Guess Art
Le regard sur la trace de la lumière suit le désir du peintre, jusqu’à l’âme du tableau
Chaque semaine je propose un tableau :
Les quatre premiers jours de la semaine je poste des détails du tableau, le vendredi le tableau et le samedi un commentaire sur le tableau.
Le dimanche je poste un ou plusieurs tableaux en rapport avec le tableau de la semaine.
Le concept : trouver le tableau le plus tôt possible dans la semaine.
Si vous trouvez le tableau dès le lundi, vous êtes très fort.
Bravo !
Pour ceux qui cherchent, je donne un indice, en milieu de semaine, sur mes comptes Instagram et Facebook qui portent le même nom que le blog : lumieresdesetoiles
Attention : au pluriel et sans accent...
Bon voyage dans les lumières des étoiles !
Each week there will be a painting that is revealed detail-by-detail :
The first four days of the week, I'll be posting fine details of the painting which will ultimately be revealed on Friday;
On Saturday, I'll be posting a commentary on the work of the week.
Finally, on Sunday, I'll be posting a couple of related works to frame the context, history, or style of the painting of the week.
The challenge: to identify the painting in the shortest time possible.
If you've met the challenge by Monday, you are indeed quite the connoisseur!
Bravo !
For those interested in the challenge, I give an additional hit in the middle of the week on my Facebook and Instagram accounts, which go by the same name as the blog: lumieresdesetoiles.
cachée -Renoir
premier plan -Renoir
Les joueurs de cartes -Paul Cézanne 2
Paul Cézanne (1839-1906)
Les joueurs de cartes
Entre 1890 et 1895
Huile sur toile
Dim. 47,5 x 57 cm
Conservé au musée d’Orsay
Cézanne situe sa scène dans un café.
Lieu de chaleur et de rencontre, le café est devenu, au XIXe, un carrefour social obligé. Entre ses murs on parle, on joue, on boit et on fume.
Le tableau représente deux hommes assis face à face à une table rectangulaire dans un café. Ils jouent aux cartes. La table de bois est recouverte d’une nappe courte, une bouteille de vin est posée sur la table. Un miroir au fond de la pièce renvoi une image indistincte.
Cézanne peint deux paysans du jas de Bouffan (sa propriété d’Aix en Provence). Les deux hommes ont gardé leur chapeau, ils sont concentrés sur leur jeu.
Composition
C’est une construction sobre et imposante.
Les deux hommes sont mis en scène selon une structure pyramidale avec le plateau de la table pour base. Les silhouettes sont massives, les visages sont rectangulaires, les chapeaux cylindriques. Les joueurs ont les bras trop longs et les angles de leurs jambes sont improbables. La chaise est plus grande que la table.
Cézanne façonne l’espace avec des contours nets sans tenir compte de la perspective.
Cézanne déconstruit pour reconstruire un tableau symétrique.
La bouteille est l’axe central de la composition.
Cézanne rythme sa toile avec les verticales du dos de la chaise à gauche du tableau et la ligne noire du décor au fond à droite de la bouteille.
La lumière éclaire le tableau de face, elle achoppe le bord de la table, se diffracte sur la bouteille éclairant les visages et les mains et rebondit sur le miroir.
Cézanne adapte sa technique au caractère du motif. Il réalise une composition soigneusement conçue de lignes axiales et de correspondances chromatiques.
Ses coups de pinceau sont extrêmement variables, tantôt courts et larges, tantôt longs et minces et, orientés diversement.
Le peintre travaille sa palette de couleurs et juxtapose une multitude de petites touches les unes à côté des autres. chaque détail à sa fonction pour l’effet d’ensemble. L’intensité du coloris assure l’unité du tableau.
Le miroir est à lui seul un tableau abstrait.
Analyse
Entre 1890 et 1895 Cézanne aborde le thème des joueurs de cartes et lui consacre une dizaine d’études préparatoires et cinq toiles. Il s’inspire des toiles des peintres flamands du XVIIe et XVIIIe qui représentaient des intérieurs d’auberges qui sont-elles mêmes inspirées des toiles de Caravage.
Cézanne propose une lecture nouvelle et moderne.
Dans sa forme
On remarque dans ce tableau les équilibres des lignes et des volumes entre les deux personnages. Les couleurs des vêtements et les reflets sur les mains et les visages créent des rapports spatiaux précis et déterminés.
Le regard du spectateur est attiré par les mains et les bras qui tiennent les cartes. En peignant les deux hommes Cézanne tient compte de la force constructive de leur corpulence, de la forme de leurs chapeaux et des couleurs de leurs vêtements.
Cézanne estimait que la technique était subordonnée à la sensibilité :
« La méthode…consiste à chercher l’expression de ce que l’on ressent, à organiser les sensations dans une esthétique personnelle ».
Le poète Ramuz écrit à propos de Cézanne : « c’est par la forme seule que Cézanne prétend s’exprimer ».
Dans son sujet
Contrairement au courant satirique et moralisateur qui s’est exprimé dans les tableaux représentant des joueurs de cartes aux siècles précédents, Cézanne choisit de représenter des joueurs honnêtes, absorbés par leur partie, étrangers au monde environnant. Il ne montre aucune tricherie, aucun argent sur la table, Cézanne peint sans équivoque le jeu de cartes comme un sujet sérieux où la clef est la concentration.
Caravage penche pour la tricherie et Cézanne pour la réflexion.
Les joueurs sont représentés par un homme âgé qui porte les symboles de l’autorité, la pipe et le chapeau haut de forme et, par un jeune-homme portant un chapeau rond et dont le visage est moins aride que celui de son partenaire.
Serait-ce un client d’œil à la relation que Cézanne entretenait avec son père ?
Conclusion
À propos du tableau, Les joueurs de cartes, Charles Matton (cinéaste) écrit :
« Il semble que Paul Cézanne n’était pas bien curieux de l’issue de la partie…l’absence de toute figure sur les rectangles blancs que les joueurs ont en main le prouve. Ce ne sont pas des « cartes à jouer », ce sont des « cartes à peindre »et, cette partie ne peut avoir d’issue car Cézanne la veut éternelle, soustraite au temps qui passe. Cela suffit à taire l’intérêt que l’on pourrait avoir pour
« l’histoire », la distance prise annihile le récit ! c’est une distance, que Cézanne est le premier à avoir installée, qui fait de son œuvre une révolution absolue, et c’est en ce sens qu’on doit, je crois, le considérer comme le seul vrai Père de l’art moderne ».