III aux Tuileries.
Le tableau est séquestré en 1870.
Le tableau est définitivement attribué au Musée du Louvre en 1879.
Composition
Sur le point d’être répudiée par l’empereur en raison de son incapacité à lui donner un héritier, Joséphine est représentée dans une pose alanguie et mélancolique.
Joséphine est assise au premier plan à l’ombre des arbres qui laissent transparaître un trait de lumière dans le fond du tableau.
Le corps alanguie de Joséphine rivalise, par la force de leurs réalismes, avec l’intensité mélancolique des gestes et de l’expression de son visage.
Son bras droit tombe naturellement le long du corps, sa main droite froisse un bout du châle rouge dont elle s’est enveloppée.
Le peintre met en place une chaîne de diagonales et étire ses lignes avec sensualité afin de souligner l’’élégance du personnage.
La lumière qui filtre à travers le feuillage souligne les courbes du corps de Joséphine.
Son visage ovale, ses yeux noirs dégagent une grâce puérile.
Les effets de clair-obscur sont atténués au profit d’un raffinement du coloris et d’une élégance parfaitement maitrisée de la ligne.
Les grands arbres du parc forment un coin d’ombre qui ne laisse apercevoir qu’un pan de ciel.
Joséphine fusionne avec ce coin de forêt dans un équilibre parfait entre la noblesse de ses gestes, l’éclatante blancheur de robe et la douce lumière qui baigne la forêt.
Le trait de Prud’hon est délicat.
Il met en valeur par l’utilisation d’un léger clair-obscur, le modelé plein de douceur.
Le personnage est net et parfaitement dessiné.
La nature, très présente dans ce portrait, participe à l’attrait de la composition.
Prud’hon utilise habilement la lumière et la couleur.
L’accord délicat du blanc et du rouge est d’une grande de poésie.
Les couleurs sont lumineuses et les contours d’une grande douceur.
Le châle en cachemire pourpre qui recouvre les genoux de Joséphine attire le regard.
C’est un clin d’œil au manteau impérial de couleur rouge, parsemé d’abeilles dorées, symbole de l’empire.
La robe blanche à l’antique très simple et largement décolletée, découvre les épaules de Joséphine, d’une rondeur exquise.
Un diadème d’or ceint son front et s’enroule dans ses cheveux noirs entremêlés de bijoux, relevés à la mode de l’époque, un chignon bouclé qui laisse échapper quelques mèches encadrant le visage.
La peau de Joséphine, d’une blancheur dont elle est très fière est illuminée par le soleil, perçant les frondaisons.
La lumière éclaire la carnation délicate et fait scintiller l’or de la robe et des bijoux.
Cette composition dégage un soupçon de théâtralité.
Prud’hon structure la scène avec une cohérence chromatique rigoureuse.
La dynamique picturale est provoquée par l’association du blanc et du rouge doucement éclairés.
Prud’hon dans ce tableau fait une synthèse de la statuaire antique, de la vision naturaliste et du classicisme.
L’ensemble de la composition est infiniment gracieux.
Analyse
Le peintre est à contre-courant de la tendance artistique majoritaire qui est plutôt au nationalisme politique et à l’austérité esthétique.
Prud’hon réussit à assouplir et à rendre aimable le style froid de l’Empire.
La grâce et l’élégance du style de Prud’hon évoquent davantage le règne de Louis XVI que la révolution.
Cependant Prud’hon se sert de l’iconographie antique pour représenter la vertu et la moralité.
À la manière du style anglais, le paysage arboré et poétique qui entoure Joséphine crée une atmosphère romantique inhabituelle dans les portraits de la tradition néoclassique française.
Les artistes anglais inventent un type de portrait où la nature figurée à l’arrière-plan, épouse par ses couleurs ou son aspect, les émotions du modèle.
Le portrait de Prud’hon est fidèle à cette école tout en y intégrant de nouveaux éléments qui seront repris par les peintres romantiques : la pose alanguie, le regard rêveur, la douceur des éclats de lumière et la touche picturale estompée.
Joséphine apparait admirable de naturel dans une composition de plein air.
Représentée dans le parc de sa demeure, Joséphine qui était botaniste amateur semble faire corps avec la nature.
C’est nonchalamment assise sur un rocher en forme de banc, entre les bosquets de ce parc à l’anglaise, véritable fierté personnelle, que Joséphine a voulu se faire représenter.
Prud’hon parvient à associer les exigences de la représentation sociale et une réelle profondeur psychologique.
Il associe le naturel et la spontanéité.
L’expression songeuse et mélancolique de Joséphine trouve un écho dans l’aspect sombre du sous-bois.
Les effets de lumière mettent Joséphine en valeur.
La présence quasi fantomatique du vase en pierre rempli de fritillaires (ce sont des fleurs), donne une atmosphère romantique à la scène.
Ce tableau s’inscrit dans la grande tradition des tableaux féminins de l’époque.
Joséphine est représentée dans une position alanguie et méditative.
Sur un fond sombre, Prud’hon peint la figure silencieuse de Joséphine avec un regard lointain, mélancolique et rêveur.
Le peintre compose un savant mélange, d’élégance antique, de suave séduction et de mélancolie romantique.
Le châle en cachemire rouge extrêmement couteux, importé du Moyen-Orient, est le comble du luxe et du raffinement depuis l’expédition d’Égypte.
Joséphine en raffole.
Dès le Consulat, Napoléon en interdit l’importation mais l’impératrice passera toujours outre la consigne de son mari.
La composition artistique doit être guidée par la raison.
Ce n’est pas un portrait de Cour.
C’est le portrait d’une femme en harmonie avec la nature, une nature qu’elle aime avec passion.
Sa grande sociabilité, sa sensibilité aux êtres et son charme unique se mêlent à une réelle passion pour la botanique et la zoologie. Érudite dans ce domaine, elle ne cesse d’étayer son savoir par des lectures et des études. À Malmaison, son havre de paix, elle peut donner libre court à ses fantaisies.
La valeur scientifique des serres, des roses et des plantes exotiques, importées à grands frais était reconnu en Europe par les botanistes et les savants.
Ce jardin expérimental est, à l’époque, l’un des plus beaux qui puisse se visiter en France.
À propos de ce portrait Delacroix écrit : « Il a su joindre à une ressemblance parfaite un sentiment d’élévation exquis dans la pose, dans l’expression et dans les accessoires. »
Conclusion
Pierre Paul Prud’hon prolonge sous l’empire les grâces du XVIIIe.
Son temps est celui de Jacques-Louis David, de dix ans son aîné. Prud’hon n’est pas son élève. Il en résulte un relatif isolement.
À trop avoir été isolé Prud’hon était devenu insaisissable.
Il connut heureusement le soutien d’esprits éclairés, l’éditeur Pierre Didot, pour qui il créa d’admirables illustrations sous la révolution, le comte Sommariva qui lui commande la Psyché –1808 et le Zéphyr –1814, l’impératrice Joséphine ou Vivant Denon dont il fit les portraits et le préfet Frochot qui commande son chef d’œuvre : La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime -1808
Ni tout à fait « ce Watteau, ce Boucher de son époque » que juge sévèrement David, ni entièrement un précurseur des premiers peintres romantiques, Prud’hon doit être accepté dans sa singularité.
Contemporain de David, de Girodet et de Géricault, Prud’hon a développé un art original, héritier à la fois de Léonard de Vinci par sa vérité expressive et de Corrège par le raffinement des formes modelées par la lumière.
Admiré de Stendhal, de Baudelaire ou de Delacroix, Prud’hon allait devenir, pour la génération romantique, un précurseur.
Les peintres romantiques et réalistes lui ont accordé la gloire que son temps lui avait tardivement concédée.