Fenêtre ouverte à Collioure – Henri Matisse

Henri Matisse (1869-1954)

 

Fenêtre ouverte à Collioure

1905
Huile sur toile
Dim 55 x 46 cm

Conservé à la National Galery of Art

 

Sujet

Une fenêtre ouverte sur un balcon donnant sur le port de Collioure, dans les Pyrénées Orientales.

 

Composition

Trois espaces :
Le premier :  l’intérieur de la pièce aux murs peints. Les portes fenêtres, dont les boiseries également peintes, sont grandes ouvertes.
Le second :  le balcon orné de pots de fleurs est encadré par une guirlande de lierre.
Le troisième :  le port où les bateaux sont à quai, l’eau et le ciel.

Matisse rejette la profondeur de la perspective, le mur de la fenêtre est dans le même espace que les bateaux. Il crée une composition aplatie.

La fenêtre n’apporte pas de lumière directionnelle.
Le spectateur voit les bateaux encadrés par la fenêtre comme un tableau dans le tableau.
L’absence de lumière naturelle est renforcée par les couleurs vives et éclatantes.

L’ensemble du tableau explose de couleurs. Le dessin n’existe pas. Ce sont les ruptures de couleurs qui déterminent les formes. De larges aplats de couleurs vives s’entrechoquent sans transition. Par ses oppositions de tons, la couleur est le dessin.

Certains traits dirigent le regard du spectateur, les verticales des portes fenêtres et les mâts des bateaux.

La facture de Fenêtre ouverte à Collioure est entre le pointillisme de Seurat et les aplats de Gauguin. À l’intérieur de la pièce, c’est une juxtaposition d’aplats monochromes. Sur le balcon, ce sont des tâches de couleurs plus ou moins grandes. Pour les bateaux, l’eau et le ciel, la touche épaisse s’étire en traits -pour les bateaux et l’eau, en ondulations -pour le ciel.

Pour aérer la composition et signifier le lointain, le port est peint avec des couleurs claires et du blanc.

Matisse utilise des couleurs pures.
Il se détache de la réalité, les reflets des fenêtres sont abstraits, tout comme les couleurs utilisées.
Le peintre cherche la vibration de la lumière.

 

Analyse

Le tableau est une réponse à l’éternel conflit de la couleur et du dessin

Matisse est avant tout un coloriste, il aime les couleurs éclatantes et le travail de la couleur.

C’est le chef de file du « fauvisme ».

Ce mouvement se caractérise par l’emploi d’une touche spontanée et des couleurs irréalistes, très contrastées en rupture avec la douceur de
« l’impressionnisme ».

La simplicité des formes met l’accent sur l’interrelation des différentes parties de la toile plutôt que sur la représentation du port.

Le tableau ne paraît ni descriptif ni abstrait.

La priorité est à l’expression de l’atmosphère.

Une phrase de Matisse : « le bateau qui passe vit dans le même espace que les objets familiers autour de moi ».

Pour ce faire, Matisse utilise des touches imprécises et larges, des formes simplifiées mais bien délimitées et des couleurs détonantes.

En 1908 Matisse écrivait « L’expression pour moi est dans toute la disposition de mon tableau ».

Pour Matisse la toile est une surface plane à orner et à structurer à l’aide d’aplats de couleurs et non à transformer une fenêtre réaliste sur le monde.

La ligne et la couleur ne dépendent pas de la saison mais, de l’émotion du peintre. La façon dont les couleurs interagissent sur la toile est plus importante que leur réalité physique.

Fenêtre ouverte à Collioure exprime des sensations personnelles et ne crée pas une impression du monde extérieur.

À travers les couleurs, le spectateur ressent l’émotion de Matisse, celle du bonheur de peindre à Collioure dans le midi où brille la lumière du soleil.
Conclusion

Matisse est au début du XXe le précurseur d’une révolution de la couleur et de l’exploitation des possibilités purement ornementales de l’art en manipulant la nature plutôt qu’en la copiant.

La fraîcheur de l’œuvre de Matisse avec sa palette éclatante, sa touche franche et énergique est une source d’inspiration pour les expressionnistes allemands du début du XXe puis, pour les peintres de l’abstraction américaine des années 50 et 60 de Rothko à Kelly, de Sam Francis à Motherwell, et en France pour les peintres des années 60, Hantaï et Viallat.

Le désir d’authenticité de Matisse contre les illusions du réalisme visuel, devient une préoccupation majeure des surréalistes.