Atala au tombeau-Girodet

Anne-Louis Girodet
(1767-1824)

Atala au tombeau, dit aussi Funérailles d’Atala
1808
Huile sur toile
Dim 207 x 267 cm
Conservé au Louvre

Girodet passe son enfance dans sa ville natale à Montargis, aussi doué pour le violon que pour le dessin, il choisit la peinture.
1785, il entre dans l’atelier de David
1789, il est lauréat du prix de Rome avec Joseph reconnut par ses frères
1795, retour à Paris
1808, il peint Les funérailles d’Atala 
1813, il participe à la décoration du château de Compiègne où il peint plusieurs fresques murales
1816, il est nommé professeur à l’académie Royale des Beaux Arts
1824, il meurt à Paris

Elève de David, Girodet s’éloigne de la peinture d’Histoire et adopte la peinture romantique.
Pour ce tableau il s’inspire du roman de Chateaubriand paru en 1801 :
Atala ou les amours de deux sauvages dans le désert.
L’histoire se déroule en Amérique au XVIIe. Atala convertie au christianisme, est une jeune indienne  tombée très amoureuse de Chactas.
Pour échapper à Chactas, et respecter la promesse faite à sa mère de rester vierge, Atala s’est empoisonnée.

Girodet n’a pas seulement illustré un extrait du roman de Chateaubriand, il en a synthétisé plusieurs passages.

Présenté au Salon de 1808, le tableau témoigne du renouveau du religieux en France au moment de la signature du Concordat.

Composition

La scène est cadrée sur l’évènement important que Girodet a voulu transcrire.
La facture du dessin est précise.

La pelle au premier plan indique le creusement de la fosse.

Au deuxième plan les personnages sont peints en frise.
Au centre Atala, son corps enveloppé dans un drap blanc, est mise en valeur par une forte lumière. Son visage est calme, ses traits apaisés. Ses mains sont croisées sur son ventre tenant un crucifix. Atala semble dormir.
Celle attitude peut être interprétée comme la paix retrouvée avant la mort.
A gauche, l’indien Chactas, est vêtu d’un pagne rouge, il a les cheveux tressés et porte une boucle d’oreille. Il soulève et serre les pieds d’Atala.
Chactas souffre, ses yeux sont fermés et sa bouche est tordue.
A droite, l’ermite Aubry, . soutient la jeune-femme par les épaules, il est debout les pieds dans la fosse. La lumière éclaire les boucles de sa barbe grise. La capuche de sa robe de bure marron est relevée. L’ermite a le visage baissé en signe de prière.
Chactas et l’ermite Aubry s’apprêtent à enterrer Atala. Chactas occupe la gauche du tableau il est assis courbé sur le corps de la jeune femme dont il enserre amoureusement les pieds. L’ermite ferme la composition à droite du tableau, il est debout et soutient Atala.
Les personnages dessinent une ligne sinueuse qui part à gauche du tableau du dos courbé de Chactas,  passe par le corps allongé d’Atala et se termine dans la verticalité de l’ermite Aubry.
Cette ligne est comme une onde de choc, une onde d’émotion en synergie avec l’atmosphère du tableau.

Au troisième plan, les parois de la grotte ouvrent sur des feuillages et sur la croix de la future tombe.

Le cadre évoque un paysage à la végétation exotique dans lequel la fleur de magnolia du roman de Chateaubriand est remplacée, par du jasmin rouge de Virginie.

Girodet dramatise  son tableau en travaillant la lumière.
Dans cette oeuvre il  traite la lumière en clair-obscur, il joue très fortement sur les contrastes en éclairant le centre de la composition et en laissant les bords dans l’obscurité.
Le rayon lumineux entre par la gauche et le fond du tableau, sa lumière rasante trace une diagonale qui traverse le tableau de la croix à la pelle.
Les couleurs et la clarté sur le corps d’Atala rendent le tableau très vivant.
Est-ce une lumière matinale ou un coucher de soleil?
La mise en terre se faisant à l’aube, ce serait une lumière matinale qui arriverait sur les personnages à travers les feuillages.

Sur la paroi de la grotte est gravé un verset du livre de Job dans la Bible :
« j »ai passé comme la fleur, j’ai séché comme l’herbe des champs ».

 

Analyse

En disposant les personnages en frise, l’oeuvre reprend l’iconographie chrétienne, la mise au tombeau du Christ, traitée entre autres par Titien et Rubens.

Cet amour impossible représente le sacrifice passionné, la lutte entre les valeurs spirituelles de la foi et les valeurs sensuelles de l’amour : parce qu’Atala a fait profession de foi et de virginité et parce qu’elle est amoureuse, elle doit mourir.

Tout dans cette oeuvre n’est qu’intériorisation des sentiments, il n’y a pas d’effet de spectacle. Le tableau diffuse une très grande douleur. Elle est d’autant plus grande qu’elle est muette.

Girodet a le goût de l’innovation tant dans les sujets que dans le style.
Cette oeuvre par sa mélancolie et sa sentimentalité séduit ceux qui lassés par le style néoclassique et par la rigueur de David demeurent attachés au sacré, à la  nature et au sentiment.

La peinture n’a plus pour Girodet de fonction morale ou politique contrairement à David.

L’oeuvre de Girodet se situe à la charnière des deux grands courants artistiques du début du XIXe : la peinture néoclassique et la peinture romantique.

La manière de peindre reste néoclassique : le tableau est lisse et Girodet a multiplié les détails comme les feuillages et les fleurs. Cette recherche idéale selon les canons classiques l’inscrit dans la lignée des peintres néoclassiques davidiens dont il est avec Antoine-Jean Gros, François Gérard et Jean-Auguste Ingres l’un des principaux représentants
Et, en même temps,  le tableau comporte des éléments caractéristiques du romantisme : le choix du thème, la lumière irréelle, la grâce et la poésie.

En 1808 Girodet en peinture et Chateaubriand en littérature personnifient les débuts du mouvement que l’on nommera le Romantisme

 

Madame Vigée-Lebrun et sa Fille

Elisabeth Vigée-Lebrun
(1755-1842)

Madame Vigée-Lebrun et sa fille
1789
Huile sur toile
130 x 94 cm
Conservé au Louvre

Elisabeth Vigée-Lebrun est la fille d’un pastelliste.
A 12 ans elle décide de devenir peintre.
Elle aura 3 maîtres, Gabriel Briard (1725-177), Joseph Vernet (1714-1789),
Jean-Baptiste Greuze (1725-1805).
En 1770, à l’âge  de 15 ans, elle s’exerce à l’art du portrait.
Sa renommée lui permet d’étudier les grands maîtres de la peinture dans les collections royales : Rembrandt, Rubens, Van Dyck.
En 1774, elle est admise à l’académie de Saint luc
En 1776, elle épouse le peintre et marchand d’art Jean-Baptiste Lebrun et commence à travailler pour la famille royale.
La reine se plaît à poser pour E. Vigée-Lebrun.
Les historiens du XIXe la qualifieront d’amie de la Reine.
En 1780, elle donne naissance à sa fille Julie.
En 1783 elle est admise à l’Académie Royale de peinture et de sculpture avec comme morceau de réception, La Paix ramenant l’Abondance
En 1789, ayant toujours manifesté une grande ferveur royaliste elle s’exile et parcours les capitales européennes où elle est la portraitiste de la haute aristocratie( Rome, Vienne, Londres puis Saint-Pétersbourg ).
En 1800, elle revient à Paris et poursuit sa carrière de peintre.
En 1835, elle publie ses Souvenirs qui connaîtront un grand sucés.
E. Vigée-Lebrun laisse 600 portraits et 200 paysages.

Faisant suite au succès d’un premier portrait avec sa fille réalisé en 1787 et, à la demande du Comte d’Angeviller, directeur général des Bâtiments du Roi,
E. Vigée-Lebrun peint une variante en 1789 en costume grec.

 

Composition

Le cadrage est resserré autour des personnages qui occupent le centre et les trois quarts de la toile.
Seul élément de décor, on devine le bord d’un fauteuil sur lequel est assise la jeune mère.
Elle enlace sa petite fille, Julie.
Julie a posé sa tête sur la gorge de sa maman et ses bras sont enroulés autour de son cou.
Les lignes du bras droit de la jeune femme épousent les courbes que forment sa hanche et sa jambe.
C’est une construction pyramidale tout en douceur  et en rondeur (rondeur du foulard rouge enserrant la taille, rondeur dans les plis de la toge qui dévoilent les formes de la silhouette, rondeur dans le déhanchement de la petite fille habillée de bleu.
L’utilisation des couleurs primaires donne du corps au portrait qui est axé sur les regards.
Regard de tendresse pour la maman, regard joyeux pour la petite fille. Les yeux  sont tournés vers le spectateur et l’interpellent.
La lumière est frontale est douce en harmonie avec l’émotion qui se dégage du tableau

 

Analyse

Ce portrait cristallise le changement qui s’opère dans les mentalités concernant la place de l’enfant et la conception de l’amour maternel. En société on exprime ses sentiments, en art comme en littérature l’émotion occupe une place majeure. La mère et l’amour qui l’attache à son enfant est glorifié par la société.

Cet autoportrait du peintre avec sa fille échappe aux conventions du portrait officiel. Les poses tendrement enlacées évoquent les sentiments d’amour et de protection de la mère pour l’enfant et, touchent le spectateur.
On  note les vêtements « à la grecque » qui reflètent le goût du néoclassicisme pour l’antiquité

Coutumière de l’autoportrait, E. Vigée-Lebrun s’était représentée une première fois en 1782 le pinceau à la main (pour prouver qu’elle était bien peintre).

L’auto-portrait est donc pour l’artiste une forme d’affirmation de soi.
Se représenter avec sa fille est une manière de revendiquer le fait d’être à la fois une mère aimante et une femme peintre dont le succès lui permet de vivre de son art.
Dès sa jeunesse, elle fut l’une des rares femmes de son temps et de sa condition sociale à assumer un métier traditionnellement réservé aux hommes.