La Vierge et l’enfant Jésus avec le jeune saint Jean-Baptiste -vers 1470 – Botticelli

Ce tableau peint sur bois de peuplier est conservé au Musée du Louvre

C’est une œuvre de jeunesse de Botticelli.
Il a emprunté le thème à son maître Filippo Lippi.

Observez les mains de la Vierge, son profil sec et le visage du jeune jean-Baptiste. Ce tableau est un travail d’atelier.
Il y a la pâte du maître que l’on repère  dans la force du trait de l’Enfant, la transparence du voile et les fines ciselures de l’auréole.
Le maître supervise, les assistant réalisent et le maître signe.
Cette façon de procéder se pratiquait  dans tous les  ateliers de Florence dans l’effervescence de la Renaissance.
Elle permettait aux maîtres d’honorer les nombreuses commandes.

La Madone du Magnificat – 1481 Botticelli

 

Alessandro di Mariano Filipepi dit Sandro Botticelli (1445-1510)

 

 La Madone du Magnificat

 1481

Tempera sur bois

Dim 118 x118 cm

 

Conservé à la Galerie des Offices à Florence, Italie

 

 

Le peintre

Sandro Botticelli doit son surnom (Botticelli -petit tonneau) à son frère aîné, orfèvre qui lui enseigne les rudiments de son art. À l’adolescence il est apprenti chez Fra Filippo Lippi de 1460 à 1469 où il acquiert la technique de la peinture de chevalet et celle de la fresque. Après sa formation, il travaille avec le peintre graveur Antonio del Pollaiuolo dont il hérite le sens marqué de la ligne.
Il fréquente un moment l’atelier de Verrocchio.
Un an après la mort de Filippo Lippi, en 1470, Botticelli est un artiste indépendant d’une grande maturité, il ouvre son propre atelier.
Il développe son propre style aux figures ondulantes.
Son  trait est puissant, ses compositions sont gracieuses.
La plupart de sa production est de caractère religieux.

L’année du Tondo, en 1481, il est convoqué à Rome par le pape Pie IV pour décorer la chapelle Sixtine d’une série de fresques relatant des épisodes de la bible validant l’autorité du pontife. Botticelli réalise trois tableaux : Les épreuves de Moïse, Le châtiment de Coré et La tentation du Christ.

De retour à Florence il illustre L’enfer de Dante.
L’édition de 1481 de la Divine comédie comprend les dessins de Botticelli.

Il meurt malade  à 65 ans. Il est enterré en l’église Ognissanti de Florence.

 

 

Le tableau

La Madone du Magnificat est un tableau rond appelé : tableau en tondo.
C’est une commande de la famille Médicis
Le tondo doit son nom au titre du livre ouvert à la page du Magnificat.
Le tableau représente la Vierge et l’Enfant entourés de cinq anges.

Ce thème de la Vierge au livre a fait l’objet d’une autre représentation que Botticelli a traité dans un format plus classique, une tempera sur bois datant de 1482-83, conservée à Milan au Museo Poldi Pezzoli.

 

 

 Composition

La Vierge et son escorte d’enfants nous est présentée dans un arrangement traditionnel :

Trois plans :
Au premier plan, au centre, sont placés Marie, l’Enfant et deux anges -garçons.
Au deuxième plan, trois anges -filles, dont deux portent la couronne.
Au troisième plan, comme un décor de théâtre, un paysage florentin planté de cyprès se déroule en toile de fond.

Les figures ont les traits de la famille Médicis.
Elles sont peintes dans le style du peintre, avec grâce et douceur.
Botticelli les a distribuées de la façon suivante :
Marie est Lucrezia Tornabuoni -épouse de Pierre de Médicis et mère de Laurent le Magnifique.
Le jeune tenant l’encrier dans sa main droite entre le pouce et l’index et se servant des autres doigts de sa main droite pour tenir la page gauche du livre ouverte, est Laurent le Magnifique,
À son côté, son frère Julien de Médicis a les yeux posés sur Laurent.
Marie de Médicis est penchée sur eux deux.
Au second plan, ses deux sœurs soutiennent la couronne, Blanche de Médicis à la droite du tondo et Nannina de Médicis à la gauche du tondo.
L’enfant en langes est la fille de Laurent, Lucrèce de Médicis.

Nous voyons l’Enfant Jésus en train de guider la main droite de sa mère tenant une plume pour écrire les derniers mots du Magnificat.
La main gauche de la Vierge retient l’enfant sur ses genoux et un fruit, une grenade, sur laquelle l’Enfant a posé sa main gauche.
Ce fruit rouge est le symbole de la passion.
Reprit par le rouge de la robe de la Vierge.

Les anges les entourent.

La Vierge est subtilement élégante.
Ses cheveux soyeux sont recouverts d’un voile délicatement transparent et coiffés d’un châle d’étoffe précieuse aux couleurs douces, sa tenue est ourlée d’or, son siège est ciselé de fleurs, sa couronne -composée d’innombrables étoiles d’or, plane au-dessus de son visage, retenue par deux anges.
Le bleu de son costume symbolise la fidélité.
La Vierge est irradiée par la lumière céleste qui darde ses rayons au-dessus d’elle.

La lumière poursuit sa course, elle éclaire le corps de l’Enfant et se reflète sur les visages des anges, brille dans leurs chevelures -parsemées de gouttes d’or et sculpte leurs traits.

La gamme chromatique est réduite et les couleurs, rehaussées d’or, se mettent en valeur entre elles.

Le fond du tableau, un paysage dessiné en perspective atmosphérique, évoque les tableaux flamands, particularité du Quattrocento.
C’est un paysage synthétique de la Toscane.
Il définit le volume de la composition.

On observe la virtuosité de l’exécution et l’expressivité des visages.

 

 

Analyse

Il se dégage de ce tondo une grande poésie visuelle.

La littérature antique et mythologique étant deux éléments majeurs de la culture de la Renaissance florentine, Botticelli est chargé de peindre des tableaux traitant de ces thèmes.

Il transforme les Dieux et les créatures en leur conférant une certaine grâce et une élégance stylisée. Ses Dieux sont des héros.

 Cette poésie touche les florentins érudits.

Après avoir établi son propre atelier à Florence en 1470, il mène une carrière brillante en honorant des commandes pour les grandes familles de la ville.
Son style très personnel et sa manière inégalable attire les faveurs des Médicis.
Il imprime à ses modèles un charisme communicatif inédit.

On sent chez Botticelli le bonheur de peindre, un bonheur à la fois intellectuel et sensuel.

Ce tondo est une commande des Médicis.
Le tableau doit informer de la richesse du commanditaire.
Ainsi le tableau prend pour modèles les princes de la famille et agrémente les chevelures, les ornements des tissus et la couronne,  de beaucoup d’or.

L’adoration des mages, exécuté en 1475, est un autre tableau où le sujet religieux n’est qu’un prétexte pour représenter la famille des Médicis.
Cette œuvre magnifique le rendit très célèbre.

Botticelli prend une grande distance avec l’art chrétien.
Le peintre s’est lié avec les néoplatoniciens et les humanistes.
Le néoplatonisme reconnaissait la suprématie de l’esprit sur la matière et considérait l’intellect et l’amour comme des moyens de conduire l’âme à Dieu.

Botticelli cherche à représenter la beauté théorisée par les philosophes.

Il développe un langage symbolique hérité de l’Antiquité, une réflexion sur la beauté et l’idéal, un reflet de l’harmonie du Divin.

L’art doit élever le regardant spirituellement.
Botticelli confronte la réalité, l’idéal et le naturel.

On reconnait le style de Botticelli à la force de son trait, sa maîtrise des volumes et des couleurs, autrement dit, son amour de la forme.

Une délicatesse mélancolique se dégage de ses tableaux où règne une parfaite harmonie entre la force de sa ligne, l’énigmatique attraction de sa souplesse et ses couleurs.

Botticelli voit la beauté comme un idéal.

À propos de Botticelli, Vasari parle d’artiste « sophistiqué ».

Botticelli comprend et évoque.
Il dessine tendrement le visage rêveur et sublime de finesse de La Madone du Magnificat.
Il fixe les traits de Laurent et ceux de Julien.
Une tendresse mélancolique  diffuse dans cette scène comme un parfum.

Botticelli à la fois historien et poète, mystique et païen, est avant tout créateur.

Avec la beauté du visage si tendrement triste de La Madone du Magnificat Botticelli  peint les nuances du bonheur avec subtilité.
Le jeu des regards, comme celui des ombres, s’inscrivent dans la rotondité du tableau et expriment un même sentiment. Un lien invisible unit les personnages qui flottent dans un équilibre harmonieux et un mouvement continu.

Les cinq anges qui entourent la Vierge et l’Enfant sont d’un surprenant réalisme, ils sont absorbés par la méditation du psaume, familiers et charmants.

L’ange, dans le dos de la Vierge, porte la couronne étincelante et légère.
Cette couronne déploie les connaissances d’orfèvre du peintre, mise en valeur par la lumière céleste. C’est un véritable chef d’œuvre.

Botticelli suggère une impression de légèreté suprême avec un relief de sculptures vivantes et un dessin d’une précision rigoureuse où le mouvement des lignes palpite de vie.

Il reprendra le thème de la Vierge à la grenade un peu plus tard, avec
La Vierge à la grenade de 1487 peinture commandée par la magistrature florentine des Masai di Camera reprend le fruit de la grenade vue dans La Madone du Magnificat.

Une de ses premières Madone où on repère l’influence de Filippo Lippi est la Vierge à la roseraie peinte en 1469-70.
Une de ses dernières Madone est un grand retable peint pour l’église San Marco : Le Couronnement de la Vierge en 1488-92.

 

Conclusion

A début du XVIe les goûts évoluent et l’avènement du maniérisme, supplante l’œuvre de Botticelli.

Durant les dernières années de sa vie, il peint peu et ce n’est qu’au XIXe qu’il ressurgit en tant que maître du Quattrocento grâce au critique d’art John Ruskin et aux préraphaélites, adepte de son rythme linéaire.

Dans son atelier, laboratoire d’idées et lieu de formation, typique de la Renaissance italienne, Botticelli à la fois créateur et formateur, alterne ses œuvres avec la production en série de tableaux achevés avec l’aide de ses assistants. Le plus célèbre d’entre eux est le fils de son maître, Filippino Lippi. Tout œuvre sortie de l’atelier est le fruit d’un travail de collaboration, mais n’en est pas moins une œuvre de Botticelli, car elle est conçue selon son dessin et porte sa marque de fabrique.

Ses tableaux les plus connus sont La Naissance de Vénus (1484-85) et
Le Printemps (1478-82).

Les deux tableaux sont conservés à la Galerie des Offices, à Florence.

La carrière de Botticelli témoigne du rayonnement et des changements profonds qui transforment Florence sous les Médicis. Sa création intense fera de lui l’un des meilleurs représentant du renouveau artistique promu par les Médicis.

Botticelli mène à son apogée la peinture de la Renaissance italienne.