Réunion de famille -Frédéric Bazille

Frédéric Bazille (1841-1870)

 

Réunion de famille dit aussi Portraits de famille

1867 ; retouché en 1869
Huile sur toile
Dim 152 x 227 cm

Conservé à Orsay

 

Frédéric Bazille 

Bazille est originaire de Montpellier. À 21 ans en 1862, il monte à Paris. Il se consacre à la peinture. Il devient l’élève de Charles Glayre, comme Monet.
Il se lie avec Monet, Renoir, Sisley et Pissarro.
Ensemble ils luttent contre les dictats de l’académisme.
Dès le début de sa carrière de peintre, Bazille est lié au mouvement Impressionniste.
Bazille est mort en soldat, à 29 ans, pendant la guerre franco-prussienne de 1870.

 

Introduction

Zola : « Réunion de famille témoigne d’un amour vif de la vérité. Les personnages sont groupés sur une terrasse, dans l’ombre d’un arbre. Chaque physionomie est étudiée avec un soin extrême, chaque figure a l’allure qui lui est propre. »

 

Description

Cette grande toile est un portrait de groupe en plein air où Bazille s’est représenté à l’extrême gauche du tableau, dans l’ombre d’un châtaignier, sur la terrasse de la maison familiale dans le midi.

Il y a onze personnages, 6 femmes et 5 hommes.
C’est l’été, toute la famille est rassemblée sous le grand arbre et pose pour le peintre.
Le bouquet posé au sol, au premier plan du tableau, indique que la famille revient du jardin où elle a cueilli des fleurs. Le canotier et l’ombrelle symbolisent la promenade.

 

Composition

C’est un tableau très construit.

Trois diagonales parallèles rythment le tableau et le décomposent en trois groupes.
La composition est coupée par les verticales des personnages debout et par le tronc du châtaignier.

-1ergroupe à gauche du tableau :
A l’extrême gauche Bazille se tient debout caché derrière son oncle
Assis sur le banc le père et la mère de Bazille, la mère regarde le spectateur, le père regarde au loin.

-2èmegroupe à l’aplomb de l’arbre :
Un jeune couple se tient debout contre le tronc du châtaignier et regarde dans la même direction que le père. Devant eux, assises autour d’une table, la tante du peintre (devant un ouvrage posé sur la table) et sa jeune cousine. La jeune-femme est assise de dos, elle se retourne pour regarder le spectateur, l’intensité de son regard, lui donne une grande présence.

-3èmegroupe à droite du tableau, le long du muret de la terrasse :
Trois personnes regardent le spectateur : un couple : le frère de Bazille est debout penché vers sa femme assise devant lui, il a un pied posé sur sa chaise. A ses cotés assise sur le muret, Camille, la plus jeune cousine du peintre.

Dans ce tableau la lumière a une présence à part entière au même titre que les figures.
Le premier plan est dans l’ombre et l’arrière-plan est dans la lumière.
Il y a deux éclairages dans ce tableau, l’ombre des arbres et la lumière de l’été.
Les personnages sont représentés dans l’ombre de deux arbres.
L’arbre à gauche, étend son feuillage sur la terrasse et l’arbre à droite (hors-cadre) projette son ombre sur la toile.
Les rayons du soleil s’infiltrant entre les deux arbres, dessinent une flaque de lumière au sol.
On lit la toile de l’ombre à la lumière, des valeurs sombres vers les valeurs claires.
Cette lumière tamisée et le vert foncé des feuilles de châtaignier font ressortir les couleurs. Bazille sait rendre les variations colorées des étoffes, et faire ressortir les contrastes audacieux entre le vert, le bleu et le blanc. Le ciel et les robes tranchent fortement avec le feuillage et illuminent l’ensemble de la toile.

Le paysage comme les personnages est statique et sculpté par l’ombre et la lumière.

 

Analyse

Ce portrait de groupe représente la famille de Bazille. Une famille protestante du Languedoc. Une famille bourgeoise représentée dans son lieu de villégiature.
Le père assis, jambes croisées, ne regarde pas vers le spectateur, il incarne l’autorité, il est le chef de famille et Bazille le représente sans la moindre ambiguïté.
Les hommes tous en gilet et redingote paraissent engoncés dans leurs tenues et contrastent avec les figures féminines vêtues de robes légères de couleurs claires qui apportent de la fantaisie.

Personne ne sourit dans ce portrait, les personnages sont figés et la rigidité qu’ils dégagent traduit la distance qui les sépare.

Si on compare cette toile aux portraits académiques de la même époque, ce portrait apparait très novateur par la place que prend la lumière.

Monet et Bazille étaient amis, ils peignaient ensemble. Monet a représenté Bazille dans deux de ses toiles : Le déjeuner sur l’herbe et Femmes au jardin

Bazille a acheté à Monet sa toile Femmes au jardin

Le thème de la terrasse familiale a été traité par Monet et Bazille au cours du même été.
Le tableau de Monet La terrasse à saint Adresse est conservé au Métropolitain Muséum, of Art de New York.

Dans Réunion de famille Bazille s’inspire de Monet en représentant un groupe de figures en plein air comme dans le Déjeuner sur l’herbe et Femmes au jardin
Bazille emprunte à Monet les robes blanches et légères de Femmes au jardin pour éclairer sa composition.

Bazille fixe la lumière du sud comme sur une photographie.

La démarche est la même que Monet mais, le rendu est différent.
Monet peint à Paris avec une lumière constamment changeante.
Chez Monet les variations de la lumière dissolvent les formes.
Dans ce tableau, Bazille éternise un après-midi d’été.

Chez Bazille le paysage est un cadre, chez Monet il est le sujet.

 

Conclusion

Le portrait de famille est en vogue au XIXe.
Ce sont des portraits académiques statufiant une famille pour l’éternité.

Un jeune artiste devait accepter des compromis esthétiques, tenir compte des limites fixées par le jury constitué de peintres réputés et souvent conservateurs.

Focillon écrit à propos de Bazille dans son ouvrage :
« la peinture au XIXe -du réalisme à nos jours ».

« Il appartient non comme un débutant doué mais comme un initiateur et comme un maître à l’histoire de cette renaissance de la peinture française qui rétablit l’accord entre l’homme la nature et la lumière…il porte dans son âme et dans son art, mêlés à son délicieux charme et à son audace de peintre, une fierté de jeunesse retenue qu’il tient peut-être de ses origines protestantes ».