La Grande Vague de Kanagawa – Hokusai

 

Kastushika Hokusai (1760-1849)

 

La grande Vague de Kanagawa

1830-1832

Estampe couleur, appartenant à la série Trente-six vues du mont Fuji

Dim 26,7 x 37,9 cm

 

Plusieurs musées en conservent des exemplaires, entre autres :
À Paris, le musée Guimet et la bibliothèque nationale de France,
À Londres le British Museum,
À Amsterdam le Rijksmuseum,
À New-York, le Métropolitan Museum of Art
À Tokyo, le Musée national de Tokyo

 

 

Le peintre 

Kastushika Hokusai est né à Edo (ancien nom de Tokyo). C’est un artiste graveur, dessinateur et écrivain.

C’est un incroyable producteur d’estampes.

Hokusai a popularisé l’art japonais dans le monde occidental du XIXe.
Van Gogh, Gauguin, Monet, Degas, Pissarro, Cézanne ou Klimt, s’en sont inspiré, attentifs aux cadrages, aux détails et à l’originalité des aplats de couleur du maître japonais.

Hokusai dessinait des scènes de la vie quotidienne, des illustrations de la littérature contemporaine, des paysages.
Il est l’inventeur des mangas qui sont des esquisses spontanées.

C’est Hokusai qui institua le paysage comme un sujet d’estampe à part entière.
Ses premières œuvres datant de 1800 environ,  reçurent  un accueil mitigé mais, la splendide série intitulée Trente-six vues du mont Fuji (1830-1832) finit par faire du paysage une composante immuable de la culture visuelle populaire.

Son succès décida Utagawa Hiroshige à s’emparer lui aussi du sujet tout en proposant un style radicalement diffèrent.
Ses œuvres 53 stations du Tokaido (1832) et plus tard l’innovant Cent vues d’Edo (1857), lui permirent de compter parmi les grands noms de l’estampe japonaise.
Cette dernière série démontre la fierté de ses habitants pour leur ville ; à partir de ce moment, Edo prit à bien des égards la place de Kyoto en tant que centre de la culture japonaise.

Hokusai, c’est La Grande Vague.
Cette estampe lui permit d’atteindre une renommée internationale.
Il a soixante-dix ans quand il la réalise.
Il fera quarante-six exemplaires de La grande Vague de Kanagawa

Hokusai au cours de sa vie d’artiste a produit plus de trente mille dessins.

Il vécut jusqu’à 89 ans.
C’est à la fin de sa vie qu’il réalisa ses plus belles œuvres.

 

L’estampe – Composition

Alors qu’une vague gigantesque s’apprête à s’abattre sur trois bateaux de pêche, les équipages tentent de maintenir le cap.
Au loin, le mont Fuji s’élève tel un phare dans la tempête.

L’excellent état de l’œuvre, tirée de la série Trente-six vues du mont Fuji, permet de noter la similitude entre la forme de la vague et celle du nuage, situé en haut à droite.

Cette estampe est certainement la plus populaire de tout l’art japonais, plus familièrement appelée « La Grande Vague ».

Au premier plan :
Deux vagues se déroulent sur toute la largeur de l’estampe et occupent presque la moitié de la surface de la composition sur la gauche.
Une vague impressionnante se dresse très haut, à l’échelle des bateaux, elle atteindrait quinze mètres.
Entre cette vague et devant elle, une plus petite, un creux s’est formé aspirant trois bateaux de pêcheurs.
Notre regard aussi est aspiré par la vague rugissante, bordée d’écume tentaculaire qui lui donne un air menaçant.
Colorées en bleu et blanc les vagues sont sur le point de s’abattre sur les pêcheurs. Le bleu de Prusse s’apprête à tout engloutir.

Au second plan :
Dans l’axe de la composition se dresse le mont Fuji, emblème du Japon.
Montagne sacrée que la tempête rend minuscule mais, imperturbable, tel un phare indétrônable et éternel.

En haut à gauche de la composition, apparaît la signature d’Hokusai et un cartouche avec le titre de la série.

Les remous des vagues, soulignés par la présence de trois bateaux, étagent la profondeur.

Emportés par la puissance du flux les bateaux glissent dans le ressac.
La résignation des pêcheurs fait écho au calme de la montagne.

La ligne d’horizon est placée très bas ainsi notre regard coïncide avec celui des pêcheurs et nous implique dans la tempête.
Le point de fuite sur le mont Fuji installe une perspective précise.
Les plans sont superposés.

Cette justesse mathématique impose une atmosphère où le rugissement de la vague s’incline devant le calme de la montagne.

Le ciel en fond, forme un étonnant miroir dans des tons de blanc bleuté et de jaune. Il compose un immense nuage aux formes de la grande vague et renforce le contraste entre le mont Fuji impassible et la mer déchainée.

Le bleu est la couleur dominante de l’estampe, il lui apporte sa puissance.
Le bleu est tempéré par les couleurs du ciel.
Ainsi les couleurs participent à l’équilibre de la composition.

 

Technique de l’estampe :
L’estampe est une image obtenue par un procédé de gravure sur bois à partir d’un dessin réalisé à l’encre de chine.
Trois personnes sont nécessaires :
Un artiste dessine le patron, un graveur crée les reliefs sur la planche de bois et un imprimeur réalise des aplats d’encre sur papier à partir de la gravure.
Ainsi l’œuvre peut être reproduite un grand nombre de fois.

Ici le bleu de Prusse est importé de Hollande. Quant au blanc il est obtenu en laissant vierge certaines zones du papier.

 

Analyse

 I – Cette estampe montre une vision d’ensemble :

Sur la même composition nous voyons un équilibre parfait entre fureur et calme.

 L’estampe nous rappelle l’importance d’élargir nos horizons.

C’est la cohabitation du chaos (les vagues) et du calme (le mont Fuji) qui nous fascine.

La mer déchainée en opposition au calme de la montagne et du ciel évoque le Ying et le Yang.

Le mont Fuji occupe le centre de la composition.
Et si notre regard est aspiré par la vague, notre attention glisse très vite sur la ligne d’horizon à hauteur des bateaux et de la montagne. Les pêcheurs ne luttent pas. Ils sont accrochés à leurs embarcations, livrés à leur destin.
La vague spectaculaire pourrait s’abattre au-delà des embarcations créant un tunnel d’écume aux bateaux.

Le sentiment de maîtrise découle du fait que l’estampe propose une vision d’ensemble de la situation.
Vision que n’ont pas les pêcheurs. Eux, ils ont l’expérience des tempêtes.


II – Si on fait un parallèle avec la pandémie :

La complémentarité entre les éléments terrestres et célestes, porte un message : La gestion des problèmes nécessite une vision d’ensemble.

La pandémie du Covid19 pourrit notre vie depuis seize mois, nous n’avons pas aujourd’hui une vision d’ensemble du problème et nos expériences de la peste ou de la grippe espagnole sont des expériences d’hier.

Nous sommes devenus de plus en plus dogmatiques et il devient difficile de changer les avis.
Les nouvelles technologies sont censées nous rapprocher en comparant nos compréhensions des problèmes.
Les réseaux sociaux font caisse de résonance et entravent notre vision d’ensemble.
Nous ne sommes pas préparés pour maîtriser les événements exponentiels comme cette pandémie.

Nous pensons à tort que nos réalités d’hier seront celles de demain.

Il est urgent de réinterpréter notre vécu, de faire une mise à jour collective, de faire abstraction des conflits d’intérêts- s’il vous plaît, pour espérer atteindre une vision d’ensemble et ne pas être aspirés par la vague.

 

Conclusion

À l’Université d’Oxford, les chercheurs ont recréé les conditions de la tempête, dans un bassin circulaire. Ils ont démontré que lorsque les eaux sont agitées de nombreux vents et se heurtent à 120 degrés, les vagues peuvent reproduire une vague aussi impressionnante que celle d’Hokusai. Le maître avait vu juste !

Cette vague est terriblement contemporaine.
Son message traverse les siècles.

Son esthétique après avoir convaincu le musicien Debussy (qui a reproduit La Grande Vague en couverture de La Mer : trois esquisses symphoniques) et  les publicitaires d’aujourd’hui (France Télévision a détourné La Grande Vague dans un spot publicitaire pour les J.O. de 2021) est toujours aussi puissante.

Cette œuvre d’art est emblématique, éternelle et iconique à l’image du mont Fuji.

Une vie entière de dessins pour arriver à cette représentation.
« Chapeau-bas » maître Hokusai

Portrait de Jeanne-Julie-Louise Le Brun se regardant dans un miroir – Élisabeth Vigée Le Brun 1786

Un gros coup de cœur

Pour ce portrait de petite fille, miroir fidèle aux idées et à la sensibilité de la seconde moitié du XVIIIe.
C’est le temps où J.J. Rousseau publie L’Émile ou l’Éducation –1742.

L’enfant s’amuse à se regarder et à regarder sa mère.

Élisabeth Vigée Le Brun démultiplie le visage de sa fille.
Avec ce double portrait, elle joue avec la réalité et l’illusion.
C’est l’apanage du peintre et de la peinture !

Élisabeth Vigée Le Brun exprime sa fusion avec son enfant.
Sa fille est son héros.
Sa fille est unique.
Terriblement encrée dans le réel à en devenir « surréaliste ».

En la représentant de profil et de face, la peintre crée un tableau dans son tableau.

Élisabeth Vigée Le Brun est une artiste impressionnante et résolument moderne.

Elle nous offre avec ce tableau un moment sincère de tendresse et de grâce infinie.

L’huile sur toile est conservée à New-York,
Au Métropolitan Museum of Art