Enfant j’ai passé beaucoup de temps à observer ce tableau.
C’est mon tableau préféré du Douanier Rousseau
Henri-Julien-Félix Rousseau dit le Douanier
(1844-1910)
Le Rêve
(1910)
Huile sur toile
Dim 298,50 x 204,50 cm
Conservé au Muséum of Modern Art New York
Le Douanier Rousseau
1844 Naissance à Laval
1860 Prix de dessin
1886 Il expose régulièrement au Salon des Indépendants. 1er succés avec
Un soir au carnaval. Camille Pissarro et Odilon Redon le remarquent.
1871 Il entre dans les services de l’octroi à Paris, d’où son surnom de Douanier
1884 Il obtient une carte de copiste au Louvre
1893 Il se consacre entièrement à son art
1905 Il présente trois toiles au salon d’Automne
1910 L’année du Rêve il meurt à Paris
Rousseau est un peintre autodidacte. Il exerçait la profession de douanier.
Il n’a jamais voyagé. Il compose ses tableaux à partir de photographies découpées dans la presse ou à partir de ses observations au jardin des Plantes.
Rousseau se proclame peintre « réaliste » .
Il peint des portraits, des paysages urbains et de grands tableaux de jungles devenus célèbres.
Description
Cette oeuvre appartient à la série des jungles que Rousseau peindra toute sa vie. Le Rêve est l’une des dernières.
C’est un tableau de grande dimension.
Rousseau représente une femme nue sur un canapé rouge, encerclée de lotus géants, au milieu d’une jungle luxuriante et foisonnante d’animaux dissimulés dans les hautes herbes et les arbres de la forêt. Tout y est : les fruits, les oiseaux, le serpent, les lions, le son harmonieux de la flûte et la nudité.
Composition
Le chromatisme de ce tableau est unique.
La couleur verte est omniprésente. Elle est déclinée en plusieurs nuances, de la plus lumineuse à la plus foncée.
Rousseau marie le vert avec le bleu et les couleurs complémentaires. Ce qui lui permet de mettre en évidence certains détails comme le serpent orange ou les fruits. Ces procédés créent une harmonie parfaite.
Les paysage est figé, habité de personnages et d’animaux (la femme, le joueur de flûte, les lions, l’oiseau) échappant à toute loi de perspective.Il n’ya pas de profondeur de champ. La femme et la flore font le tableau et constituent le décor.
Au premier plan, à gauche du tableau, la femme nue est allongée sur le canapé rouge.Elle est lascive et semble flotter sur un océan végétal. Elle regarde à droite et tend la main en direction du joueur de flûte (au second plan, dissimulé par la végétation). Il est revêtu d’un pagne bariolé.
La femme est mise en valeur par la couleur du canapé et la verdure rafraichissante.
Il y a un contraste fort entre le clair et l’obscur souligné par les contours renforcés par un liseré lumineux.
Analyse
Dans la clarté éclatante d’une nuit de pleine lune Rousseau nous raconte une histoire onirique.
La jeune -femme est transportée dans un univers charmeur, telle Eve installée sous l’arbre du péché. Elle a une posture d’invitation.
Yadwigha semble retrouver son paradis perdu.
Yadwigha. serait une allusion au dernier amour du peintre. Le rêve suggérerait le trouble émotionnel dans lequel Rousseau était plongé à la fin de sa vie.
Cette peinture est un rêve sensuel, tropical et parfait. Tout est beau, mystérieux et séduisant dans ce tableau.
C’est un tableau d’évasion hors de la réalité pour le peintre.
Dans le monde de Rousseau les oranges poussent sur les acacias.
Le message transmis est un message d’exotisme, de sensualité et de
tentation (le serpent). Cette nature imaginaire symbolise le paradis perdu.
Bien que la toile soit très réaliste, Rousseau nous offre du rêve. Rousseau réalise ses fantasmes à travers sa peinture et offre au spectateur de partager le même Imaginaire
Rousseau ne s’embarrassasse pas de perspective. Il pose ses couleurs en a-plat comme pour du papier peint. C’est un coloriste. Son trait est précis. Sa palette est d’une étonnante richesse. Dans le rêve il y a de nombreuses nuances de vert.
Le MoMA conserve à la fois Les demoiselles d’Avignon de Picasso et Le Rêve du Douanier Rousseau
Si on compare ces œuvres d’un point de vu intentionnel, la motivation Des demoiselles est évidente : marquer une rupture dans la peinture, faire bouger les lignes, être le chef de file d’une nouvelle école.
Le Rêve est à l’opposé de cette idée. Il propose un univers fantastique au spectateur privé de rêve.
Rousseau est l’anti-Picasso
Conclusion
A la fin du XIXe un courant, le « primitivisme ». qualifié de naïf (1855-1930) prit forme. Le Douanier Rousseau en est un des représentants.
Le Rêve est l’une de ses dernières toiles. Rousseau laisse vagabonder la création. Le nu sur un canapé au milieu d’une jungle totalement mythique est, une projection de l’inconscient. C’est une jungle onirique.
Le Rêve est l’oeuvre la plus emblématique du Douanier Rousseau. Le dernier de ses tableaux à avoir été présenté au Salon des Indépendants en 1910, l’année de sa mort.
Comme les Impressionnistes Rousseau s’intéresse d’abord aux paysages mais, contrairement aux Impressionnistes qui diluent les formes et accordent peu de place au dessin, Rousseau dessine minutieusement les paysages.
Rousseau ne maîtrise pas la perspective mais, il utilise la couleur de façon intuitive. Ces multiples nuances de vert s’harmonisent parfaitement.
Rousseau possède le sens de la composition et ses maladresses sont compensées par la justesse chromatique de ses tableaux.
Le Douanier Rousseau artiste naïf fait preuve d’une grande sensibilité artistique, il est le précurseur des surréalistes.
Au début du XXe sa peinture suscite l’intérêt de l’avant -garde artistique qui se passionne pour les arts primitifs.
Guillaume Apollinaire, Paul Signac, Robert et Sonia Delaunay et Picasso s’intéressent aux tableaux du Douanier Rousseau
Edouard Manet (1832-1883)
Le Balcon
1869
Huile sur toile
170 x124,5 cm
Conservé à Orsay
Edouard Manet
1832 Naissance à Paris dans une famille de la haute bourgeoisie
1848-49 Il échoue au concours d’entrée à l’école navale. Dans le même temps il voyage au Brésil où il réalise un grand nombre de dessins.
1850 Avec l’accord parental, il entre dans l’atelier de Thomas Couture. Il y restera six ans. Il rencontre Eugène Delacroix et voyage en Italie et aux Pays-Bas.
1856 Manet ouvre son premier atelier rue Lavoisier
1859 Buveur d’absinthe est refusé au Salon
1861 Le chanteur espagnol et Portraits de Mr et Mme Manet sont acceptés au Salon
1863 Il épouse Suzanne Leenhoff qu’il fréquente depuis de nombreuses années. Elle sera son modèle dans plusieurs tableaux (notamment La lecture)
1865 il voyage en Espagne . Manet peint de nombreux tableaux inspirés de la peinture espagnole. Il est fasciné par Velázquez.
1867 Manet organise sa propre exposition après plusieurs tableaux refusés par le jury du Salon. Le public ne suit pas.
1868 Rejeté par le jury et incompris des amateurs d’Art, Manet se rapproche des peintres novateurs : Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir, Edgar Degas, Paul Cézanne, Alfred Sisley, Camille Pissarro et Berthe Morisot.
1874 Manet refuse de participer à la première exposition impressionniste qui a lieu dans l’atelier du photographe Nadar
1883 Manet meurt à Paris des suites d’une longue maladie.
Description
Au balcon qui n’est pas un balcon de théâtre, quatre personnages deux femmes un homme et dans l’ombre un adolescent.
Manet est passionné par Goya, ce tableau se réfère au célèbre
« Mayas au balcon » du maître espagnol.
Mais le sujet est d’une autre nature. Le repas est achevé, les personnages s’apprêtent à partir, une des jeunes femmes boutonne son gant, l’homme debout achève une cigarette, la troisième personne, au premier plan est assise immobile l’avant- bras appuyé à la balustrade, elle n’est pas dans la même dynamique que les autres personnages.
Les trois personnages regardent dans trois directions différentes, et leur regards sont eux aussi très différents.
Le sujet apparaît comme totalement insignifiant, il ne porte aucun sens hors celui d’un temps mort entre deux autres moments plus significatifs: le repas qui vient de s’achever et la sortie de ce lieu.
Le Balcon est traité comme une scène de théâtre.
On pourrait imaginer que le spectacle est terminé et qu’on s’apprête à sortir.
Cette allusion au théâtre que la mise en scène du tableau désigne crée l’illusion d’une rumeur issue de l’extérieur du tableau.
Mais on ne peut l’identifier car on ne saura jamais ce que ces gens regardent.
Peut-être un jardin avec des enfants, ou bien la rue et son fracas de calèches et de voix
Le jeune homme est Antoine Guillemet, peintre de paysage ami de Manet, la jeune femme aux gants, Fanny Claus ,violoniste, amie de la femme de Manet, elle même aussi musicienne. La troisième est Berthe Morisot élève de Manet et son modèle dans plusieurs tableaux.
Elle est le personnage central de cette oeuvre, Manet n’a-t-il pas voulu développer une scène de genre autour d’un portrait ?
Idée médiane entre la mise en scène du Déjeuner sur l’herbe et celle de L’Olympia.
Au fond dans l’ombre un adolescent, peut-être le beau-fils de l’artiste, Léon Leenhoff, portant une cafetière en argent, regarde aussi vers l’ouverture de la porte fenêtre.
Composition
La composition frappe par sa verticalité : lignes verticales des volets, de l’embrasure de la porte, des montants du balcon et des personnages.
Des horizontales très fortes, la rambarde du balcon, les persiennes, les lignes des sourcils, s’opposent à cette verticalité et donnent une structure orthogonale. L’axe médian est marqué par le personnage de Guillemet cadré par les montants verticaux du balcon.
La diagonale qui va du coude droit de Berthe Morisot au « bibi » fleuri de Fanny Claus, ponctuée par les diagonales divergentes de l’éventail et de l’ombrelle, se situe dans le plan du tableau et ne lui donne aucune profondeur.
La perspective est inexistante, mis à part la trouée d’ombre de l’intérieur de la pièce et le traitement en perspective de la potiche et du tabouret, la profondeur est donnée par des plans successifs crées par la lumière. Dans cette toile, tout est surface et théâtralité.
On retrouve dans le balcon la palette apparemment restreinte d’Olympia faite avec les blancs, les verts et les noirs. De la même manière Manet utilise les couleurs vives ou plus chatoyantes avec parcimonie, sur des zones aux surfaces très restreintes. Le peintre accorde en réalité le vert émeraude à Fanny Claus (l’ombrelle), le bleu à Antoine Guillemet (la cravate) et le rouge à Berthe Morisot (l’éventail).
A ces trois couleurs principales, le vert véronèse des volets et du balcon, le blanc des robes et de la potiche et le noir du costume de Guillemet s’ajoutent trois couleurs savamment disposées : le bleu des hortensias et de la cravate de Guillemet, le rouge de l’éventail et l’ocre des gants de Fanny Claus.
La palette est ainsi faussement réduite.
Les trois couleurs principales sont subtilement modulées par la lumière et la touche. La source lumineuse est placée devant les personnages qui la reçoivent de face. Il n’y a presque pas d’ombres portées. Le contraste est très fort entre les valeurs claires et sombres.
La facture , la composition, les formes du Balcon sont nouvelles, Manet pratique une frontalité d’un autre type que ses prédécesseurs. Il affirme la surface plane du tableau, et la creuse par l’ombre. Tout le premier plan est dans la lumière, et c’est en s’éloignant de la première surface « immobile » qu’incarne Berthe Morisot, que les formes commencent à bouger.
Le regard perçoit le mouvement interne du tableau en s’enfonçant dans l’ombre à l’intérieur.
Par la composition, l’encadrement vert parallèle aux limites du tableau, entre la peinture et l’image, le regard pénètre dans l’intérieur du tableau rendant l’œuvre captivante.
Il y a une opposition entre le rendu très précis du visage de Berthe Morisot et le flou des deux autres personnages, de même que s’opposent la facture lisse des volets et du balcon et les touches affirmées des robes blanches, des fleurs et du chien.
Le mouvement est souligné par un détail original : le peintre ménage un léger flou sur les visages des deux personnages sur le départ, Guillemet et Fanny Claus, cet effet de « bougé » entre, comme pour les mains, en opposition avec le visage de Berthe qui est le plus travaillé et parait d’une immobilité spectrale.
C’est un travail de portraitiste très abouti.
On sent parfaitement que le peintre accorde une importance centrale à cette figure, les petits coups de pinceau utilisés, la couleur de la carnation font vivre ce visage de l’intérieur.
L’intensité de la présence est troublante malgré l’immobilité de la pose.
Au fond dans l’ombre de l’intérieur, un mouvement horizontal : passage sans importance du jeune adolescent, allusion à l’autre temps celui qui continue de tourner celui du travail, dans l’ombre et le noir.