Mulholland Drive : The road to the studio – 1980 – David Hockney

David Hockney (1937 – …)

 

Mulholland Drive : The road to the studio 

1980

Peinture acrylique
Dim 220 x 620 cm 

Conservé dans les collections permanentes du Los Angeles County Museum of Art.

 

 

Le peintre 

Né au Royaume-Uni, David Hockney a traversé les avant-gardes des deux côtés de l’Atlantique, sans déroger aux règles de la figuration enseignées à la Royal Academy de Londres.
De l’école d’art de Bradford au Royal College of Art de Londres, David Hockney découvre, assimile la traduction anglaise de l’expressionnisme abstrait élaborée par Alan Davie.
En partant en Amérique, il se libère du joug de l’abstraction. Il est devenu célèbre parce que la figuration permet au grand public de reconnaître immédiatement le sujet, mais le propos permet à David Hockney une forme de subversion.
Au début des années 1960, au Royaume-Uni, l’homosexualité n’est pas encore dépénalisée. Son arrivée aux États-Unis, en 1961, est une véritable respiration. Il devient l’imagier d’une Californie hédoniste et solaire. Il adopte la peinture acrylique qui lui permet de produire une image intense, précise, presque immatérielle.
David Hockney a la volonté de traduire la réalité sans jamais l’enjoliver. L’acuité de son regard est d’une rigueur qui va presque jusqu’à la cruauté. Il est sans concession.
Sa découverte de l’œuvre de Picasso, en 1960,  achève de le persuader qu’un artiste ne saurait se limiter à un style donné.
Animé par un désir constant de large diffusion de son art, David Hockney a, tour à tour, adopté la photographie, le fax, l’ordinateur, les imprimantes et à plus de 70 ans, il s’est mis à utiliser un iPad. Il est devenu un virtuose du numérique, comme il l’était du dessin, de l’aquarelle, de la gravure, de la peinture.

«Je crois au pouvoir de l’art…je crois également que l’art peut changer le monde » écrit David Hockney dans Ma façon de voir –1995

 

Le tableau 

Lorsque David Hockney arrive à Los Angeles, il est fasciné par les paysages offerts dans cette région ensoleillée et cette lumière intense qui fait resurgir les couleurs.

Fin août 1980, le peintre David Hockney rentre à Los Angeles après un séjour d’ordre professionnel à New York. C’est alors qu’il apprend que les musiciens du Metropolitan Opera de la ville qui ne dort jamais sont en grève, et qu’on ne sait pas si le triple opéra « Parade Triple Bill » dans lequel il est metteur en scène pourra avoir lieu.
En attendant la reprise, il se met à travailler sur deux nouvelles peintures qui marquent un tournant artistique dans sa carrière déjà sujette aux métamorphoses.
Des tableaux aux couleurs saturées et kaléidoscopiques, au large éventail de perspectives, à la veine picturale fauviste et cubiste, complètement inspirés par ses trajets quotidiens entre sa résidence dans les collines hollywoodiennes et son son studio de Santa Monica.

« Quand on vit sur ces hauteurs, on a une vision différente de Los Angeles. Ces lignes sinueuses sont entrées dans ma vie, il fallait qu’elles entrent également dans mes tableaux. J’ai commencé Nichols Canyon. J’ai pris une grande toile et j’ai dessiné une ligne sinueuse au centre pour figurer la route. Je vivais dans les collines et j’avais mon atelier dans la vallée, donc je passais d’un endroit à l’autre tous les jours, souvent deux, trois, quatre fois par jour. Ces lignes sinueuses je les sentais réellement. J’ai continué à explorer cette idée avec la grande toile – de plus six mètres sur deux – Mulholland Drive : The Road to the Studio, dans laquelle tous les repères du décor de l’ondulation de la route sont peints de mémoire… On parcourt la toile, enfin l’œil parcourt la toile à la vitesse de la voiture sur cette route. On fait la même expérience. » Ce qui conduit le peintre à une expérimentation de l’espace : « Tout est une question de mouvement et de changement de perspective. Ce que j’étais entrain d’apprendre était incroyable. Je me suis vraiment rendu compte de la liberté que j’avais en découpant l’espace, en jouant à l’intérieur de cet espace, que ce jeu le rendait vivant, et que ce n’est qu’en devenant vivant qu’il devenait réel. »

Mulholland Drive : The road to the studio et son pendant Nichols Canyon, sont deux paysages panoramiques, ils marquent le début d’une série qui sera réalisée sur plusieurs décennies.
Nichols Canyon, est une étape, à peine achevé, David Hockney met en chantier Mulholland Drive : The road to the studio, qui est à la fois son prolongement direct et son extrapolation.

La nature prend une place plus importante dans le travail de David Hockney à partir de la décennie 1980-1990.

 

Composition 

Hockney utilise une palette de couleurs vives et contrastées, créant une composition qui semble à la fois réaliste et onirique.

À travers sa technique de peinture caractéristique, Hockney joue avec la perspective et les formes géométriques pour donner une impression de profondeur et de mouvement.

Il adopte les multiples points de vue du regard et un éventail de perspectives.
Comme le faisait Cezanne, David Hockney revisite la perspective et fait zigzaguer les chemins.

Au premier plan, sur un format de plus de six mètres, se déroule la route sinueuse et familière et les champs cultivés scandés par les poteaux télégraphiques et quelques arbres.

Au second plan une rangée de collines traverse la toile et découpe le tableau en deux parties.

Au delà, à l’arrière-plan, d’autres champs terreux, à peine esquissés.

David Hockney peint un kaléidoscope de couleurs vives, percutantes, intenses, qui découpent le paysage en champs et collines.

Multipliant les angles de vue, rabattant les plans, le tableau est le premier paysage de l’histoire de l’art peint par un automobiliste cubiste, fauve et chinois, qui aurait lu Gilpin. Gilpin (1724-1804) doit sa notoriété au fait qu’il est l’un des créateurs de la notion de « pittoresque ».
Il s’inspire des chinois et de leur peinture sur rouleau qui reproduit le mouvement du regard.

David Hockney s’intéresse aux variations de la lumière.
Avec l’acrylique il anime son tableau de touches vibrantes, lointaine évocation de Van Gogh.

Les questions de cadrage et de perspective ont toujours été au cœur de ses recherches plastiques.

 

 

Analyse 

David Hockney, l’un des artistes les plus influents du XXe siècle, est connu pour ses paysages vibrants et ses représentations dynamiques de la Californie. 

Dans son tableau Mulholland Drive : The road to the studio,  Hockney capture l’essence de Los Angeles à travers l’une de ses routes les plus emblématiques. 

Mulholland Drive est célèbre pour ses vues panoramiques et son statut mythique dans la culture populaire.

Le tableau est une célébration du mouvement et de l’énergie dynamique de la ville, avec ses routes sinueuses et ses collines ondulantes. 

David Hockney manifeste dans ce tableau, son admiration pour la luminosité des tableaux de Piero della Francesca et la lucidité de leur organisation spatiale.

David Hockney porte  également un intérêt pour les artistes de la Provence.
De Cezanne à Van Gogh, les couleurs du sud et leur résonance sont retranscrites dans ce tableau.
De Cezanne il retient la simplification du trait,  la vigueur de la couleur.

La force de David Hockney est de s’insérer dans une forme de tradition de la peinture et d’être capable d’y apporter  une touche personnelle.

David Hockney s’inspire de Cezanne en adoptant ses points de vue multiples.
La perspective, dans ce tableau,  semble en mouvement, la route s’allonge, se plie, se déplie, comme un accordéon.
Dans ce tableau le peintre laisse se profiler des routes sinueuses et ondulées, et rend ainsi hommage à Cezanne.

La route tortueuse que Cezanne a peint dans Route sinueuse à Montgeroult –1898 et Route tournante en haut du chemin des Lauves- 1904-1906 se retrouve dans les chemins zigzagants de Mulholland Drive : The road to the studio.

David Hockney revisite la perspective et marque une rupture avec la tradition de la Renaissance et la perspective linéaire. Dans ce paysage les perspectives sont fuyantes, le point de fuite est derrière le regardeur.

David Hockney revendique un regard global sur le monde et pas seulement une vue avec un point de fuite unique.

Ce tableau est solaire.
Davis Hockney met à distance le réel, il parle de naturalisme et non de réalisme.

David Hockney s’interroge sur la façon dont notre monde peut être représenté en trois dimensions sur une surface plane.

Le tableau ne se contente pas de représenter un paysage ; il évoque également un voyage intérieur, la route menant au studio étant peut-être une métaphore du processus créatif lui-même. 

Ce tableau profondément encré dans le réel, a des niveaux de lecture qui se superposent.

David Hockney parle de ses passions secrètes et partage ses émotions avec le regardeur.

David Hockney invite ainsi le regardeur à réfléchir sur la relation entre l’artiste, son environnement et son œuvre.

Il saute d’une référence à l’autre, d’une idée à l’autre.
Il propose au regardeur de faire un voyage visuel.
Ce tableau émeut le regardeur et le marque. L’important est dans la couleur.

David Hockney bouscule les traditions, il est en perpétuel questionnement.
C’est un anticonformiste du figuratif.

Le directeur du musée Granet d’Aix en Provence , Bruno Ely précise :
« David Hockney a toujours eu un grand sens de la communication…dans sa peinture, il sait distiller un mystère, au-delà de la réalité. Il est très concret, à la fois et spectaculaire. Il a inventé un style qui le rend immédiatement reconnaissable ».

Mulholland Drive : The road to the studio,  est une œuvre magistrale qui illustre la capacité de David Hockney à transformer un simple paysage en une expérience visuelle riche et captivante.

 


Conclusion 

David Hockney est l’un des artistes les plus influents des XXe et XXIe.

C’est un artistes aux multiples inspirations et aux multiples techniques. Il renouvelle en permanence ses sujets et ses modes d’expression. La capacité de David Hockney à toujours se réinventer à travers des nouveaux média est exceptionnelle. Il est aujourd’hui un des champions des nouvelles technologies.

Ses couleurs éclatantes sont une fabuleuse signature.

David Hockney s’inscrit dans la lignée des grands Maîtres qui ont fait l’histoire de l’art, tels que Cézanne, Van Gogh, Piero Della Francesca, Vermeer, Degas, et autres artistes.
De Cezanne à Van Gogh, les couleurs du sud et leur résonance sont retranscrites au sein des œuvres du peintre anglais.
Cela lui permet de s’ancrer au sein d’une tradition picturale et de revendiquer son intérêt pour l’histoire de l’art.

Laurent Wolf : « L’art de David Hockney tient à la distance, c’est parfois désagréable. Sous la peinture, l’expérience. Sous l’expérience le savoir. Il oblige à l’intelligence. » 

 

 

Sources :

Courts – article de Myriam Bouguerne -2019 : Mulholland Drive.
Hypothèses – article de Rachel Renard -2023 : Les couleurs du Midi dans l’œuvre de David Hockney.