La maison du pendu -Paul Cézanne

Paul Cézanne (1839-1906)

 

 La maison du pendu, Auvers sur Oise

1873

Dim 55 x 66 cm

Conservé au musée d’ Orsay

La maison du pendu figure parmi les trois toiles que Cézanne expose chez Nadar en 1874 lors de la première exposition Impressionniste.

Le sujet de cette peinture est un paysage rural avec un village.

 

Composition

Le tableau est très structuré.
Cézanne travaille la profondeur du paysage par un savant jeu de lignes et de rapport de force.
L’espace est organisé autour d’un point central d’où partent un sentier qui monte vers la, gauche, une route qui descend au centre du tableau et un talus qui dessine une ligne légèrement courbe sur la droite.
Les toits des maisons et le mur qui soutient le talus à droite dessinent des triangles qui définissent les volumes.
Ces formes géométriques imbriquées les unes dans les autres donnent un aspect massif et immuable à ce paysage où les masses se contrebalancent l’une l’autre. : la maison au toit de chaume sur la droite équilibre la maison du pendu à gauche au deuxième plan.
Il y a une perspective bien visible, elle est accentuée par l’ouverture en forme de V entre les deux maisons du premier plan.
Cézanne organise ses plans et donne de la profondeur au paysage malgré l’absence de point de fuite.

Cézanne s’attache à rendre les nuances de la nature par un travail minutieux sur la couleur.
Il n’y a pas de surface unie, les couleurs sont toujours utilisées en plusieurs nuances. Le peintre pose à la fois les couleurs froides : le vert, le bleu et les couleurs chaudes : le jaune, le beige.
La touche du pinceau est visible aux premiers plans où les traits sont épais et maçonnent le tableau. Elle est plus discrète en arrière-plan où tout est flou.
Ces différentes nuances de couleurs et la touche granuleuse du pinceau donnent du réalisme à la toile.

 

Analyse

Dans La maison du pendu rien ne vient animer le paysage, aucune présence humaine. L’œuvre y gagne une sorte d’intemporalité.

Cette œuvre est emblématique de la période impressionniste de Cézanne.

Si la couleur et la touche sont impressionnistes, elles sont comme architecturées par une construction qui repose sur l’opposition des masses combinée à un jeu sur les formes géométriques.

Écoutant les conseils de son ami Pissarro, il délaisse les couleurs sombres pour les verts, les bleus, les ocres. Sa touche se densifie et devient plus minérale, plus concrète.
Cézanne est d’abord peintre, il ne dessine pas en arrêtant les lignes et les contours. Il applique les touches sur la toile les unes à côté des autres puis, les unes par-dessus les autres.
De la juxtaposition et de la superposition des touches colorées se dégagent les plans, les contours et le modelé.

Si j’aborde Cézanne par ce tableau c’est parce qu’il annonce dans son approche de l’espace et de la perspective ce qui fera la singularité du peintre.


Conclusion

La maison du pendu porta chance à Cézanne puisqu’il fut acheté lors de sa première exposition chez Nadar par un amateur d’art, le Comte Doria.
Par la suite, le tableau entra dans la collection de Victor Chocquet, fidèle admirateur de Cézanne. Isaac de Camondo l’acquit enfin avant d’en faire don au Louvre lors du legs de sa collection en 1911.

Vingt ans vont s’écouler, pendant lesquels Cézanne restera méprisé ou méconnu du public, des écrivains, des collectionneurs et des marchands.

Cézanne prend son parti du mépris dont il fait l’objet. Il ne modifie pas sa manière de peindre pour se rapprocher du goût commun.

Le comte Doria sera le premier collectionneur à l’apprécier.

Seul un groupe d’amis peintres : Pissarro, Monet, Renoir, Guillaumin, le considèrent comme un maître.

Le temps a travaillé en faveur de Cézanne.
AU XXe, Il vend sa peinture et compte de nombreux admirateurs.

Chasse aux papillons – Berthe Morisot

Berthe Morisot (1841-1895)

 Chasse aux papillons

1874
Huile sur toile
Dim. 46 x56 cm

Conservé au musée d’Orsay

Berthe Morisot est née à Bourges en 1841.
Elle est morte à Paris en 1895
Fille de préfet, homme cultivé et fidèle à la monarchie, elle reçoit des cours de dessin.
Elle apprend dans les ateliers des peintres Daubigny, Guichard, Corot et en copiant les œuvres du Louvre.
En 1864, elle expose deux toiles au Salon Étude et Nature Morte.
Elle pose pour son ami, le peintre Édouard Manet qu’elle a rencontré en 1868 et, épouse son frère Eugène en 1874.
Elle fait partie du groupe formé par les peintres : Édouard Manet, Edgar Degas, pierre-Auguste Renoir, Claude Monet et Stéphane Mallarmé.
Elle participe à la première exposition des peintres impressionnistes (contre l’avis de Manet), Elle est la seule femme peintre à cette exposition.

Lorsque Berthe Morisot peint Chasse aux papillons, en 1874, elle s’est libérée de l’influence d’Édouard Manet.
Encouragée par l’accueil réservé à son œuvre Le Berceau lors de la Première Exposition impressionniste, elle entreprend une série de tableaux en plein air.

Iconographie
Le tableau représente une scène de la vie moderne
Les personnages représentés sont Edma Morisot, la sœur du peintre et ses deux filles, Jeanne et Blanche.
Berthe Morisot a probablement peint ce tableau dans la propriété de sa sœur à Maurecourt au bord de l’Oise dans les Yvelines.

Le tableau

Au premier plan se tiennent les trois personnages Au centre de la toile, une jeune-femme en robe virginale regarde le peintre. Elle tient entre ses mains un filet à papillons. Le visage de la jeune-femme est énigmatique, son sourire malicieux s’accorde avec le sujet du tableau : un jeu d’enfant, la chasse aux papillons.
Á sa droite, en retrait derrière un petit arbre, une petite fille se tient debout et regarde sa mère avec admiration. Ses vêtements sont noirs et son chapeau est blanc comme un « négatif » de la jeune-femme qui porte un chapeau noir et une robe blanche.
À ses côtés, un peu plus sur la gauche du tableau, sa sœur est accroupie dans l’herbe et tourne le dos au peintre

La profondeur du tableau est créée par un dégradé de verts de plus en plus sombres du fond du tableau au premier plan
Le premier plan est dans l’ombre
Le second plan fait de verdure est dans la lumière
Cette composition suggère la situation de sa scène , dans une clairière.

La composition s’articule autour de verticales (la petite fille, le petit arbre entre elle et sa maman, la jeune-femme, la végétation au second plan, le grand arbre), la répétition de ces lignes droites et parallèles fige la toile comme si le peintre avait voulu fixer un instant, « un arrêt sur image ».
Et, au milieu du tableau, une oblique matérialisée par l’épuisette à papillon coupe les verticales et réveille le tableau.
La composition s’équilibre avec la représentation du grand arbre, au second plan, sur la droite du tableau.

La gamme chromatique de la toile est très réduite (blanc et noir, brun et vert) et apporte de la sérénité à la toile. Cet aspect de douceur est corroboré par les traits floutés des figures et leurs contours estompés.
Le choix de ses couleurs est heureux, Berthe Morisot a un sens inné de la lumière.
Sous l’influence des impressionnistes elle développe cette manière naturaliste.
L’influence de Corot est perceptible dans ce tableau, elle choisit des couleurs de plus en plus claires et éclatantes et son style évolue vers une extrême délicatesse de touche qui laisse apparaître (comme chez Corot), les traces du pinceau.

De la peinture de Berthe Morisot Gustave Geffroy dit : « Les formes sont toujours vagues dans les tableaux de Madame Berthe Morisot, mais une vie étrange les anime. L’artiste a trouvé le moyen de fixer les chatoiements, les lueurs produites sur les choses et l’air qui les enveloppe…le rose, le vert pâle, la lumière vaguement dorée, chantent avec une harmonie inexprimable. Nul ne représente l’impressionnisme avec un talent plus raffiné, avec plus d’autorité que Madame Morisot ».

Où sont les papillons ? Ils sont invisibles et partout et surtout, ils papillonnent dans les yeux du modèle et au bout du pinceau du peintre. C’est berthe Morisot qui chasse les papillons dans la gaîté et la fraicheur de sa toile nimbée de lumière.


Madame Berthe Morisot

Cette toile reflète l’environnement tranquille et aisé auquel appartient Berthe Morisot.

La délicatesse de son pinceau apporte une touche de légèreté et d’élégance dans le groupe des impressionnistes. La personnalité et le caractère de Bethe Morisot en font un élément de cohésion du groupe.
Les rencontres qu‘elle organise sont fréquentées par des musiciens, des peintres et des écrivains.

Peut-être parce qu’elle était la seule femme qui exposait, les critiques lui firent des éloges et des compliments sincères pour l’inspiration poétique de ses créations.

Berthe Morisot peint dans les couleurs de son monde à elle. Un monde où passent les ombres délicates des figures au longs corps, des femmes aux ombrelles nacrées, des chasseurs de papillons.

Elle était indomptable. Manet la peint onze fois. Avec son port de tête royal elle est son plus beau modèle dans ses robes de deuil. Le noir de Manet habille son mystère.

Berthe Morisot est une artiste exigeante. Privée d’atelier, elle peint dans le salon où elle reçoit. Une odeur de térébenthine flotte au milieu des meubles. La peinture est dans l’air qu’on respire.

Berthe Morisot n’est jamais satisfaite. Elle lutte avec les pinceaux à la recherche de la lumière. Elle travaille jusqu’à l’obsession.
Son art échappe aux lois de l’apesanteur, la légèreté devient avec elle, une force.

Il y a beaucoup de silence et de grâce dans la peinture de Berthe Morisot.

Face à ses incertitudes d’artiste, Berthe Morisot évoque ses angoisses dans ses carnets en 1890, elle écrit : « je ne crois pas qu’il n’ait jamais eu un homme traitant une femme d’égal à égal, et c’est tout ce que j’aurais demandé, car je sais que je les vaux ».
À cette époque, Berthe Morisot était déjà considérée par les peintres impressionnistes comme leur égale.

Un an après sa mort, en mars 1896, Renoir, Monet Degas et Mallarmé lui rendent hommage en organisant chez Durand-Ruel une rétrospective, ils accrochent 390 tableaux, dessins et aquarelles, dont ils discuteront chaque trait de lumière.

Un siècle s’est écoulé. La réputation de Berthe Morisot s’est faîte aux États-Unis, au Japon, en Suisse, en Suède.

Elle est aujourd’hui, universelle.