Madame Vigée-Lebrun et sa Fille

Elisabeth Vigée-Lebrun
(1755-1842)

Madame Vigée-Lebrun et sa fille
1789
Huile sur toile
130 x 94 cm
Conservé au Louvre

Elisabeth Vigée-Lebrun est la fille d’un pastelliste.
A 12 ans elle décide de devenir peintre.
Elle aura 3 maîtres, Gabriel Briard (1725-177), Joseph Vernet (1714-1789),
Jean-Baptiste Greuze (1725-1805).
En 1770, à l’âge  de 15 ans, elle s’exerce à l’art du portrait.
Sa renommée lui permet d’étudier les grands maîtres de la peinture dans les collections royales : Rembrandt, Rubens, Van Dyck.
En 1774, elle est admise à l’académie de Saint luc
En 1776, elle épouse le peintre et marchand d’art Jean-Baptiste Lebrun et commence à travailler pour la famille royale.
La reine se plaît à poser pour E. Vigée-Lebrun.
Les historiens du XIXe la qualifieront d’amie de la Reine.
En 1780, elle donne naissance à sa fille Julie.
En 1783 elle est admise à l’Académie Royale de peinture et de sculpture avec comme morceau de réception, La Paix ramenant l’Abondance
En 1789, ayant toujours manifesté une grande ferveur royaliste elle s’exile et parcours les capitales européennes où elle est la portraitiste de la haute aristocratie( Rome, Vienne, Londres puis Saint-Pétersbourg ).
En 1800, elle revient à Paris et poursuit sa carrière de peintre.
En 1835, elle publie ses Souvenirs qui connaîtront un grand sucés.
E. Vigée-Lebrun laisse 600 portraits et 200 paysages.

Faisant suite au succès d’un premier portrait avec sa fille réalisé en 1787 et, à la demande du Comte d’Angeviller, directeur général des Bâtiments du Roi,
E. Vigée-Lebrun peint une variante en 1789 en costume grec.

 

Composition

Le cadrage est resserré autour des personnages qui occupent le centre et les trois quarts de la toile.
Seul élément de décor, on devine le bord d’un fauteuil sur lequel est assise la jeune mère.
Elle enlace sa petite fille, Julie.
Julie a posé sa tête sur la gorge de sa maman et ses bras sont enroulés autour de son cou.
Les lignes du bras droit de la jeune femme épousent les courbes que forment sa hanche et sa jambe.
C’est une construction pyramidale tout en douceur  et en rondeur (rondeur du foulard rouge enserrant la taille, rondeur dans les plis de la toge qui dévoilent les formes de la silhouette, rondeur dans le déhanchement de la petite fille habillée de bleu.
L’utilisation des couleurs primaires donne du corps au portrait qui est axé sur les regards.
Regard de tendresse pour la maman, regard joyeux pour la petite fille. Les yeux  sont tournés vers le spectateur et l’interpellent.
La lumière est frontale est douce en harmonie avec l’émotion qui se dégage du tableau

 

Analyse

Ce portrait cristallise le changement qui s’opère dans les mentalités concernant la place de l’enfant et la conception de l’amour maternel. En société on exprime ses sentiments, en art comme en littérature l’émotion occupe une place majeure. La mère et l’amour qui l’attache à son enfant est glorifié par la société.

Cet autoportrait du peintre avec sa fille échappe aux conventions du portrait officiel. Les poses tendrement enlacées évoquent les sentiments d’amour et de protection de la mère pour l’enfant et, touchent le spectateur.
On  note les vêtements « à la grecque » qui reflètent le goût du néoclassicisme pour l’antiquité

Coutumière de l’autoportrait, E. Vigée-Lebrun s’était représentée une première fois en 1782 le pinceau à la main (pour prouver qu’elle était bien peintre).

L’auto-portrait est donc pour l’artiste une forme d’affirmation de soi.
Se représenter avec sa fille est une manière de revendiquer le fait d’être à la fois une mère aimante et une femme peintre dont le succès lui permet de vivre de son art.
Dès sa jeunesse, elle fut l’une des rares femmes de son temps et de sa condition sociale à assumer un métier traditionnellement réservé aux hommes.

Le verrou – Fragonard

J.H. Fragonard (1732-1806)

 

Le Verrou
1773-74
Huile sur toile
dim. 73 x 93 cm
Conservé au Louvre

Fragonard est un peintre d’Histoire, de Genre et de Paysages.
IL commence son apprentissage avec Chardin puis devient apprenti dans l’atelier de Boucher. Il se spécialise dans les scènes galantes.
1756, il part à Rome.
1761, il rentre en France après un périple qui l’amène à Florence, Bologne et Venise.
1765, il entre à l’Académie Royale avec son tableau Corésus et Callirhoé.
Il abandonne le genre classique pour des peintures de cabinet qui obtiennent un grand succès auprès de la cour de Louis XV.
1793, il devient membre de la commune des Arts, puis devient l’un des conservateurs du musée du Louvre.
1805, il est expulsé du Louvre comme tous les autres artistes en vue de la réorganisation de l’édifice en musée Napoléon.

Tableau de la période classique appartenant au style rococo et peinture de Genre. Le Verrou est le tableau le plus célèbre de Fragonard
C’est une véritable référence de la peinture du XVIIIe

Le tableau est une commande du marquis de Véri qui demande à Fragonard une scène de séduction.

Composition 

Le peintre peint deux amants enlacés dans une chambre à coucher où le lit prend toute la place. L’homme en sous-vêtements est dressé, le bras droit tendu vers le verrou pour le fermer. La jeune femme tente de l’empêcher. Dans un mouvement de corps contradictoire, de sa main gauche elle tente de retenir le loquet tout en se courbant en arrière pour éviter les lèvres de l’homme, son effort est vain, le verrou est scellé, son sort aussi.

La toile s’organise en deux parties distinctes, opposant du coté droit le couple dans la lumière et du coté gauche, le lit et ses tentures dans la pénombre.
Cette composition est matérialisée par une diagonale soulignée par un jet de lumière qui part de la pomme en bas à gauche du tableau pour atteindre le verrou en haut à droite du tableau.
Le tableau ainsi découpé, offre une mise en scène théâtrale.
S’inspirant de la technique de Rembrandt, Fragonard peint un clair-obscur aux tons chauds (rouges, jaunes, bruns et blanc crémeux).
La lumière est posée sur les personnages, c’est une lumière extérieure.

Dans L’adoration qui est le pendant du Verrou, le tableau est découpé par une diagonale avec une partie sombre et une partie dans la lumière en respectant les règles du clair-obscur et en reprenant une composition identique au Verrou  avec une différence d’éclairage.
Dans  L’adoration des Bergers la lumière est intérieure au tableau, elle émane du Christ.

L’oeuvre est structurée en deux espaces, le coté droit dans l’action présente les faits, le coté gauche occupé par le lit foisonne d’éléments symboliques interprétant l’action. Il y a la pomme symbole de la tentation, les formes et la couleur rouge des tentures, les coussins qui suggèrent les contours d’une poitrine, la rose sur le lit et le petit bouquet de fleurs au sol à droite du tableau évoquent la virginité, enfin le verrou incarne le désir masculin.

Héritier de Watteau, Fragonard prépare l’oeuvre peinte, avant d’être un tableau le Verrou est dessiné en 1777 puis  devient populaire en 1784 gravé par Blot.

Dans sa technique de peinture, il suit l’exemple de Boucher.
Après avoir fait l’ébauche du sujet par un dessin, Fragonard emploie une sous-couche d’impression rouge ou grise, avant d’appliquer la peinture en plusieurs couches superposées.

Analyse

Cette peinture représente une scène galante où une femme résiste faiblement aux ardeurs de son amant.
Illustrant la passion du couple, c’est un véritable symbole de l’esprit libertin du XVIIIe.

Deux interprétations :
Pour D. Arasse, le Verrou illustre la force de l’amour et du désir
Pour J. Thuillier le Verrou symbolise la tentation.

Scène de Genre ou tableau moralisant quelque soit le sens qu’on lui donne le tableau est en rupture avec les oeuvres précédentes du peintre.

C’est un tableau narratif, Fragonard place le spectateur dans une position de témoin.
Tous les mouvements sont orientés vers le verrou.
Cette scène est une incarnation de la passion amoureuse.
Savoir si l’acte d’amour a été consommé ou non est le principal débat concernant l’oeuvre,
Quelques années après la présentation du Verrou sont édités Les liaisons dangereuses de Laclos.
Le tableau illustrera le livre, c’est l’esprit libertin qui a été retenu après la présentation du Verrou et ce, jusqu’à ce jour.

le Verrou étant un tableau de commande pour servir de pendant à L’adoration des Bergers, un tableau religieux peint quelques mois plus tôt.
Les intentions de Fragonard dans le Verrou n’illustreraient pas un esprit libertin et seraient d’ordre moral.

Fragonard a conçu un oeuvre ambigüe.
Il est l’un des peintres majeurs de l’ère galante de la fin du XVIIIe, le siècle de la séduction et de l’intrigue amoureuse.
S’il doit sa réputation à ses tableaux de boudoirs, il fut aussi un peintre de sujets religieux mettant en scène l’enfant Jésus.

Etait-il sensible au retour en grâce de la moralité?
Le pendant du Verrou, L’adoration aux Bergers montre sa volonté d’illustrer l’amour sacré et religieux

Souhaitait-il dénoncer le libertinage de l’aristocratie qui choquait le peuple?
Dans ce cas l’association de L’adoration des Bergers serait une mise en opposition de l’amour divin et de l’amour charnel.