Le baiser – Gustav Klimt

Gustav Klimt (1862-1918)

 

Le baiser

1906-1908
Huile et feuilles d’or sur toile
Dim 180 x 180 cm

Conservé au Palais du Belvédère à Vienne

 

Sujet

L’homme et la femme les deux personnages du tableau, sont livrés à leur désir, hors du temps et de l’espace.

 

Composition

Les amants sont agenouillés au centre du tableau. Isolés et enroulés dans la cape de l’homme, ils semblent appartenir à un monde cosmique, signifié par l’arrière-plan vide moucheté d’or et au premier plan, par le précipice fleuri, seul élément dépassant du couple enlacé.

Le spectateur entrevoit le visage de l’homme au-dessus du visage de la femme.
L’homme s’apprête à embrasser la femme. La position de ses mains et la courbure de son corps traduisent sa tendresse et son ardeur.
La femme a le corps tendu vers l’homme. Son beau visage tourné vers le spectateur, renversé, les yeux fermés, exprime l’extase et l’abandon dans les bras de l’homme aimé.

Klimt joue avec les formes « codées » des motifs des vêtements. Les motifs de la cape sont noirs ou gris, géométriques, ils incarnent la virilité et la puissance de l’homme ; les motifs de la robe en volutes de fleurs de couleur rouges bleues roses sur fond vert sont l’expression de la féminité.

Klimt a un temps, été président du groupe des artistes viennois, les Sécessionnistes, dont le style faisait écho à celui des Nabis, refusant la séparation traditionnelle entre les Arts Décoratifs et les Beaux-Arts

Dans ce tableau, les formes cohabitent harmonieusement.
Les espaces vides et les espaces pleins s’équilibrent.
La souplesse des lignes et des courbes s’accorde avec les préceptes de l’Art Nouveau.

Klimt emploie les références iconographiques : le tapis de fleurs et de verdure est une représentation du paradis et du printemps, du renouveau et de la fertilité ; le fond doré est un symbole d’éternité et de puissance.

Le tableau se compose de peinture à l’huile et de feuilles d’or, la palette s’harmonise entre les couleurs froides et les couleurs chaudes.

Les éclats d’or nimbent le tableau d’une douce lumière qui love les amants dans un cocon précieux. Les amants semblent dans un rêve, hors du temps.

Le baiser lui-même semble un idéal sacré.

 

Analyse

Le baiser reprend des thèmes que Klimt a déjà peints.
Deux amants, agenouillés l’un contre l’autre, se tiennent droits au milieu du tableau, les pieds dans la verdure et les roses du Bois sacré -1095 et les visages dans la pluie d’or de Danaé –1907

L’étreinte des amants échappe à notre réel. S’ils sont enlacés passionnément sur un parterre de fleurs, ils sont aussi au bord d’un gouffre où ils semblent prêts à basculer.

Klimt joint la joie artistique au plaisir sexuel et donne à ce dernier une dimension spirituelle.

Son art empreint de modernité entretient un rapport étroit avec l’érotisme élevé au rang sacré.


Le tableau de Klimt soulève la question de la nature de la réalité

Comme dans la pensée de Freud (dont l’interprétation des rêves fut publiée à Vienne en 1900) la réalité physique dans Le Baiser vient après la vie mentale, spirituelle et métaphorique. Elle est empreinte de désir sexuel.

Après une période pendant laquelle ses tableaux furent souvent sombres et allégoriques, évoquant des émotions et des expériences allant de la peur de la mort (Les trois âges de la femme – 1905) à la domination érotique de la femme fatale (Pallas Athéna -1890), Le baiser marque le retour à une évocation plus apaisée et plus somptueuse de l’amour.

Le symbolisme y est plus subtil que dans les œuvres antérieures.

La position des deux corps est une connotation phallique, comme les rectangles verticaux de la cape de l’homme. Ces formes géométriques tranchent avec les formes ovoïdes des vêtements de la femme, qui la relient à la base fertile des fleurs sur laquelle les deux amants sont agenouillés.

Le tracé des personnages est plus franc.

 

Conclusion

Le baiser constitue l’apogée de la période dite « dorée » de Klimt.

C’est de son père orfèvre qu’il hérite son goût pour l’ornement.
Familiarisé avec ce métier, il utilise dans ce tableau un revêtement de feuilles dorées.

L’association chez Klimt de la feuille d’or, des contours précis et des motifs élaborés montre que la complexité et l’ornementation vont de pair avec le style de l’Art Nouveau (qui est celui des courbes et des arabesques) et la pensée Moderne (qui s’affranchit de toute volonté de réalisme).

Cet arrière-plan lumineux est comme un écrin pour les deux amants.

Avec son or est ses audaces graphiques, Le baiser est bouleversant de beauté.
Le spectateur qui aura la chance d’être devant l’œuvre en sera subjugué.

La joie de vivre -Henri Matisse

Henri Matisse (1869-1954)

 

La joie de vivre

1905-1906
Huile sur toile
Dim 174 x 238 cm

Conservé à la fondation Barnes près de Philadelphie

 

Sujet

Dans un paysage idéalisé, femmes et hommes nus se prélassent, s’embrassent, jouent de la musique ou dansent.

Cette toile est un hymne à la beauté de la couleur, des corps et des arts.

 

Composition

Trois plans s’étirent sur la toile.
Au premier plan : sont allongés une allégorie de la musique et un couple enlacé
Au second plan : s’étire une vénus anadyomène devant laquelle se tient un personnage accroupi (comme un coquillage) et, en retrait, un couple de muses enlacées. Ces personnages occupent la gauche du tableau. Au centre deux vénus alanguies l’une allongée tourne de dos, l’autre à demi relevée et déhanchée retient sa chevelure dans un geste très sensuel. Sur la droite du tableau un berger (allégorie de la musique) joue de la flûte debout.
Au troisième plan, un groupe de danseurs forment une ronde au milieu de la toile.

La ligne d’horizon qui s’étire en bleu et violet dans le fond du tableau représente une rivière surmontée d’un ciel rose qui ferme la composition.

La rivière est la seule ligne droite du tableau.

Tous les personnages sont encadrés par une forêt d’arbres qui s’ouvre au centre du tableau, formant un écrin aux personnages.

Il n’y a pas de réelle perspective, ce sont les tailles des personnages qui permettent au spectateur d’étager les plans.

La toile est composée de longs traits étirés et ondulés, formant une ligne en arabesque qui dessine les troncs des arbres, surligne les corps des personnages et évolue des feuillages au ciel.

Il n’y a pas de lumière naturelle, ce sont les couleurs vives qui éclairent le tableau.

Les couleurs irréelles sont posées en grands aplats de couleurs pures nettement délimités. Les verts, les rouges et les roses des feuillages éclairent le jaune de l’herbe qui devient bleue et verte au premier plan.

Une grande clarté émane de ce tableau à l’équilibre parfait.

De cette symphonie de couleurs vives, de ces formes douces et ondulées, se dégage une sensualité et une grande joie de vivre.

 

Analyse

 

La joie de vivre ou comment Matisse interpréte les leçons des Maîtres.

En ce début du XXe Matisse, nourri des grands maîtres traditionnels, dessine les courbes des corps, forme toutes sortes de poses, comme autant d’études pour ses tableaux à venir.

Au second plan on reconnait la pose qu’aura le modèle dans Le nu bleu (souvenir de Biskra) de 1906 et au troisième plan la ronde des danseurs est la représentation réduite de La danse II de 1909-1910.

Écoutant Cézanne, Matisse sait qu’il ne faut pas chercher à imiter et qu’il doit transcender l’héritage des maîtres en écoutant ses propres sensations.

Dans La joie de vivre il transpose avec beaucoup de bonheur les leçons apprises dans les musées et parvient à nous transmettre dans son tableau sa propre émotion.

Le spectateur reconnaît l’influence de Cézanne pour la composition (On pense aux Grandes Baigneuses –1894) de Gauguin pour la facture(On pense à Source miraculeuse –1894) et d’Ingres dans sa façon de définir les courbes et les formes très sensuelles de ses nus (On pense au Bain Turc –1862).

Dans La joie de vivre la couleur prédomine et le traitement de l’image est lié aux sentiments de Matisse et non à la représentation exacte de la réalité.

Avec cette nouvelle manière de peindre Matisse nourrit la toile de ses émotions propres. Dans La joie de vivre le spectateur ressent la douceur et la volupté de l’instant.

 

Conclusion

La joie de vivre est considérée comme l’une des sources de l’art du XXe, Picasso s’en souviendra au moment de peindre Les Demoiselles d’Avignon en 1907.

Matisse avec son utilisation des formes ondulées et des couleurs fortes, aura influencé Derain et Vlaminck, puis les peintres expressionnistes et les surréalistes.

On pense à Dali qui aborde les formes aux traits fluides et ondulés dans Persistance de la mémoire -1931