Instruction coranique – 1890 – Osman Hamdi Bey

Osman Hamdi Bey (1842-1910)

 

Instruction coranique

1890

Huile sur toile
Dim 80 x 60 cm

Conservé dans une collection particulière

 

Le peintre

Né à Constantinople, fils d’un haut fonctionnaire de la classe dirigeante de l’ancien Empire Ottoman, Osman s’installe à Paris en 1860 pour poursuivre des études de droit. Ses penchants artistiques le mènent à étudier la peinture auprès de Gustave Boulanger et de Jean-Léon Gérôme.
Il expose ses premiers tableaux dans le cadre d’une présentation de l’Empire Ottoman au palais du Champ-de-Mars, à l’occasion de l’Exposition universelle de 1867.
Tout au long de sa carrière de haut fonctionnaire il ne cesse de peindre et de participer à des expositions internationales.
Le critique Victor Marie de Launay note dans Installation du Palais-Empire Ottoman-dans l’Exposition universelle de 1867 : « dans la galerie de peinture et de sculpture, la Turquie n’a que peu de chose ; ce n’est pas par là qu’elle brille, on le sait. Toutefois, on a le droit d’émettre des réserves pour un prochain avenir, car trois tableaux sont traités par Hamdi Bey avec une indépendance et une sincérité rares. »
De retour à Constantinople en 1869, Hamdi Bey part pour une mission diplomatique de deux ans en Iraq ; par la suite il assumera de nombreuses autres fonctions officielles.
Il publie un ouvrage sur les costumes populaires de Turquie ( préparé à l’occasion de l’exposition universelle de Vienne de 1873) et, en tant qu’archéologue, devient directeur du musée national des Antiquités en 1881, avant de fonder l’Académie des beaux-arts de Constantinople.

Osman Hamdi Bey fut un peintre reconnu de son vivant et considéré comme un peintre orientaliste en Orient.
Pour comprendre son point de vue il faut tenir compte du contexte historique dans lequel il a vécu.
L’Empire ottoman était aux prises avec la tension entres les influences orientales et occidentales, avec une société en mutation.

 

Le tableau

Les expositions universelles contribuent beaucoup à façonner l’image que l’Occident se fait de l’Orient.

La grande connaissance d’Osman Hamdi Bey et son respect de la culture islamique transparaît dans ce tableau riche en détails.

Le cadre en mosaïque est un coin de la mosquée verte Yesil Cami à Bursa, dans l’ouest de l’Anatolie.

À cette époque les artistes musulmans ne pratiquaient pas la peinture figurative.

Ce tableau a été vendu par Sotheby’s pour 5,92 millions de dollars en 2019.

 

Composition

Osman Hamdi compose une image frappante.

Sur cette toile il  fusionne les techniques occidentales avec  une représentation enchanteresse de la vie ottomane.

Encadrés par une lanterne mamelouk et un grand chandelier et son cierge monumental, les personnages au premier plan, se font face.
L’homme assis reçoit un enseignement coranique de la part du hoja ou de l’enseignant.
L’attitude des personnages, leurs costumes peuvent paraître théâtraux mais, leur expression de piété et de recueillement s’accorde avec le lieu représenté.

Osman Hamdi situe sa leçon en lui donnant pour cadre des décors intérieurs qui n’appartiennent qu’à la Turquie.

Il illustre la beauté et la majesté de la mosquée.

Osman Hamdi reproduit scrupuleusement les costumes et la décoration qui sont  musulmans et turcs.
Il est attentif aux détails de décoration, le monumental bougeoir, les murs recouverts de céramique bleue, la lanterne mamelouk, le pavement du sol, la fenêtre.

Le pavement donne un semblant de profondeur. Les personnages paraissent plats.
Ce sont des hommes de la foi, à la forte présence, sûrs d’eux et discutant des livres à la main.

Le regardeur qui est presque sur les personnages, voit l’écoute de la réflexion et le prêche de la discussion.

C’est une peinture académique, un œuvre radicale pour son époque.
La touche léchée d’Osman Hamdi rend la douceur de l’atmosphère.

L’orientalisme calme et minutieux font l’attrait et le charme de cette toile.

Le tableau est empreint d’un sentiment d’empathie.

 

Analyse

Le XIXe est fasciné par le passé.
Les européens partent à la recherche des sources de leur civilisation et cette quête les mène en Orient.

L’Orient attire de longue date les voyageurs occidentaux et, avec la campagne d’Égypte de Napoléon en 1798, il s’ouvre pour la première fois à un public qui ne se réduit plus aux seuls intrépides. Pour les artistes, l’Orient est un territoire mystérieux et impénétrable, d’une beauté exotique et d’un érotisme intense, fascinant dans son étrangeté.

Il existait deux routes principales, l’une traversant l’Espagne et le Maroc, qu’empruntaient surtout les français, l’autre par la Grèce et l’Asie-Mineure, préférée des anglais. Les deux itinéraires conduisaient au Caire, à Jérusalem et Constantinople (Istanbul), ultimes destinations.

En 1899, la Compagnie internationale des Wagons-Lits complète sa ligne entre Paris et Istanbul. Le trajet peut désormais être accompli d’un bout à l’autre avec L’Orient Express.

Chateaubriand voyage à travers la Palestine en 1806, il écrit « cet Orient, d’où sont sortis tous les arts, toutes les sciences, toutes les religions ».

Au XIXe le statut de la bible est remis en question. Elle n’est plus la parole de Dieu, mais un texte écrit par des orientaux pour des orientaux et la connaissance de ce contexte oriental est donc essentielle.
Pour les occidentaux la Bible est un point de référence important en Orient, même s’ils sont confrontés à cette autre grande religion qu’est l’islam.

Alors que la peinture orientaliste montre généralement le point de vue occidental sur l’Orient, dans ce tableau il s’agit d’un peintre turc formé en France qui représente une instruction coranique.

En ce sens, le tableau est symptomatique des multiples échanges culturels qui sont au cœur de l’at orientaliste.
Aujourd’hui encore, une telle scène se reproduit des millions de fois depuis le Maroc jusqu’à la Turquie.

En optant pour une scène située dans l’Orient contemporain, Osman Hamdi trouve dans ce nouvel environnement une matière suffisamment riche et exotique pour satisfaire à la fois son ambition artistique et la demande insatiable du public pour les tableaux orientalistes. Le monde oriental est attendu comme un ailleurs, une rupture.

L’orientalisme est essentiellement un regard occidental sur l’Orient.
Osman Hamdi est dans une position unique, celle d’un initié explorant les thèmes qui captivent les artistes occidentaux.

L’aspect purement construit de ce tableau, reposant sur le photoréalisme des éléments, l’intemporalité frappante de sa composition, figée dans un passé indéfini sont autant de rappels sans équivoque d’une prise de position et d’un point de vue orientalistes.

Osman Hamdi Bey peint des tableaux orientalistes avec un regard oriental.

Contrairement à de nombreux orientalistes occidentaux qui représentent des scènes rêvées, Osman Hamdi s’attache à peindre l’Orient de manière digne, respectueuse et authentique.
Il montre le respect pour la pratique religieuse des musulmans et fait l’éloge de leur dévotion et de leur sens du devoir religieux.
Son art est imprégné d’une imagerie brute qui le captive, au regardeur de l’interpréter.

Osman Hamdi ne recherche pas l’authenticité, ce tableau est son expression personnelle d’une leçon coranique.
Il montre le respect pour la pratique religieuse des musulmans et fait l’éloge de leur dévotion et de leur sens du devoir religieux.

Aux spectacles grandioses peints par la majorité des peintres orientalistes, Osman Hamdi choisit de représenter ici une scène intimiste. Un maître et son élève attentif.

Pendant des siècles, l’islam a été décrié en Occident comme une religion dépravée et charnelle.
Aux yeux de nombreux occidentaux, la simplicité et la piété médiévales tant admirées au XIXe subsiste en Orient.

Osman Hamdi nous montre que le musulman est encore sensible au mystère religieux, contrairement à l’Européen rationnel qui ne s’intéresse qu’aux choses matérielles.

Son tableau représente une scène de la vie quotidienne turque.

Il peint un aperçu authentique de culture ottomane de son époque.

Les peintres orientalistes occidentaux peignent des orientaux paresseux et lascifs ; Osman Hamdi représente des scènes d’intellectuels ottomans lisant ou discutant.
Il peint tout naturellement des scènes de la vie domestique.
Par exemple, dans un tableau antérieur -1888, il représente une scène de rue avec trois clients, le marchand et les tapis : Marchand de tapis dans la rue.

Pour répondre aux goût du public, les orientalistes occidentaux représentent des femmes se divertissant, s’habillant ou vivant dans leur harem. Quant aux hommes, ils les représentent regroupés dans des cafés.
Le regardeur rêve des bains turcs, de la sensualité des femmes du harem et aussi de la lumière unique de la Méditerranée et des couleurs du couchant.
Les orientalistes occidentaux transposent le regardeur dans un monde exotique.

À propos d’Osman Hamdi, Bektasoglu écrit : « Conscient de la mode de l’époque, il s’est efforcé de représenter de manière authentique la culture ottomane à travers son art pour ceux qui ne connaissaient pas les subtilités de son pays d’origine. »

Si Osman Hamdi est orientaliste dans son style, ses intentions sont différentes de celles des peintres occidentaux.

Qu’on le considère comme une peintre de l’école française représentant des sujets orientaux ou comme un peintre ottoman conscient de son héritage turc, la valeur du peintre réside dans sa capacité à rendre avec exactitude le détail et les couleurs des scènes qu’il représente.

En tant qu’ottoman, Osman Hamdi parvenait à capturer l’essence de cet Orient en lui attribuant une âme et une identité qui ne pouvaient qu’échapper au pinceau des artistes occidentaux.
Osman Hamdi est à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’orientalisme.

Osman Hamdi a redéfini l’imagerie orientale.

Osman Hamdi évite la nudité dans ses tableaux et n’a aucun goût pour les scènes violentes, c’est ce qui le différencie de la tradition orientaliste occidentale.
Son but est de situer dans l’histoire les origines d’une identité ottomane idéale et vertueuse.

En adoptant des techniques occidentales tout en ancrant ses sujets dans les traditions ottomanes, Osman Hamdi a contribué à un dialogue culturel qui transcende l’objectif orientaliste.

Osman Hamdi Bey a démystifié la mentalité orientaliste.

Osman Hamdi savait pertinemment que l’adoption d’un style orientaliste tout en jouant la carte du peintre indigène était la seule véritable chance qu’il avait de voir ses œuvres acceptées dans diverses expositions.

Sa condition d’oriental lui permettait de pratiquer un orientalisme sans pour autant en avoir l’air. 

Conclusion

L’orientalisme ne s’attacha pas à une école ou à un style, même si nombre de ses représentants étaient des peintres académiques. À la fin du XIXe dessins et motifs orientaux influencèrent de nombreux tableaux et intérieurs architecturaux du Mouvement esthétique.

Osman Hamdi Bey a travaillé dur pour préserver le patrimoine culturel de la Turquie et a été impliqué dans de nombreuses fouilles archéologiques. Il laisse un héritage important en Turquie.

L’œuvre de Osman Hamdi Bey a exercé une grande influence sur le développement de l’art moderne en Turquie.

De nombreux musées et galeries en Turquie exposent des œuvres d’Osman Hamdi Bey.
Il est célébré comme l’un des plus grands artistes du pays.

Sa contribution à l’art et à l’éducation en Turquie continue d’être reconnue aujourd’hui.