3 œuvres de Maria Primatchenko artiste d’art naïf ukrainienne

                            Halia and Cossack – 1947

        Shepherds – 1959

     Seagulls in the boat – 1975

 

Le musée d’Ivankiv, situé à 80 km au nord -ouest de Kiev, a été incendié par les troupes russes.

Information du mardi 1er mars 2022

15 œuvres de Maria Primatchenko auraient disparues dans les flammes.

Maria Primatchenko (1909-1997) est une artiste autodidacte, connue des occidentaux. Son art naïf faisait l’admiration de Picasso.

Saint Jérôme et l’ange – 1625 Simon Vouet

 

Simon Vouet (1590-1649)

 

Saint Jérôme et l’ange

1625

Huile sur toile

Dim 145 x 180 cm

 

Conservé à la National Gallery of Art de Washington DC, aux États-Unis

 

Le peintre

Vouet est parisien, il nait et meurt à Paris.
Fils de Laurent Vouet, maître peintre à Paris qui l’initia très tôt à la peinture. Petit-fils de Nicolas Vouet, fauconnier du roi à Cirfontaines en Champagne. L’entrée d’Henri IV dans Paris en mars 1594, la reconquête du royaume, puis le lent relèvement de la France ; c’est dans ces années encore incertaines que se déroule l’enfance du peintre.
Grâce à la fortune et aux relations de sa famille, Vouet voyage jeune, il est à Londres, pour réaliser un portrait, à 15 ans. À 21 ans, il est à Constantinople, il accompagne au Moyen-Orient Achille de Harlay de Sancy (ambassadeur de France à Constantinople -de 1610 à 1619, nommé évêque de Saint-Malo en 1631). De Sancy a besoin d’un peintre pour réaliser les portraits des grands personnages de l’Empire Ottoman et des peintures de paysages locaux. Vouet se distingue en faisant de mémoire des portraits du Grand Turc.
Vouet est volontaire et courageux, il a confiance en lui.
De 1612 à 1627, il voyage en Italie, le pays incontesté des arts (Venise, Gênes, Rome, Naples) où il s’imprègne du caravagisme et réussi à imposer sa peinture. Après être passé par Venise, Vouet arrive à Rome vers la fin de 1613. Il bénéficie  d’une pension du roi de France. Il a un appartement et un domestique dans le quartier des peintres. En 1621 il voyage à Gênes appelé par le duc de Bracciano. Son séjour à Gênes l’a définitivement lancé, il devient le chef de file de l’importante colonie française (Mellin, Vignon, Valentin…) à Rome.
Il séjourne en France de 1620 à 1622.
De retour en Italie, il reçoit des commandes privées et des commandes de l’Église. Suprême honneur, en 1624 Il est nommé à la tête de l’Académie de Saint-Luc de Rome. Il est le premier à recevoir une prestigieuse commande pour la basilique Saint-Pierre de Rome (1624) : une grande fresque représentant l’Adoration de la Croix et les symboles de la Passion, servant d’écrin à la Pietà de Michel-Ange. (Détruite au XVIIIe).
En 1627, Louis XIII soucieux de faire de Paris l’une des capitales artistiques de l’Europe, rappelle Simon Vouet en France. Vouet est célèbre, les commandes affluent de la part du roi, du cardinal Richelieu et de la noblesse de cour.
Vouet revient à un moment propice, Paris prospère et s’étend, l’entourage royal bâtit, les nouvelles demeures sont décorées avec un faste grandissant.
Simon Vouet sera le premier au début des années 1630 à pouvoir répondre à d’importantes commandes en apportant des solutions nouvelles. De la volière à l’appartement de bains, de l’appartement d’apparat à la chapelle, il crée un langage décoratif approprié à chacun de ces espaces. Vouet évolue rapidement.
Il crée un atelier où les nombreux talents (dont Eustache Le Sueur et Charles Le Brun) s’imprègnent de l’intensité dramatique et des couleurs vives, du style baroque que Vouet a rapporté d’Italie.
Nicolas Poussin revient de Rome en 1640 à la demande du roi.
Poussin incarne le classicisme de la peinture française.
Les deux peintres Simon Vouet et Nicolas Poussin se livrent une compétition féroce. L’antagonisme entre eux révéle les limites que le génie de Poussin s’est assignées à lui-même, tandis que le prestige de Vouet s’en trouve renforcé. Poussin vieux lutteur fatigué regagne Rome en 1642 où il mourra en 1665.
Vouet échaudé par cette épreuve de la cinquantaine déploya un art plus brillant que jamais.

 

Le tableau

Ce tableau a été réalisé pendant le long séjour de Vouet à Rome.

Saint Jérôme traducteur et exégète de la Bible (Ancien Testament) aurait, selon la légende chrétienne, été visité par des anges au cours de son travail.

L’ange est le septième de l’apocalypse « Le septième sonna de la trompette et des voix fortes retentirent dans le ciel. Elles disaient : « le royaume du monde est remis à notre Seigneur et à son Messie, et il régnera aux siècles des siècles. » ».
Apocalypse 11.15. L’Ange invite Jérôme à s’inspirer de l’Apocalypse pour traduire et interpréter correctement le sens de la Création, les actes et paroles des prophètes et du Messie.

Ce thème a inspiré les peintres.
À la même époque, Guido Reni et José de Ribera représentent la scène.
Jérôme et l’ange -1624-25 pour G Reni et 1626 pour Ribera.


Composition

 La scène représentée est celle de la vision de saint Jérôme, à qui un ange apparaît en sonnant d’une trompette.

 La mise en scène est rigoureuse et se découpe en trois plans :
Au premier plan la table
Au second plan les figures
À l’arrière-plan, un mur sombre et uniforme repoussé par une étagère à droite de la composition.

Les figures sont représentées frontalement et coupées à mi-corps.
Elles ont une gestuelle en écho :
La main gauche du saint est levée et sa paume est tournée vers le haut
La main droite de l’ange est aussi levée et sa paume est tournée vers le bas
Leurs bras forment des angles parallèles.
La main gauche de l’ange brandit la trompette de la révélation.
La main droite du saint écrit.

L’ange est séducteur, il est représenté avec beaucoup de réalisme parce qu’il doit évoquer l’image de la vérité.
Ses ailes sont charnues et vivantes. Ses cheveux bouclés, en bataille, traduisent sa jeunesse.
Le saint est âgé, il incarne la sagesse et l’érudition.
Il tourne son visage ridé, aux yeux interrogateurs, vers l’ange.
Leurs regards se croisent, à l’interrogation du saint, l’ange répond par un regard de confiance et d’évidence.

Leurs réactions soulignent le sens de la scène :
L’ange éclaire le jugement du saint en résolvant son interrogation.

Entre saint Jérôme et l’ange se joue l’avenir d’un texte pilier du dogme et de la foi chrétienne pour un millénaire et demi.

Sur la table Vouet a placé les attributs du saint, le crâne comme un memento mori, les rouleaux d’écriture et le sablier, la finitude de la chair et le passage du temps.

Le chandelier en retrait à droite du tableau et en hauteur, posé sur un livre, lui-même posé sur une étagère, comme la trompette et la série d’objets posés sur la table, participent à l’éclairage, à sa profondeur et ont une fonction dynamique dans la composition.

Toute la surface du tableau est animée d’un jeu d’obliques et de lumières.

La gamme chromatique est narrative.
Elle est servie par la qualité du pinceau souple et discret.
Le rouge est le statut cardinal de Jérôme et la couleur de la Passion.
Le vert est l’espérance et la grâce du messager.
Le bleu évoque le ciel
Le linceul blanc représenté sur le bord de la table rappelle le baptême et la mort.

 La lumière de clair-obscur s’inscrit dans une ambiance intime, elle modèle les visages et donne de l’ampleur au buste du saint.

La lumière provient de trois sources :
Une bougie éteinte dans un chandelier posé sur une étagère à la gauche du saint. C’est une lumière profane. Elle ne peut éclairer la lecture, elle est donc éteinte.
Une autre source de lumière, divine, magique, chaude, zénithale est intérieure au tableau. Elle éclaire le buste du saint au milieu de l’obscurité.
Elle s’infiltre entre les doigts de la main qui écrit le texte.
Elle amplifie le caractère poignant de la scène.
Un troisième éclairage est hors cadre.
Cette source de lumière est légèrement désaxée, elle effleure le crâne.

Le crâne EST le regardant, nous entrons dans le tableau avec cette lumière.

 

Analyse

Le milieu artistique à Rome au début du XVIIe était extrêmement fluctuant et compétitif. Italiens et étrangers rivalisaient pour obtenir les commandes des mécènes.

Les œuvres de Caravage, en particulier les cycles comme la Vie de saint Matthieu (1599-1600) à l’église Saint-Louis-des Français exerçaient une forte influence sur les expatriés.

 I – Vouet n’est pas un peintre caravagiste

 A / Avec ses puissants contrastes d’ombre et lumière, ce tableau est considéré comme un tableau sous l’influence de Caravage.

Vouet est séduit par les contrastes puissants du clair-obscur de Caravage et surtout par sa représentation d’êtres de chair dont les visages expriment l’usure du labeur quotidien et le jeu secret des passions.

Parce que la peinture de Caravage rompt avec la peinture décorative et parce que Vouet est marqué par la peinture maniériste, le peintre prend la sève du style de Caravage mais ne cède pas au Caravagisme.

Dès son arrivée à Rome en 1614, Vouet découvre les grands décors maniéristes du XVIe, les œuvres de Carrache et du Cavalier d’Arpin et les œuvres de Caravage. Vouet doit s’affirmer et faire sa place.
Il se démarque de l’engouement du caravagisme en exploitant son expérience vénitienne. Le premier contact de Vouet avec l’Italie est Venise, avec Véronèse.
On retrouve dans les effets de draperies de l’ange, la façon de Véronèse.

Un seul tableau de Vouet relève franchement de la tradition caravagesque dans sa facture, c’est sa Diseuse de bonne aventure-1620.
Quant à la narration Vouet ajoute « son grain de sel » :
Vouet traite la fourberie de la bohémienne qui vole la bague de la jeune femme crédule. Dans le même temps il transforme le thème, la voleuse se fait voler par un joyeux luron ! Vouet peint une scène de théâtre.

Caravage avait peint un tableau célèbre traitant le sujet, repris par de nombreux peintres dont Manfredi, Valentin, Régnier, Georges de La Tour.

 En 1625, Vouet peint Saint Jérôme et l’ange.
Vingt ans plus tôt Caravage a peint Saint Jérôme écrivant -1605-1606.

Vouet effleure le caravagisme.

Il prend chez Caravage l’impact de la réalité.
Il l’exprime avec les visages particularisés de l’ange et du saint.
Les figures ont une vérité, un poids et une présence perceptibles.

Vouet a son originalité et ses œuvres ne se confondent pas avec celles de son entourage. La grande tache rouge de l’étole du saint, la brillance du bleu et du doré des vêtements de l’ange refoulent  les préceptes du caravagisme.

Vouet prend à Caravage un clair-obscur qu’il accentue pour illuminer la silhouette du saint et les ailes de l’ange, ainsi qu’une représentation de ses figures à mi-corps.

Mais Vouet traite sa composition avec un esprit différent.
Contrairement à Caravage, son ange n’est pas nu, de type féminin, au visage rond, son expression s’exprime dans ses gestes démonstratifs soulignés par le mouvement des somptueuses draperies. Son ange reflète l’expérience vénitienne.

Vouet a réussi à réunir sur la même toile, un effet de clair-obscur avec la présence des trois couleurs fondamentales, le rouge, le bleu et le vert.

Le peintre joue sur la couleur et sur les rythmes courbes qui font courir dans le tableau de larges arabesques.

Vouet a su, obéissant au goût de son temps, donner un caractère plus noble au caravagisme, tout en conservant la valeur poétique que celui-ci tire de l’étude directe du réel.

B/ Le plaisir de Vouet à travailler la lumière et ses jeux d’ombre est perceptible.

Le peintre travaille l’alliance fondamentale entre la lumière et les formes, la réalité des formes :

Il s’attarde sur les plis des étoffes dans lesquels la lumière s’incruste et donne du nerf, de la vie.
Le linceul roulé en boule sur la table, au premier plan, respire comme un animal.
Les ailes de l’ange sont un miroir dans lequel la lumière rebondit et donne de la vie au personnage céleste.
La lumière lisse la barbe du saint dans laquelle elle s’enfonce.
Elle se glisse entre les articulations des doigts de la main qui écrit, l’ombre projetée par cette main est surnaturelle, la plume est un rayon lumineux, un laser.
Le crâne peint de la couleur de la table serait fondu dans le décor, c’était sans compter sur le point lumineux qui rebondit sur le sommet du crâne. Minuscule, ce puissant point de lumière vibre comme une note de musique.

Ce crâne, cet attribut du saint, devient une invitation pour le regardant à entrer dans le tableau.

Si le tableau dégage une telle intensité c’est parce que Vouet sait transmettre l’équilibre entre l’harmonie des formes et le poids des couleurs.

Vouet « ajoute »,
S’il prend du Caravage avec l’emphase de ses clairs obscurs, avec les décors épurés et les groupes réduits de personnages, il le mixe avec l’introduction d’une tension dramatique dans sa narration, sa composition lie les figures.
Vouet recherche l’éloquence.


II – C’est un tableau narratif et le message passe par la gestuelle :

La représentation de l’ange suggère qu’il guide la main de saint Jérôme.
C’est le point central du tableau.
Le foyer de l’image est fourni par la rencontre de la lumière et de la main qui écrit. La composition gravite autour.

La gestuelle en écho de l’ange et du saint décrit le phénomène de l’inspiration surnaturelle ; le rôle est dévolu aux deux gestes, les mains levées des personnages, celle du saint, paume vers le haut et celle de l’ange, paume vers le bas. La représentation est liée à cette gestuelle.

Si l’écrit traduit bien la Parole c’est parce que le saint traduit la transmission inspirée par l’ange.

L’expression des gestes permet à Vouet d’ancrer son tableau dans le réel.

 La figure peinte du saint représente un homme.

Un siècle plus tôt, Léonard de Vinci écrivait :
« Le bon peintre a essentiellement deux choses à représenter : le personnage et le contenu de sa pensée ».

Parallèlement à la perspective spatiale conduite par les lignes qui passent par les mains levées et le sommet de têtes, les gestes s’inscrivent dans une perspective psychique, le langage des gestes.
Les gestes sont codifiés, la main vers le haut évoque le ciel, la main vers le bas évoque la terre.
Les bras écartés dans liturgie chrétienne expriment le geste de la prière, c’est le geste de l’orant.
Le mouvement des yeux, les regards intenses échangés, traduisent le passage du message de l’ange au saint.
L’ensemble de ces gestes donne la parole au tableau.
Les figures expriment un message corporel, le regardant, les interprète.

Dans son tableau la diseuse de bonne aventure –1620, Vouet conçoit sa composition en fonction du jeu de mains et des regards.


III – Deux périodes dans la peinture de Vouet :

 L’italienne, la « manière forte » et la française plus décorative.
Son évolution le conduit vers des œuvres plus claires, colorées, vibrantes d’émotion. De retour en France sa peinture pétrie de l’influence des tableaux italiens devient plus ample, plus distinguée. Les tableaux parisiens sont emprunts d’élégance, s’ils gardent la richesse des motifs de la galerie Farnèse d’Annibal Carrache, leur style est apaisé, équilibré. Cette évolution de son style correspond aux grandes commandes parisiennes de la seconde partie de sa carrière.

Vouet maîtrise l’art du trompe-l’œil et du raccourci et, donne à sa peinture une dimension hautement décorative.
Son ensemble le plus spectaculaire est celui de l’hôtel Séguier que Vouet décore de 1936 à sa mort.

 

 Conclusion

Pour conclure une définition de Monsieur Brejon de Lavergnée et Monsieur Cuzin qui disent de Vouet « c’est un gourmand », « avide de tout voir, tout étudier, tout assimiler… ».

Vouet a su s’imprégner du style des maitres italiens, il en tire le suc et le remanie. Vouet épure, éclaircit.
Il garde le format baroque en le combinant à des couleurs vives.

Au milieu des diverses tendances qu’il a connu et dont aucune ne réussissait à s’imposer, il a su se frayer un chemin glorieux, attirant à lui honneurs et disciples.

A mi-chemin entre la Flandre et l’Italie, il était capable de donner son caractère propre à l’école française de peinture qu’il allait fonder.

L’art de Vouet répond bien à la « volonté prononcée d’idéalisme et de régularité constructive » qui sous-tend alors la culture française.

Vouet régna sur le Paris des arts pendant plus de vingt ans.

Jacques Thuillier : « Vouet avait la générosité des grands maîtres. Sûr de son propre génie, il se plaisait à susciter celui des autres. »

Les élèves de Vouet joueront un rôle important dans la transmission du style de Vouet. Le Sueur, artiste classicisant, adopte ses audacieux raccourcis ; Laurent de La Hyre, Le Brun ou Sébastien Bourdon reprennent son langage pictural.