Le vieux violon – 1886 W.M. Harnett

William Michael Harnett (1848-1892)

 

Le vieux violon

1886

Huile sur toile

Dim 96,4 x 59,6 cm

Conservé à la National Gallery of Art, Washington DC, USA

 

Le peintre

W.M. Harnett est né en Irlande durant la Grande Famine.
Sa famille migre aux États-Unis, il grandit à Philadelphie et devient citoyen américain en 1868.
W.M. Harnett est graveur de formation.
Après avoir suivi des cours du soir de l’Académie des beaux-arts de Pennsylvanie et étudier l’art à New-York, il peint son premier tableau en 1874 et commence à exposer ses œuvres.
De 1880 à 1886, il séjourne en Europe, principalement à Munich, où il peint des  natures mortes qu’il traite avec un réalisme descriptif extrême.
C’est pendant cette période qu’il peint son tableau le plus célèbre :
Après la chasse –1883.

 

Le tableau

Don de M. et Mme Richard Mellon Scaffe en l’honneur de Paul Mellon.

Probablement le tableau le plus connu de Harnett de son vivant et après sa mort, grâce à la célèbre chromolithographie réalisée en 1887.

Le sujet : un trompe l’œil représentant un violon et son archet, des partitions, une petite coupure de journal et une enveloppe sont représentés sur un fond représentant une porte en bois.

 

Composition

C’est une composition tendue et parfaitement équilibrée.

L’instrument de musique est accroché dans l’axe du tableau.
La verticale imprimée par l’archet renforce la rectitude du violon, cadré par les charnières de la porte.

Harnett structure son tableau de façon géométrique.
La verticalité est essentielle dans cette composition.

C’est une toile composée de silence et de fixité.

Harnett qui a le goût de l’épure, manipule l’espace pictural avec efficacité.
La planéité de la composition et la frontalité du violon, donnent un relief illusionniste.  Le rendu des surfaces et d’une justesse à couper le souffle.

Le réalisme de ce tableau est tactile.
Le trompe l’œil est d’une vérité stupéfiante.
Le regardant a l’impression que le violon va sortir du tableau.

La fidélité naturaliste de cette composition est comparable à celle des maîtres hollandais du XVIIe.

Le graphisme est d’une extrême finesse.

Les couleurs appliquées sont justes, les ombres  parfaites.  La composition donne corps aux objets représentés, au point de donner au regardant l’envie de  s’emparer du violon !

Les couleurs sont assourdies, la peinture est appliquée en couche mince, les zones de chevauchement sont rares et discrètes ; la surface du tableau est lisse, seuls les reflets ont été appliqués en touches épaisses.
Une lumière dure cerne l’ensemble.

La texture est convaincante, l’apparence ressemble à la réalité.

Le violon ne tient qu’à un clou et une boucle de ficelle mince, accroché à une porte en bois. Le violon usé semble pendu depuis des années, comme s’il attendait d’être enlevé et de jouer.
La porte en bois, est fendue, les piqûres de clous forment des trous, les charnières sont rouillées. La porte elle aussi, est vieille et usée.

Derrière l’instrument, il y a deux pages de partitions, les pages sont tachées par l’usage, déchirées et cornées dans les coins.
Ce sont les partitions de 2 chansons populaires de l’époque.
Des mélodies extraites de l’opéra populaire appelé « La Sonnambula » crée par un compositeur italien, Vincenzo Bellini.

Dans le coin inférieur gauche du tableau, une enveloppe bleue, au papier froissé, porte le cachet de la poste.
La représentation de cette enveloppe est si convaincante, que le regardant a envie de s’en saisir et de l’ouvrir.
Peut-être en dira-t-elle plus sur l’histoire du violon.
Le timbre indique que la lettre vient de Paris où W.M. Harnett est resté six mois avant de réaliser ce tableau.
W.M. Harnett était musicien et peintre.
Il a acheté ce violon.
La lettre est adressée à lui-même, à l’adresse de son studio à New-York.

W.M. Harnett signe ainsi de façon originale, sa composition.

 

Analyse

 I-     La peinture réaliste américaine s’attache à représenter fidèlement le monde réel.

Si l’origine de cette vision est plus ancienne, la guerre de Sécession (1861-1885) incita les artistes américains à représenter leur environnement et leur société plutôt qu’à imiter les traditions européennes. Les peintres américains tentent d’identifier et de mémoriser le spectacle du quotidien. La présence d’un espace neuf inspire des œuvres lyriques et tendres. Leur graphisme, leur chromatisme et leur facture étonnent les artistes européens.
Au fil du siècle le réalisme américain change de ton.
L’espace pictural se nourrit du mystique de la nature, la palette devient audacieuse.  L’hyper-réalisme devient l’un des pôles de la peinture américaine.

 II-   W. M. Harnett traite la nature morte avec un réalisme descriptif extrême.

Les regardants auraient été si nombreux à essayer de décrocher le violon de cette porte que ce trompe l’œil dut être surveillé pendant son exposition !

Si W.M. Harnett privilégie toujours la fidélité envers les phénomènes visuels, ce tableau est imprégné d’un sentiment de réminiscence.

La sensibilité du peintre associée à son intérêt pour le prosaïque, lui apporte la faculté de déceler le moment extraordinaire dans l’ordinaire et de le transférer sur la toile.

Ce constat permet de comprendre la renommée inhabituelle acquise par Le vieux violon au cours du siècle qui a suivi sa création.

 III-   Ce tableau est une œuvre à clefs :

 Il implique les relations entre l’illusion et la réalité, entre l’ancien et le nouveau et entre le momentané et le durable.

Au cœur de ces significations, se trouve la fugacité du temps que W.M. Harnett illustre en montrant des signes d’usure et d’âge sur toute sa toile.
C’est le violon, devenu muet, usé par l’usage et encore saupoudré de colophane, qui évoque le plus les plaisirs passés.

Tout est vieux et pourtant…
L’instrument et la porte qui lui sert de présentoir, parlent de l’usure.
Les partitions écornées et jaunies parlent de l’intemporalité, les chansons qu’elles transcrivent sont toujours d’actualité.
Seule la lettre, la signature du peintre est contemporaine, elle indique que le temps n’a pas d’impact sur les passions, ici la musique.

Le tableau joue sur le registre de l’intemporel et instaure un temps mythique.
Les objets représentés expriment l’invisible.

Par de là le naturalisme Harnett fixe des instants d’éternité et parle du sacré de la musique.

 IV-  Le vieux violon a inspiré une multitude de copies,

De contrefaçons et de versions alternatives des peintres tels Harry H. Baker, Jefferson David Chalfant, Richard La Barre Goodwin, John F. Peto et Julian R. Seavey.

À tous égards, ce tableau est une peinture cruciale de la carrière de W.M. Harnett.

Cette toile a fait la réputation du peintre, diffusant son style et provoquant un débat houleux sur le sens et la valeur intrinsèque de son art hautement réaliste.

 

Conclusion

La peinture réaliste survécut au début du XXe dans des œuvres urbaines sombres d’artistes tels que George Bellows Club Night -1907 et les membres de l’Ashcan School (l’école de la poubelle) qui représentèrent la classe ouvrière et la pauvreté. Cette peinture exprime la foi en l’Amérique.

Puis survient la guerre en Europe, suivit d’une révolution culturelle qui bouscule en Amérique la tradition de la linéarité rigoureuse et des contours sans faille. Le non-conceptuel, l’informulable se projettent sur la toile au moyen de formes et de motifs non-figuratifs. Les motifs surréalistes chez Gottlieb, Baziotes et Rothko, disent l’imprévisible, l’étrange et le mystère au lieu des évidences transmises depuis des siècles.

L’hyper-réalisme, au XXe est pratiqué par Andrew Wyeth et par le réalisme photographique.

L’intérêt porté à la photographie, et la redécouverte de Harnett, Peto et Haberle rendent compte de cette émergence.

Départ des reliques de sainte Auta de Cologne – 1522-25 Cristóvão de Figueiredo


Conservé au Museu Nacional de Arte Antiga à Lisbonne
Accroché au Louvre actuellement dans le cadre de l’exposition :
L’âge d’or de la Renaissance portugaise.

Carton de l’exposition :
« Vers 1522, la reine Éléonore, sœur de Manuel Ier, commande un cabinet pour conserver le coffre des reliques de sainte Auta offertes par l’empereur Maximilien de Habsbourg. La translation des reliques de Cologne à Lisbonne est relatée sur les portes peintes de ce cabinet. Le bateau qui les transporte évoque les caravelles qui menèrent les portugais tout autour du globe. »