J’ai marché sur la lune

 

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L’été de l’année 1969, J’ai marché sur la lune.

Un après-midi d’été, à la montagne, en Haute-Loire.

Nous étions au moulin de Clergeat sur les rives de la Senouire.
À Clergeat, au pied de la montagne, la rivière abreuve de vertes prairies.
Un chemin grimpe jusqu’à une ferme haut perchée et aux forêts de sapins.
Trop haut et trop loin pour nos petites jambes d’enfants…Nous restions avec Maman, au bord de la Senouire.
À notre arrivée, la dame du moulin, une dentellière, nous rejoignait avec sa petite chaise, son panier de fils, son carreau et ses chèvres.
Mon frère et moi, nous nous occupions des chèvres.
Nous passions l’après-midi à les poursuivre.
Les chèvres sont très dégourdies !
L’une d’elles arborait un dossard sur le dos, un grand rectangle de poils noirs avec un cercle blanc au milieu ! Elle était facilement repérable, on finissait toujours par la coincer ! Pendant que mon frère la tenait par les cornes, accroupie sous les pis, je la trayais.
Ce n’est pas facile de traire une chèvre. J’avais appris à la ferme avec les vaches. Je m’en sortais bien. Je remplissais un verre d’un lait tiède et mousseux. Nous le buvions mon frère et moi avec beaucoup de satisfaction et de délectation.

Pendant ce temps-là, Papa pêchait à la mouche dans la Senouire.
Nous l’attendions jusqu’au coucher du soleil.
Papa nous rejoignait après « le coup du soir » et nous nous précipitions pour voir son panier contenant de belles truites.

Ce jour-là, le 20 juillet 1969, il n’y a pas eu de « coup du soir » !
Papa a déboulé dans ses cuissardes de pêcheur alors que le soleil était encore haut.  « Allons dépêchez-vous les enfants, on rentre au village » !

On n’avait pas tout bien « capté », Papa conduisait pied au plancher. Les virages succédaient aux virages, dans un sens puis dans l’autre. Mon frère et moi étions ballotés comme des billes.il n’y avait pas de ceinture de sécurité en ce temps-là. Maman, à l’avant, se tenait coite.

Papa voulait arriver au village rapidement pour ne pas louper les premiers pas de l’homme sur la lune !

La lune…
Nous étions trop petits mon frère et moi pour avoir eu le temps de rêver et de fantasmer sur la lune. Était-elle habitée ? Y avait-il des êtres qui nous observaient de là-haut ? Quelle surprise réservait-elle ? c’était la jeunesse de Papa, pas la nôtre.

Les ciels d’été de Haute-Loire sont magnifiques. Des farandoles de nuages blancs galopent dans l’azur. Allongée dans l’herbe des prairies le nez contre le ciel j’imaginais toute sortes de bestiaires et d’histoires fantastiques mais, pas d’histoire de lune.

Papa gare la voiture. Nous courons vers la pièce de télévision. Les grands-parents ont allumé le précieux téléviseur en noir et blanc et disposé les sièges. Tout le monde s’assoit. Nous sommes arrivés à temps.
Le module de la fusée vient de se poser et la porte s’ouvre. L’échelle apparait. Papa est accroché à son siège.
Mon frère et moi regardons, les yeux grands ouverts, conscients d’un évènement mais, pas vraiment excités.

Le cosmonaute Armstrong descend lentement, un pied après l’autre, un barreau après l’autre. Sur le dernier barreau, il hésite. Il regarde le sol, puis le dernier barreau, puis le sol. Il se décide enfin, une grande enjambée et voilà, ça y est !

Ça y est ! Armstrong a posé le pied sur la lune, les deux pieds, il marche ou plus tôt, il sautille. Il ne s’enfonce pas ! Personne n’arrive pour l’attaquer non plus !

C’est pour Papa le moment de toutes les réponses…

Je ne me souviens pas sûrement mais je pense qu’il n’y avait pas de son en direct de la lune.
Le son était dans la pièce !
Un deuxième cosmonaute est descendu
Les cosmonautes ont planté le drapeau américain.

Après je ne me souviens plus.
Trop petite pour interviewer Papa sur son ressenti et plus tard je n’ai pas pensé à le faire.

Avec le recul, mon souvenir de ce 20 juillet de l’année 1969, c’est que j’ai marché sur la lune !

« Un petit pas pour l’Homme et un grand pas pour l’humanité » a dit Armstrong

Il a dit aussi « la terre est magnifique vue de la lune, faisons attention de ne pas l’abîmer » …

Résolution

 

 

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                                                                Il n’est pas de vent favorable

                                  Pour celui qui ne sait pas où il va

                     Sénèque

L’heure du berger – P.Verlaine 1886

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La lune est rouge au brumeux horizon ;

Dans un brouillard qui danse, la prairie

S’endort fumeuse, et la grenouille crie

Par les joncs verts où circule un frisson ;

 

Les fleurs des eaux referment leurs corolles ;

Des peupliers profilent aux lointains,

Droits et serrés, leurs spectres incertains ;

Vers les buissons errent les lucioles ;

 

Les chats-huants s’éveillent, et sans bruit

Rament l’air noir avec leurs ailes lourdes,

Et le zénith s’emplit de lueurs sourdes.

Blanche, Vénus émerge, et c’est la Nuit.

 

Paul Verlaine.  Recueil : Poèmes saturniens (1866).

Déclaration d’intention

C’est l’histoire de Nanou 

 

L’histoire d’une femme qui a la magie d’Alzheimer

Elle vit le passé au présent.

C’est elle qui l’a décidé.

Elle se réveille le matin avec un souvenir qui lui fera sa journée.

C’est une trouvaille formidable ainsi l’immense solitude de la vie à deux, le vide abyssal des jours, ne pèseront plus.

Parfois elle vit le présent, quand ça lui va, avec sa fille par exemple.

Les chapitres suivront le fil de sa pensée

La pensée n’a pas de plan, sa cohérence lui est propre.

Les petites histoires de sa vie s’enchaîneront.

À la fin, ce sera La Grande Histoire de Nanou.

 

 

L’histoire de mon chien Timm -Chapitre 8 La mort 4/4

La mort -4/4

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Après la tristesse est venue la colère.

Colère contre ce tueur de voisin.

Colère contre mes parents qui n’ont pas porté plainte.
Papa a-t-il eu raison d’accepter le crime de Timm, mort en pleine santé… Debout.

Bien que monorchide, Timm a développé ses instincts de mâle et courait la campagne…

Le destin a rattrapé mon chien.

Timm a eu un sursis de sept années.

Contrairement à certaines personnes qui remplacent un animal qui leur est cher dès sa disparition, je ne remplacerai pas Timm.

Il restera une relation privilégiée et unique faite d’attention, de compréhension et de respect réciproque de nos territoires respectifs,
le territoire animal et le territoire humain,
que rien ne sépare quelques soient les distances que nous avons toujours conservées entre nous.

Timm n’est pas mort, il s’est éloigné,

Je resterai liée à lui à jamais

 

                                               Timm forever !   

L’histoire de mon chien Timm -Chapitre 8 La mort 3/4

 

La mort -3/4

 

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Je demande des explications :

Timm a franchi la clôture de la maison du bas.
Leur chienne était en chaleurs.
De la fenêtre de sa chambre le fils de la maison a tiré deux coups de carabine.

Les balles ont atteint les reins de Timm.

Le chien n’est pas mort sur le coup. Il a rassemblé toutes ses forces pour sortir du jardin et regagner la maison.

C’est à ce moment-là qu’il a pensé si fort à moi.

Il n’est pas arrivé jusqu’à Bouffelaure.
Papa l’a trouvé dans le chemin.

Sa laisse est toujours accrochée à sa place -une laisse en cuir tressé, courte, parce que le chien en laisse marchait au pied, la plus tard du temps il était libre, attentif et obéissant à la voix.

Timm est enterré dans le jardin.

Je me souviens de mon rêve : et si j’avais été là ? j’aurai dû être là.

Je suis arrivée après.

Mon chien m’a appelée. Il n’a pas pu compter sur moi.

Ma tristesse est infinie.

Timm sera toujours à mes côtés dans mes courses matinales sur les coteaux de Sainte-Victoire.

Trente ans après je lui parle encore je sens sa présence et sa joie.
Une présence presque palpable.

Nous faisons toujours la course avec le soleil pour réveiller les oiseaux.

Notre Dame

avec pour canevas le poème de Baudelaire  : Correspondances
mon hommage à Notre Dame 

 

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Comme de longs échos qui de loin se confondent

 La fumée, les odeurs et les cris se répondent

 La pierre s’échauffe,  le feu se répand

 Il est des cris du bois comme des chairs d’enfants

 lumineux comme les flammes, furieux comme l’émotion

 Et d’autres intenses, noyés dans l’affliction

 Ayant l’expansion d’un incendie  expiatoire

 Qui brûle les transports de l’âme et de l’Histoire.

L’histoire de mon chien Timm -Chapitre 8 La mort 2/4

 

La mort -2/4

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En ce temps-là, avant les attentats, je voyageais en avion et j’arrivais à l’aéroport d’Aix-Marseille où mon Père venait me chercher.

Quand Papa ouvre le coffre de la voiture, je remarque qu’il n’y a pas de poils de chien.
Je pense immédiatement que Timm n’est pas allé se promener à Sainte Victoire.
Mais ce n’est pas le moment de faire des reproches à mon Père dès mon arrivée.

C’est le mois de décembre, le matin j’ai choisi de porter un manteau rouge. Ce n’est pas forcément une bonne idée pensais-je en le prenant.
Tant pis pour les poils de Timm sur le manteau quand il sautera de joie pour m’accueillir.

Nous arrivons à Bouffelaure.
Il y a une voiture garée devant le portail de la maison.

« Tu sais Marie, je ne suis pas très courageux » me dit Papa.
Je le regarde, tente d’anticiper ses propos, la voiture que je ne connais pas ? Maman ?

Je sors de la voiture et j’entends la voix de mon Père :
« Timm est mort » !

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Que dis-tu ?

Qu’est-ce que tu dis ?

Où est Timm ?

Timm !

Maman accourt à ma rencontre. Timm n’est pas dans ses pas. Papa suit avec mon sac de voyage.

Je comprends quand je dévisage Maman que j’ai bien entendu :

Timm est mort.

« Où est-il » ?

« Il est enterré au pied du grand sapin ».

Je ne verrai plus qu’en rêves cet animal génial aussi intelligent que fidèle.