Combat de l’Amour et de la Chasteté – 1531 – Pérugin

 

Pérugin (1450-1523)

 

Combat de l’Amour et de la Chasteté

1531
Huile sur toile
Dim 160 x 192 cm

Conservé au musée du Louvre

 

Le mécène

Marquise de Mantoue, Isabelle d’Este fut une femme mécène de la Renaissance. Grâce à ses émissaires répartis dans toute l’Italie, elle était au fait des cotes et des ventes des pièces antiques.
Sûre de ses goûts, elle engagea des peintres, des musiciens, des joailliers et des architectes de Ferrare et de toute l’Italie.
Isabelle d’Este avait une idée très précise des œuvres qu’elle recherchait : une série de tableaux de format uniforme réalisés par les meilleurs peintres, qui se livraient une concurrence féroce.
Ces œuvres devaient posséder le même éclairage pour correspondre à celui de la pièce et illustrer les thèmes antiques spécifiés par son poète attitré, Paride Ceresara.
Elle fournissait aux artistes des consignes précises et intervenait durant leur travail pour obtenir un résultat conforme à ses attentes.

 

Le peintre

Pietro Vannucci doit son surnom Le Pérugin, à la ville où il a grandi, Pérouse.
Il travaille auprès de Piero della Francesca à Pérouse (1460), puis dans l’atelier d’Andrea del Verrocchio à Florence (1470-72) ; à Rome (1480-82) il participe à la réalisation des fresques de la chapelle Sixtine aux côtés de Sandro Botticelli et Domenico Ghirlandaio
En 1485 la ville de Florence lui décerne le titre de citoyen d’honneur.
De retour dans cette ville, il ouvre deux ateliers, l’un à Florence, l’autre à Pérouse.

À la fin du XVe, Raphaël devient son élève.

Scènes religieuses, fresques, mythologie antique, ses ateliers produisent beaucoup pendant les vingt premières années du XVIe.

Sa peinture est simple dans sa composition, moins novateur que Léonard de Vinci, il est qualifié de « plus traditionnel des peintres modernes ».

 

Le tableau

Ce tableau est commandé par Isabelle d’Este pour décorer son studiolo dans son palais de Mantoue.

Isabelle d’Este donne à Pérugin des consignes très détaillées sur le contenu et le style de cette peinture. Elle demande une scène allégorique où luttent l’Amour et la Chasteté représentés par Pallas et Vénus.

Isabelle d’Este critique l’œuvre durant toute son exécution.

Entravé dans sa créativité, Pérugin réalise un tableau qui semble figé, et démodé.

 

Composition

Un paysage s’étale sur trois plans

Au premier plan
Une prairie sur laquelle Pérugin a disposé une foule de personnages un peu comme des soldats de plomb, sur une bande comme une frise. Ils sont en mouvement mais, le mouvement est arrêté, comme dans un instantané photographique.
Pérugin représente Vénus luttant entourée de nombreux amours armés d’arcs et de torches enflammées qui s’acharnent sur les nymphes, les tirent par les cheveux. Survient la Chasteté qui brise les armes des amours.
Comme le souhaitait sa commanditaire, Pérugin représente,
À gauche, Minerve s’apprêtant à transpercer Cupidon avec sa lance
Au centre, Diane et Vénus s’affrontant ; Diane vise Vénus avec son arc, tandis que Vénus brûle les vêtements de Diane avec sa torche.

Au second plan
Pour satisfaire Isabelle d’Este, sur les bords d’un lac paisible, Pérugin a mis en scène divers épisodes des métamorphoses d’Ovide.
On reconnaît Apollon et Daphnée (changée en arbre), Europe sur Jupiter (changer en taureau), Polyphème enlacé à Galatée (sur une barque), Pluton enlevant Proserpine (sur un animal marin).

À l’arrière-plan
Un étagement de basses collines et un ciel clair, lumineux et frisé de nuages ferment la composition.

Les arbres au feuillage léger font un jeu de verticales (répondant aux deux frises de personnages, deux horizontales, celle du premier plan et celle le long du lac), comme une partition musicale, ils ponctuent le tableau, entraînent les perspectives et ajoutent une note de gaité.

La lumière entre par la droite du tableau comme l’indiquent les ombres.
C’est une lumière cristalline. Théâtrale au premier plan, elle s’adoucit au fur et à mesure qu’elle s’enfonce dans le tableau.

Il en va de même pour la vivacité de la gamme chromatique (toutes les couleurs, bleus, rouges, jaunes, blanc-rosé et verts sont traitées en dégradés) qui se dilue au fur et à mesure que notre œil s’éloigne dans le tableau jusqu’au bleu atmosphérique du relief le plus éloigné.

Pérugin déploie une grande maîtrise technique dans la composition de ce paysage. Le peintre est aussi attentif à la justesse du dessin et de la perspective qu’à l’harmonie des couleurs.

Si la composition peut sembler foisonnante, le charme du tableau tient surtout au paysage splendide dans lequel s’inscrit la lutte allégorique.

 

Analyse

Ce tableau représente un paysage dans lequel s’insèrent des personnages mythologiques. Il s’agit d’abord d’un paysage et ensuite d’une multiplication de scènes mythologiques.

Cette lutte entre amour et chasteté va de pair avec la philosophie néoplatonicienne qui séduit les élites en Italie au XVIe.

L’amour est une attirance sexuelle contre laquelle il convient de lutter si, on entend s’élever moralement. L’inclination émotive conduisant au rapprochement des corps, on se doit de résister à l’amour.

Isabelle d’Este veut instrumentaliser la mythologie pour la mettre au service de ce message moralisant.

Pérugin tente de respecter les injonctions de sa commanditaire en peignant une multitude de scènes mythologiques avec des petits amours symbolisant la tentation.

Dans la première partie du XVIe, l’art du paysage en était à ses débuts.

Pérugin profite de ce tableau pour explorer sa grande maîtrise technique et son sens de la poésie dans la représentation de ce paysage.

Ainsi tout en respectant les souhaits de sa commanditaire, Pérugin ne renonce pas à sa liberté créative.

 

Conclusion

Pérugin invente de nouvelles règles, ses œuvres se caractérisent :
-Par une attention particulière au rendu du mouvement et de l’expression (bridée par sa commanditaire dans ce tableau).
-Par la maîtrise plastique du modelé des corps et la vivacité des couleurs.

Le peintre crée ainsi au XVIe, un langage pictural novateur dont l’influence s’étend par-delà les frontières.

Pérugin porte à la perfection un langage artistique que le jeune Raphaël, son élève, s’est approprié avec une grande sensibilité.

Par l’intermédiaire de Raphaël, il devient le chef de file d’un courant artistique de portée internationale.

Pérugin est un des plus grands peintres de la dernière décennie du Quattrocento.