La classe de danse -Edgar Degas

Edgar Degas (1834-1917)

 

La classe de danse

Entre 1871-1874
Huile sur toile
Dim. 85 x 75 cm

Conservé au musée d’Orsay

 

Au XIXe aller à l’opéra est un des loisirs favoris de l’élite cultivée. On y vient autant pour voir le spectacle que pour s’y montrer.

Degas situe sa scène dans le théâtre Peletier détruit en 1873 par un incendie. Il représente une classe de danse où les élèves sont regroupées autour du maître de ballet, Jules Perrot.

 

Composition

Degas s’inspire des estampes japonaises pour sa construction et joue du contraste entre le plein et le vide.
Le peintre divise l’espace en deux parties égales, l’une occupée par les danseuses et le public, l’autre vide.
Les trois plans sont définis par les attitudes des danseuses :
au premier plan : deux danseuses observent la répétition. L’une est debout et tient un éventail, l’autre est assise sur le piano et se gratte le dos.
À l’extrémité gauche du tableau Degas a placé un arrosoir (utilisé dans les salles de danse pour humidifier le parquet) et au pied de la danseuse debout, un petit chien.
Ces détails réalistes font vivre le tableau.
au deuxième plan : les danseuses répètent sous l’œil du maître de ballet que Degas a placé au centre du tableau.
au troisième plan : les danseuses assises attendent leur tour.

Le bâton représente le centre symbolique de la scène et l’autorité du maître de ballet.
Degas a mis en valeur le maître de ballet en dégageant l’espace autour de lui.

Le point de vue en légère plongée, axé sur la diagonale de la pièce, accentue la perspective fuyante des lattes du parquet.
Il donne la profondeur du tableau et, entraîne le regard du spectateur.

L’atmosphère du tableau est lumineuse et accueillante.

Les couleurs dominantes sont le vert olive et le blanc.
Les tutus blancs contrastent avec le rouge, le vert, le doré des ceintures.

Il y a plusieurs sources de lumières.

Une lumière provient de l’ouverture dans le mur et de la lumière extérieure passant par la fenêtre.
Une lumière émane du choix des couleurs :
Le gris et le blanc renforcent la transparence de la fenêtre.
Le vert foncé des marbres tranche sur le vert clair des murs.
Les couleurs complémentaires rouge pour la rose et vert pour la ceinture mettent en valeur la danseuse du premier plan.
La juxtaposition des blancs et des gris accentue le plissé des tutus et les plis de la veste du maître de ballet.
La blancheur des tutus éclaire le tableau.

Les touches de couleur des rubans et des nœuds donnent de la gaité.

 

Analyse

Ce tableau respire la danse.
Le spectateur a l’impression du mouvement car les tutus sont peints de façon diffuse donnant le sentiment qu’ils bougent.

C’est la technique employée par les peintres impressionnistes.

Degas sème son tableau de détails et d’accessoires qui renforcent le réalisme de la scène et contribuent à rendre le mouvement et la spontanéité, comme le petit chien, l’arrosoir ou le geste incongru de la danseuse qui se gratte le dos.

Degas dessine pour rendre au plus près l’expressivité des corps.

Le tableau saisit un instant :
Graphique :Degas traduit l’activité de la salle de danse en répartissant les danseuses en trois groupes. Celles au fond du tableau sont assises en attente, au centre les danseuses exécutent des pas de danse sous l’œil du maître de ballet et, au premier plan deux danseuses en pose, observent.
Et pictural : Degas applique le blanc des tutus de manière floue et vaporeuse pour renforcer l’impression de mouvement. Il fait vibrer cette harmonie de blancs en la ponctuant avec les couleurs vives des ceintures.

 

Conclusion

Degas va au cœur du monde de la danse.

Avec La classe de danse Degas nous fait entrer dans l’intimité de l’opéra de Paris.

Il démystifie les danseuses en les rendant humaines.

Degas doit son succès comme « peintre des danseuses » à son sujet plus qu’à la manière dont il l’a abordé.

Les danseuses sont l’objet du désir de propriété des hommes riches, les tableaux qui les représentent sont le symbole d’une société qui se plaît à vivre comme dans un spectacle.

Degas s’est formé à la peinture avec l’apprentissage du dessin, l’étude des grands maîtres, la copie des œuvres du Louvre et le séjour en Italie.
Ingres était son modèle.

S’il choisit la révolution picturale et expose avec les impressionnistes, sa démarche artistique l’inscrit dans la grande tradition qu’il admire, comme Manet avant lui.

Degas, au même titre que les impressionnistes, a ouvert la voie de l’art du XXe

Dans un café dit aussi L’absinthe -Edgar Degas

Edgar Degas (1834-1917)

 

Dans un café, dit aussi L’absinthe

1875-76

Huile sur toile

Dim. 92 x 68,5 cm

Conservé au musée d’Orsay

L’œuvre fut montrée lors de la deuxième exposition impressionniste sous le titre :
Dans un café
Ce tableau a une dimension réaliste, le café est
« La Nouvelle Athènes », place Pigalle où se réunissent les impressionnistes.
C’est dans ce cadre que Degas peint L’absinthe.
Degas fait poser, l’actrice Ellen Andrée et le graveur Marcelin Desboutin.

 

Description

La toile représente un homme et une femme assis sur la banquette d’un café, les vêtements défraichis, le regard triste pour l’un, l’air morne pour l’autre.
L’homme détourne son regard de la femme et a le visage marqué par l’alcool.
La femme a les épaules tombantes, le regard absent et le visage pâle dû à l’abus d’absinthe.

 

Composition

D’une part, la composition est influencée par le japonisme.
Degas s’inspire des estampes avec un cadrage décentré ménageant les vides qui influent de l’énergie à la scène en accentuant l’impression d’instantané.
D’autre part, la composition est audacieuse parce qu’elle place les personnages au second plan, sur une perspective montante et qu’elle contribue à leur isolement avec le dénuement et l’agencement des tables se coupant à angle droit au premier plan.
Dans le fond du tableau, une suite de quatre verticales marque l’espace et rythme la scène.

La palette choisie par Degas respire la morosité, du noir et du blanc teinté de jaune avec une touche de bordeaux pour la jupe de la femme.
Le vert-gris-jaune du verre d’absinthe tire sa lumière des couleurs mornes qui l’entourent et irradie les personnages.

Les tables en marbre et le miroir au-dessus de la banquette réfractent et diffusent la lumière  grisâtre du ciel de Paris.

 

Analyse

Cette peinture de mœurs peut être vue comme un témoignage sur un usage répandu de la consommation d’absinthe et sur ses effets.

L’absinthe est une plante neurotoxique. Transformée en liqueur à 72°, elle est aromatisée avec de la menthe et de l’anis. Cet alcool apparu au XVIIIe est consommé dans les milieux ouvriers avant de gagner l’ensemble de la population. L’absinthe sera interdite à la consommation en 1915.

Ce qui choque au XIXe c’est le traitement du sujet, son réalisme.

Degas peint une scène sans complaisance, avec un regard lucide sur les mœurs de son temps.

Ce qui rapproche L’absinthe du naturalisme de Zola et influence Manet et Toulouse-Lautrec.
Dans L’assommoir dont le sujet est la destruction d’un être humain par l’alcoolisme, Zola dit à Degas  « j’ai tout bonnement décrit, en plus d’un endroit dans mes pages, quelques-uns de vos tableaux ». Cette déclaration atteste que Degas traite d’un sujet contemporain.
Ainsi la peinture continue à instruire autant qu’à plaire chez les peintres les plus novateurs.
Le sujet sera repris par d’autres peintres dont Picasso (Buveuse d’absinthe-1901 New-York coll.pr.)

Degas  représente la misère morale.

La direction des regards des deux personnages traduit leur solitude. Deux êtres seuls, posés côte à côte et qui donnent le sentiment de n’avoir jamais été ensemble. Peut-être ce sont-ils aimés avant que les fausses consolations de l’alcool n’aient raison de leurs sentiments et de leurs espoirs.
À côté de la femme, l’homme s’approprie toute la place. Il s’étale sur son siège sans le moindre égard pour la femme qu’il méprise. Il tourne la tête et regarde de l’autre côté.
La femme est pitoyable. Tout dans l’accablement de sa mine et de sa pose trahit le drame de sa vie et la souffrance de son être. Elle a le dos vouté, les bras ballants, le visage absent. Elle a perdu tout éclat, sous son chapeau son regard se perd dans le vide. Il ne lui reste plus que ce verre d’absinthe dans lequel elle se noie.

Le café, lieux des plaisirs, de la vie sociale est subvertit à un lieu d’ennui.
Lieu clos : même le miroir qui souvent dans les tableaux ouvre un au-delà, ne fait que renvoyer le couple à son image floue. Les reflets son délibérément floutés, indistincts, sans détail.
Le miroir ferme l’espace derrière les personnages à la manière d’un paravent peint.

À travers l’expression de ses modèles Degas nous transmet sa propre émotion

 

Conclusion

Dans ce tableau, il n’y a pas de jugement moral contre les êtres qui sont représentés comme des victimes mais un réquisitoire contre un contexte de vie social qui dénature et broie les hommes.

Degas est un peintre urbain, il peint les lieux clos des spectacles, des loisirs et des plaisirs.
Pour ce tableau il a fait poser deux amis dans le café où il se rendait tous les jours.

Et c’est le modèle Ellen Andrée qui conclura avec un extrait de ses mémoires :
« Je suis devant un verre d’absinthe, Desboutin devant un breuvage innocent, le monde renversé quoi ! Et nous avons l’air de deux andouilles ».

PS pour ceux qui ont suivi ….
Degas a omis de représenter les pieds des tables