Mois : avril 2018
Femmes d’Alger dans leur appartement -Delacroix 3
Eugène Delacroix (1798-1863)
Femmes d’Alger dans leur appartement
1864
Huile sur toile
Dim. 180 x 229 cm
Conservé au Louvre
Eugène Delacroix
1798 Delacroix nait à Charenton Saint Maurice
1806 Décès de son père
1814 Delacroix est orphelin à 16 ans
1819-20 Ses premiers travaux de peinture sont des décors de dessus de porte dans des hôtels particuliers de Paris
1819-1821 Ses premiers tableaux sont deux retables La Vierge des moissons pour l’église St. Eutrope d’Orcemont 1819 et La Vierge du sacré Coeur pour la cathédrale d’Ajaccio 1821
1822 Premier succès au Salon Officiel avec le tableau La Barque de Dante
1825 Voyage en Angleterre. Il se familiarise avec la technique de l’aquarelle et découvre le théâtre de Shakespeare. Delacroix trouvera des sujets dans le théâtre et les mêlera tout au long de sa carrière aux thèmes orientaux
1827 Delacroix présente la mort de Sardanapale unanimement rejeté par la critique.
1830 Delacroix écrit des articles de critique d’Art, dont un sur Raphaël et un autre sur Michel Ange.
1831 la Liberté guidant le peuple est présenté au salon
1832 Delacroix voyage en Andalousie, au Maroc et en Algérie
1840 Il participe à la décoration du palais du Luxembourg pendant 6 ans
1855 Trente six de ses œuvres sont exposées à l’exposition Universelle de Paris
1857 Après vingt ans d’attente il est élu à l’Institut
1863 Delacroix meurt à Paris d’une longue maladie
Contexte historique
En 1832 Delacroix voyage au Maroc et en Algérie. Il accompagne une délégation menée par le comte de Mornay et envoyée par Louis-Philippe auprès du sultan Moulay Abd el-Rahman. Ce sera son seul voyage en Afrique du nord. Il en rapportera des carnets de croquis et d’aquarelles qui lui serviront de modèles pour ses tableaux tout au long de sa carrière.
Avec ce voyage Delacroix s’est enrichi d’un nouveau répertoire esthétique.
Il préfère désormais l’exploitation des sources orientales aux sujets tirés de la mythologie.
A Alger, il visite le harem d’un corsaire turc. Il s’inspire de cette visite pour peindre Femmes d’Alger dans leur appartement et expose le tableau au salon de 1834.
Description
Trois femmes sont assises sur de luxueux tapis orientaux, dans une pièce close d’un harem algérois. Elles sont habillées de riches tuniques brodées de soie sur lesquelles brillent des bijoux précieux. Elles portent de sarouals qui découvrent leurs mollets et leurs pieds nus.
A gauche du tableau une femme s’appuie nonchalamment sur des coussins empilés et regarde le spectateur, deux autres femmes assises sont en conversation. Celle qui est la plus à droite du tableau, tient dans sa main l’embout d’un narguilé. A l’extrême droite du tableau, une servante noire sort du champ en tournant la tête vers ses maîtresses.
Les murs sont revêtus de carreaux de faïence ornés de motifs. Dans l’arrière plan, au dessus d’un placard aux portes entrouvertes, une niche contient de fines carafes de verre. A gauche de la niche est suspendu un miroir richement encadré.
De cette pièce dépourvue de meubles, émane une impression de luxe et d’exotisme.
Composition
La composition est ponctuée par les obliques, les verticales et les courbes.
Les obliques
du rideau, du tapis, de la position semi-allongée de la femme, du geste de la servante qui se retourne;
Les verticales
du narguilé, des motifs sur les carreaux de faïence, des portes du placard, de la servante debout en mouvement.
Les courbes
des corps des femmes
L’assemblage des obliques , des verticales et des courbes rythme la composition.
Les courbes expriment la sensualité du tableau, elles participent à la grâce et à la souplesse des corps des trois femmes.
La composition s’étage en trois plans.
Au premier plan, la femme à gauche du tableau regarde les spectateur, au milieu sont posés le narguilé et les babouches.
A droite, la servante debout fait la liaison avec le second plan et ferme la droite du tableau.
Au second plan, deux femmes assises fument le narguilé et conversent.
L’arrière plan clos le tableau avec un décor de harem, murs peints, miroir, placard, niche contenant des carafes de verre.
Une faisceau de lumière provenant d’une ouverture en haut à gauche du tableau descend sur le sol. Il éclaire et fait briller les riches étoffes.
Seule la femme arborant une fleur dans sa chevelure a le visage éclairé, les deux autres ont leur visage soit partiellement éclairé soit, dans l’ombre.
La lumière souligne le bord du rideau, éclaire les rayures du tapis, fait briller les carafes dans la niche et , par ricochet, se reflète dans le miroir.
Les zones d’ombres mettent en valeur la carnation des chairs.
Ce jeu d’ombre et de lumière crée une atmosphère intimiste.
Delacroix juxtapose les couleurs complémentaires rouges ocrés et les tons bleutés afin de faire vibrer et réchauffer ses noirs.
Les couleurs restituent la variété des matières chatoyantes de l’Orient : tissus, soie, broderies dorées, tapis, objets en verre et cuivre, décors de faïence aux murs et au sol.
Les tonalités chaudes majoritaires renforcent l’aspect intime et sensuel de la scène.
La touche est parfois lisse, parfois épaisse et dense dans les blancs.
Delacroix joue sur les transparences en entrelaçant les teintes.
Analyse
Objet de curiosité et de fantasmes aux XVIIe et XVIIIe l’Orient alimente le rêve et inspire les écrivains et les artistes du XIXe
Au XIXe Delacroix ne s’assimile pas aux courants picturaux de son temps et préfère s’en remettre à son imagination.
il écrit dans son journal :
« devant la nature elle même, c’est notre imagination qui fait le tableau ».
Delacroix a une approche onirique de la peinture.
Il retient du Romantisme l’idée du sentiment qui est une occasion de s’ouvrir au monde du rêve. Le rêve constitue sa propre réalité.
Dans cette oeuvre Delacroix donne à voir trois jeunes femmes arabes se prélassant dans l’intérieur d’un harem. Les femmes sont belles et leur beauté se remarque, elles occupent le devant du tableau.
Selon Baudelaire, les femmes de la toile seraient malheureuses avant d’être belles : » elles cachent dans leurs yeux un secret douloureux ».
Quant au critique Paul de Saint-Victor, il ressent de « la mélancolie inexprimable » qui « s’exhale de cette chambre splendide et funèbre »du harem où se détendent les femmes d’Alger.
Le personnage féminin que Delacroix cherche à comprendre à découvrir à travers le filtre de ses propres rêves, conserve une part de mystère.
Delacroix donne de l’importance aux dimensions physiques et décoratives de la femme, au lieu d’habitation le harem et, relègue, à l’arrière plan, tout ce qui constitue son aspect invisible.
Si Delacroix pense avoir compris la femme orientale, cette compréhension relève de l’illusion.
Toute la peinture de Delacroix se définit dans le rapport entre l’imaginaire et le réel, entre l’observation du vrai et l’impulsion du visionnaire.
Conclusion
Cézanne écrit « ces roses pâles et ces coussins brodés, cette babouche, toute cette limpidité…vous entre dans l’œil comme un verre de vin dans le gosier, et on est tout de suite ivre ».
Renoir dit « il n’y a pas de plus beau tableau au monde ».
Pour Renoir cette oeuvre « sent la pastille du sérail ».
Delacroix peint un univers dont l’exotisme a une tonalité explicitement érotique. la sensualité de ses femmes, leurs attitudes, suggèrent une lascivité inconcevable en Occident.
En bousculant les conventions et le conformisme bourgeois, Delacroix provoque une véritable révolution du regard.
Au début du XXe, l’Orient cessa d’inspirer la peinture française malgré l’ouverture à Alger en 1907 de la villa Abd el Tif, l’équivalant algérien de la villa Médicis. L’indépendance de l’Algérie en 1962 et la fermeture de cette institution sonneront le glas du courant orientaliste.
Le tableau -Femmes d’ Alger dans leur appartement -1864-Delacroix 3
Figure de référence…Delacroix 3
Premier Plan -Delacroix 3
Lumières du matin -Barrage de Zola -Soleil Levant -Aix en Provence
Premières couleurs -Delacroix 3
Premier indice -Delacroix 3
Scènes des massacres de Scio -Delacroix 2
Eugène Delacroix (1798-1863)
Scènes des massacres de Scio :
Famille grecques attendant la mort ou l’esclavage.
1824
Huile sur toile
Dim. 419 x 354 cm
Conservé au Louvre
Eugène Delacroix
1798 Delacroix nait à Charenton Saint Maurice
1806 Décès de son père
1814 Delacroix est orphelin à 16 ans
1819-20 Ses premiers travaux de peinture sont des décors de dessus de porte dans des hôtels particuliers de Paris
1819-1821 Ses premiers tableaux sont deux retables La Vierge des moissons pour l’église St. Eutrope d’Orcemont 1819 et La Vierge du sacré Coeur pour la cathédrale d’Ajaccio 1821
1822 Premier succès au Salon Officiel avec le tableau La Barque de Dante
1825 Voyage en Angleterre. Il se familiarise avec la technique de l’aquarelle et découvre le théâtre de Shakespeare. Delacroix trouvera des sujets dans le théâtre et les mêlera tout au long de sa carrière aux thèmes orientaux
1827 Delacroix présente la mort de Sardanapale unanimement rejeté par la critique.
1830 Delacroix écrit des articles de critique d’Art, dont un sur Raphaël et un autre sur Michel Ange.
1831 la Liberté guidant le peuple est présenté au salon
1832 Delacroix voyage en Andalousie, au Maroc et en Algérie
1840 Il participe à la décoration du palais du Luxembourg pendant 6 ans
1855 Trente six de ses œuvres sont exposées à l’exposition Universelle de Paris
1857 Après vingt ans d’attente il est élu à l’Institut
1863 Delacroix meurt à Paris d’une longue maladie
Description
Ce tableau représente les massacres perpétrés à Chios en 1822 par les Ottomans lors de la guerre d’indépendance grecque. L’insurrection du Péloponnèse en 1824 fera plus de 22000 morts en Grèce. Les survivants deviendront des esclaves.
Au siècle des Lumières, les grecs étaient considérés comme un peuple civilisé proche des européens.
Sur ce tableau les grecs ne sont pas des héros, mais des habitants désarmés.
C’est le cavalier ottoman qui fait figure de héros.
Delacroix montre la détresse de ces gens, jetés dans l’attente de la mort et de l’esclavage . Il provoque l’émotion devant la souffrance et la terreur.
C’est le sujet du moment et la raison principale pour laquelle il a choisi de représenter cette scène.
En peignant ce tableau Delacroix est assuré de faire parler de lui.
Composition
La composition rappelle celle du tableau Le Radeau de la méduse que Géricault a peint en 1818-19.
Deux groupes s’opposent : à gauche ramassé sur lui même, le groupe des grecs hagards et meurtris; à droite une scène de rapt montre un groupe enlevé et violenté par un cavalier ottoman. Le soldat turc délimite la droite du tableau sur son cheval cabré, il symbolise le cavalier vainqueur empli de violence triomphante.
Les personnages sont isolés dans leur attente et leur souffrance.
Ceux du premier plan sont prostrés et résignés. Une femme âgée assise, regarde le ciel, elle symbolise l’accablement d’un peuple entier.
Les trois femmes du premier plan sont une reprise du tableau de David :
Les Sabines avec la représentation des trois âges
Au second plan les combats se déroulent dans un paysage vaste, coloré et lumineux dont la transparence sert la beauté barbare de la scène.
La nature aride et la ligne d’horizon élevée accentuent le sentiment de fatalité qui pèse sur les vaincus.
Il n’y a pas de centre dans cette composition.
Delacroix a un sentiment parfait du coloris, il joue avec les contrastes d’ombres et de lumières. L’ombre recouvre le cavalier ottoman alors que la lumière éclaire les habitants qui se font massacrés.
On observe l’harmonie des rouges et des bleus.
Avec l’emploi des couleurs livides, Delacroix impulse de l’énergie à son tableau.
A l’infini la terre est remplie de ruines. Dans le ciel vide, on voit la fumée des villages en feu.Le tableau est saturé d’incendies, de pillages, le terrain est ravagé, jonché de morts et de taches de sang.
Dans cette oeuvre, Delacroix accumule les actes barbares.
Analyse
Dans ce tableau Delacroix ne montre ni le moment de la bataille, ni le moment de la Violence.
Il représente les conséquences d’une domination : un peuple réduit à l’esclavage.
Il exprime une violence humaine.
Cette toile a contribué à faire pencher l’opinion occidentale en faveur des grecs.
Delacroix peint ce tableau par opportunité plus que pour aider le peuple grec.
Le peintre n’a pas de connaissance sur la Grèce, ses références sont les journaux du temps. Il consulte l’ouvrage de C.E. Savary Lettres sur la Grèce –1788, celui de Rosset Mœurs et coutumes turques et orientales -1790 et il s’inspire de la collection d’objets et de costumes orientaux rapportés des voyages en Grèce, Egypte et Maroc de jules Robert Auguste.
Delacroix écrit en 1821 :
« …faire pour le salon prochain un tableau dont je prendrai le sujet dans les guerres récentes des turcs et des grecs. Je crois que dans ces circonstances si d’ailleurs il y a quelque mérite dans l’exécution, ce sera un moyen de me faire distinguer ».
Conclusion
Delacroix se démarque de la peinture d’Histoire telle que David ou Gros la concevait.
Exposé au salon de 1824 le tableau fut considéré comme un manifeste de la nouvelle peinture romantique, aussi bien en raison de son sujet très moderne que par son traitement d’une puissance de facture et de couleurs.
Scènes des massacres de Scio fut durement accueilli par les critiques.
Gros jugea le tableau en affirmant qu’il s’agissait du massacre de la peinture.
Entre 1823 et 1825, Delacroix peint plusieurs tableaux de grecs en costume de soldats grecs et des ottomans, certaines de ses figures ont été reprises dans
Scènes des massacres de Scio.
L’oeuvre fut acquise par l’Etat qui manifestait son désir de neutralité entre le dessin et la couleur, entre Ingres et Delacroix.
La rivalité entre ces deux peintres s’étant révélée pendant le Salon de 1824.
Ingres exposant le voeu de Louis XIII et Delacroix Scènes des massacres de Scio.
On retiendra de ce tableau que Delacroix avant tout a choisi un sujet « accrocheur » et qu’il l’a peint pour frapper le spectateur.