La Leçon

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Un jour de septembre à Aix en Provence, j’ai 14 ou 15 ans.

Un début d’après-midi, je marche sur le chemin d’approche de la montagne Sainte Victoire, sac au dos, je vais escalader la face sud de la montagne, la plus à pic, avec JP, un ami qui est un grimpeur confirmé.

JP ouvre la voie, je suis deuxième de cordée.
J’attaque l’escalade, pleine d énergie.
Un pied après l’autre, une main après l’autre, déplacer le mousqueton, recommencer, un pied, une main, repérer les  aspérités où s’accrocher, où prendre appui, je grimpe, l’ascension progresse, je n’ai pas peur.

Quelques semaines plus tôt avec un groupe d’amis nous avons marché jusqu’à la croix de Sainte Victoire.
Arrivés au refuge nous avons décidé de descendre la falaise en rappel et de remonter en escaladant.
La falaise est abrupte, un nuage cache le terre-plein quatre mètres plus bas.
Je suis la première harnachée pour la descente et je me lance.
Instant fugitif où mon corps part en arrière avant d’être retenu par les cordes, brève seconde où je me sens partir dans le vide.
J’atteinds sûrement et très vite le point de chute et renvoie la corde pour le suivant.
Il n’y aura pas de suivant !
Ils se dégonflent tous les uns après les autres.
Un des garçons m’a rejointe, obligé de descendre pour que je puisse remonter  en  deuxième de cordée.

Je commence à trouver le temps long. Le mistral, le vent de Provence au souffle puissant s’est levé. Mon sac à dos pèse de plus en plus lourd, je commence à avoir mal aux mains. JP a surestimé mes capacités d’escalade car je n’avance plus, c’est trop dur de lutter contre le vent.
JP m’annonce le passage difficile d’une paroi calcaire trop lisse car érodée par le vent et la pluie . Il plante ses piolets, déroule une petite échelle en corde, j’ai compris ce sera un passage en « artificiel ».
Je le regarde grimper, c’est à mon tour.
La nuit tombe, le vent souffle fort, l’échelle est ballottée par le vent, je suis plus légère que JP et je n’arrive pas à me stabiliser sur cette foutue échelle. Je peine à trouver des accroches pour mes doigts.
Mes mains saignent, mes jambes flanchent, le sac à dos, le vent, la nuit, la paroi trop lisse, la fatigue, je  m’épuise.
Une fraction de seconde je renverse la tête et pense à tout lâcher.
Au même instant je me projette mentalement au sommet et je pense : dans quelques minutes tu seras en haut et tu  riras en pensant à ce moment d’abandon
Sursaut de rage et de survie, je me ressaisis avec une seule idée en tête, atteindre le sommet. L’énergie revient, je trouve mon équilibre sur l’échelle, oublie mes doigts endoloris. La lune éclaire la roche, je repère des prises et …rejoins JP.
Je suis arrivée au sommet, j’ai fait la voie.
Il ne saura jamais que j’ai failli baisser les bras.
Il ne saura jamais que cette expérience m’a servi et me servira toute ma vie.

A chaque fois que la souffrance sera trop forte et les problèmes apparemment insurmontables, je penserai à l’instant où j’ai failli tout lâcher avant de trouver en moi même l’énergie pour me projeter dans un avenir souhaité .

Ne jamais douter, le contentement et la réussite sont toujours au bout du chemin.

Cette escalade de ma jeunesse a été une leçon de vie.
La clef  est de croire en soi-même.

JP si tu me lis, je te salue

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