Le jugement d’Osiris – vers 1275 av. J.C.

Le jugement d’Osiris extrait du Le livre des morts d’Hounéfer 

Vers 1275 av.J.C. 

Encre et pigments sur papyrus 

Dim 45 x 90,5 cm

À l’origine il mesurait 550 cm de long, aujourd’hui il est divisé en huit morceaux pour des raisons de conservation.

Conservé au British Museum 

 

 

Le livre

Les tombeaux égyptiens étaient décorés de scènes qui, une fois « activées » par des rituels appropriés, permettait la perpétuation des plus beaux aspects de la vie du défunt et assuraient que les cérémonies idoines se poursuivraient pour toujours.
À partir du Nouvel Empire, apparurent également des papyrus peints nommés
« livres des morts » qui illustraient les hymnes, sorts et recommandations censés accompagner le défunt dans son voyage outre-tombe.

L’idéal égyptien de la mort était une tombe décorée de bas-reliefs peints.

Ce n’était pas toujours possible, car dans de nombreuses régions d’Egypte, la qualité de la pierre ne le permettait pas, sans même parler de la dépense que cela représentait.
À Thèbes (l’actuel Louxor) le calcaire, bien que fin, est très friable et les tombes gravées sont rares. En général, on recouvrait les murs de plâtre épais, puis d’une couche plus fine sur laquelle on peignait ensuite à sec.
Bien que la peinture murale sur papyrus suive les mêmes conventions stylistiques que la sculpture en relief égyptien, il s’agit d’un support différent qui se prêtre à d’autres usages. Toutefois les techniques restent très formelles. Les artistes ne disposaient que d’une palette réduite de couleurs (terre et ocre) qu’ils conservèrent même quand d’autres pigments furent découverts.

Le fait de recréer le monde en peinture (ou en sculpture) est sous-tendu par un dessein religieux : la représentation est ainsi rendue « vivante » et ne cherche pas à dépeindre le monde tel qu’il est. Ceci mène à toute une série de conventions.

Le plus beaux « Livres des morts » étaient écrits et enluminés par des scribes spécialisés et des artistes, celui du scribe royal de la XIXe dynastie, Hounéfer, est l’un des plus riches.
Ses illustrations détaillées des rites funéraires et des sorts magiques ainsi que les passe-temps favoris du défunt accompagnaient des hiéroglyphes semi-cursifs très finement dessinés ; certains textes sont si obscurs que les égyptiens eux-mêmes y ont ajouté des gloses explicatives.

Hounéfer est Scribe royal durant le règne de Séti 1er (v. 1290-1279 av. J.C.),
Scribe royal à l’ouest de Thèbes, scribe des offrandes divines, surveillant du bétail royal et majordome du pharaon Séti 1er.
À cette époque, les scribes faisaient partie des bureaucrates les plus en vue, car ils étaient très instruits et travaillaient sous les ordres directs du pharaon.
Le scribe est « l’œil du pharaon » il joue un rôle majeur avec les soldats et les prêtres dans cette état centralisé et parfaitement hiérarchisé.
Le scribe connaissait l’écriture hiéroglyphe et hiératique, la grammaire, des textes classiques, mais aussi le dessin, le droit, les langues étrangères, l’histoire, la géographie et la comptabilité.
Ces titres indiquent que  Hounéfer occupait une place importante dans l’administration de l’État et qu’il était probablement membre de la cour royale.
Son épouse Nasha était prêtresse d’Amon à Thèbes.

Ce « Livre des morts » est richement illustré et d’une exécution exquise.

Lors des funérailles le papyrus était roulé et placé dans un compartiment secret construit à cet effet à l’arrière du sarcophage, puis déposé dans la tombe.
Dans la tombe, il est placé sous les bandelettes, entre les jambes, sous les bras ou sur la poitrine de la momie.

La plus grande partie du recueil se compose de prières adressées par le défunt à différents dieux dans ses pérégrinations d’outre-tombe.

Ce papyrus dépeint la scène la plus importante de la transition vers la nouvelle vie, le jugement d’Osiris, qui correspond au passage 125 du « Livre des morts ».

Dans cette transe,, le défunt est jugé par un tribunal rigoureux afin de prouver qu’il est digne d’une vie éternelle paisible.

Hounéfer a peut-être écrit lui même sa version du « Livre des morts ».
Cette scène représente le jugement de mort devant Osiris, dieu de l’au-delà.
À gauche, Anubis, le dieu à tête de chacal tient la fameuse clef de la vie et conduit Hounéfer dans  la « grande salle de Vérité » où le défunt va être jugé.
Son cœur, représenté dans un vase, est pesé contre une plume.
Le cœur, sensé être le siège des émotions, de l’intelligence et du caractère, représentait donc la vie du défunt.
Au-dessus de l’entablement sont figurés, comme ornementation, des groupes formés des hiéroglyphes de la vérité et du feu.
Le dieu Shou agenouillé étend le bras vers un singe qui équilibre la balance.
Le dieu Shou symbolise la force du soleil. Il met le ciel en haut et la terre en bas.
Si le cœur d’Hounéfer pèse plus lourd que la plume -qui symbolise l’ordre établi du monde, le « bien » –  le mort est dévoré par la créature féroce, à la fois crocodile, lion et hippopotame, c’est la déesse Ammit,  qui attend en face de Shou..
Elle représente le monstrueux puisqu’elle est hybride, symbole d’une nature multiple. Dévoré, le défunt n’aurait aucune chance de vie éternelle.
Thot, dieu de science et des arts, a un tête d’ibis.
« Le livre des morts » a été rédigé par Thot le dieu-scribe, il note ici le résultat de la pesée avec son calame qui possède deux creux ronds, un pour l’encre noire l’autre pour les titres rouges. Il écrit debout avec un jonc taillé. C’est l’acte qui clôt le tribunal du fait qu’il est consigné par écrit.
Thot, seigneur des paroles divines, ajoute « que le cœur soit remis à sa place dans la personne de l’Osiris » Le retour du cœur dans la poitrine est le signal de la résurrection.
Après le jugement d’Hounéfer dont il sort vainqueur, il est amené en présence d’Osiris par Horus, son fils à tête de faucon.
Osiris est montré assis sous un dais avec ses sœurs, Isis et Nephthys.
Osiris, dieu de l’au-delà est représenté d’une couleur verdâtre saisissante. Il est vert comme le limon du Nil qui en se déposant fertilise les champs.
Osiris tient le sceptre en crochet et le fouet-fléau. Osiris est le roi de l’éternité.
Osiris est l’une des divinités les plus importantes d’Égypte, comme en témoigne le fait qu’il porte les symboles de la haute et de la Basse Égypte, un dieu qui régnait sur l’ensemble du territoire.
Devant Osiris s’élève un autel chargé d’offrandes au-dessus duquel figurent les quatre génies funéraires.

Hounéfer a passé avec succès le jugement d’Osiris, la pesée du cœur est une première étape, une première formalité du jugement divin. Il reste au défunt à subir d’autres épreuves avant d’arriver à la béatitude éternelle, et que son esprit puisse  rencontrer son corps momifié et vivre éternellement dans le champ des moissons divines appelé Aanrou.

En haut du papyrus, dans le registre supérieur, Hounéfer (à gauche) est à genoux, en adoration devant une rangée de divinités qui supervisent la procession, ce sont les quatorze juges qui doivent intercéder pour lui lors du procès afin de gagner sa faveur.
Ces juges sont aussi des dieux qui attendent de voir si la vie terrestre du défunt est aussi digne de l’idéal de justice divine.

Le Livre des morts est divisé en quatre sections, chacune retraçant un voyage spirituel unique :

Chapitres 1-16 : Le défunt pénètre dans sa tombe et entreprend une descente dans les abîmes. Au cours de ce processus, son corps retrouve la mobilité et la capacité de communiquer.
Chapitres 17-63 : L’origine des dieux et des lieux célestes est révélée. L’appel à la renaissance est établi, leur permettant d’émerger à l’aube avec la résurrection du soleil.
Chapitres 64-129 : il entreprend un voyage à travers les cieux, s’intégrant comme l’un des bienheureux défunts. À l’approche de la nuit, il descend dans le monde souterrain pour se présenter devant Osiris.
Chapitres 130-189 : ayant été validé et justifié, il acquiert un rôle dans le cosmos en tant que l’un des dieux.
Comprend des chapitres détaillant l’importance des amulettes protectrices, la fourniture de nourriture et les lieux d’importance sur ce nouveau plan existentiel.

La commande du « Livre des morts » était d’un coût exorbitant.
Ainsi ce grand papyrus très orné donne au regardeur un aperçu de la position sociale et de la richesse d’Hounéfer.
Compte tenu de sa grande longueur et de son ornementation abondante, sa valeur financière devait être considérable, un démonstration du patronage d’Hounéfer dans cette œuvre, un témoignage tangible de son statut et de la richesse qu’il a amassé au cours de sa vie.

Le papyrus d’Hounéfer est l’un des textes les plus emblématiques de l’histoire.
Il est au cœur de la vie religieuse égyptienne, couvrant plus de 3000 ans d’histoire et de croyance profondément enracinées.

Le Mythe d’Osiris, donne à tous les Égyptiens l’espoir d’une vie après la mort.

Osiris fut le premier des pharaons régnant sur l’Égypte, aux côtés de sa sœur et
épouse Isis. Il était bon, juste et sage.
Seth, son frère jaloux, voulut le tuer et complota contre lui. Il organisa un banquet où il avait placé un coffre magnifique, qu’il avait fait fabriquer par ruse à la mesure du corps d’Osiris.
Seth déclara au banquet qu’il offrirait ce magnifique coffre à celui qui, en s’y couchant, le remplirait parfaitement.
Lorsque Osiris s’y étendit, Seth rabattit rapidement le couvercle, le cloua, et le jeta dans le Nil. 

Désespérée, Isis chercha Osiris jusqu’en Phénicie.
Elle y retrouva le cercueil et le ramena en Égypte, elle réussit à s’unir à lui en lui
redonnant brièvement la vie grâce à sa magie, elle prit la forme d’un faucon et
accoucha d’Horus. Mais Seth réussit à s’emparer du corps et le coupa en quatorze
morceaux qu’il dispersa.
Deuxième quête d’Isis, elle rassembla les membres épars de son mari sauf le phallus mangé par un poisson, reconstitua le corps avec l’aide du dieu Anubis, l’entoura de bandelettes et réussit à lui rendre vie (première momie)
Plus tard, Horus, le fils d’Osiris et d’Isis, vengea son père : il tua Seth et devint
pharaon à son tour. 

Depuis ce jour, Osiris règne sur le royaume des morts et peut ouvrir, pour chaque Égyptien, après la mort, les portes de l’éternité.


La mort 

En Égypte la mort n’est pas la fin de la vie mais la possibilité pour le défunt de vivre comme Osiris pour l’éternité si certains rituels ont respectés.
Une vie peut continuer dans le royaume des morts, l’égyptien souhaite la vie qu’il a vécu sur terre mais cette fois pour l’éternité.
L’écriture permet de faire advenir les choses si celles-ci sont dessinées  et notées sur une feuille de papyrus.

La croyance en la force de l’écriture est étonnante. Dans l’ancienne Égypte antique l’écrit crédibilise et authentifie. L’écrit s’inscrit dans le temps.

Placés entre les jambes des momies, les rouleaux de papyrus aidaient le défunt dans les épreuves qu’ils l’attendaient après la mort.

Le « Livre des morts » pouvait atteindre 24m de long. Seule une classe de privilégiés pouvant s’offrir un livre entier.

La plupart des égyptiens s’achetaient une parie du livre, plus précisément la pesée du cœur qui était un étape essentielle.

Les 200 formules du « Livre des morts »  sont essentielles pour espérer traverser toutes ces épreuves. Sans les formules magiques, qui, par l’écrit attestent de la véracité des actes du défunt, il serait difficile d’espérer l’éternité.

 


Conclusion 

Les papyrus qui ont survécu contiennent une section variée de textes religieux et magiques et se distinguent nettement par leurs illustrations. Ils contiennent des inscriptions, des psaumes, des hymnes, des prières et des illustrations sur la croyance en la vie après la mort.

Il n’existait pas de « Livre des morts » unique et canonique.

Le papyrus d’Hounéfer est l’un des « Livre des morts » les plus connus et les plus célèbres qui aient survécu jusqu’à aujourd’hui.

La croyance en une vie après la mort est présente dans toutes les cultures depuis les origines de l’humanité, mais en Égypte, elle est encore plus remarquable puisque toute la culture et la société sont structurées autour de cette croyance.

 

 

 

Sources :
Article de Juan Genovés Papyrus d’Hounéfer chez Patrimonio Ediciones
À lire : Le livre des morts des anciens égyptiens- d’après le papyrus de Turin et les manuscrits du Louvre,  de Paul Pierret (conservateur du musée égyptien au Louvre) – éditer par Ernest Leroux 

Tatoos and shadows – Jeff Wall – 2000

 

SF MoMA collection

Jeff Wall :  « L’idée de Tattoos and Shadows m’est venue d’une scène que j’avais vue l’été précédent : trois personnes se reposaient sur une pelouse, à l’ombre d’un petit arbre, et les ombres dansaient sur leur peau. J’avais l’image en mémoire et j’ai entrepris de la recréer aussi scrupuleusement et aussi précisément que possible. »