Tombe des Léopards – danseurs et musiciens – vers 475 av.J.C. Peinture funéraire étrusque

 

Tombe des Léopards – Danseurs et Musiciens

 Vers 475 av.J.C.

Fresque à sec

Hauteur du mur 170 cm – mur latéraux

 

Lieu : Nécropole de Monterozzi –
Nécropole étrusque proche de la ville de Tarquinia en Italie.

 

La fresque

Sur ce site 6000 tombes ont été creusées dans la roche.
Les plus anciennes datent du VIIe av.J.C.
200 d’entre elles sont répertoriées.
Ce sont des tombes à chambre, la voûte à deux pentes et la poutre faîtière sont simulées en peinture.

La tombe étudiée doit son nom aux deux léopards qui figurent sur le fronton du mur du fond, au-dessus de la scène de banquet.
Le décor occupe tout l’espace de la salle.

Cette tombe taillée dans le rocher de la nécropole de Monterozzi est un exemple parfait de l’agencement funéraire étrusque, qui reproduit au-dessus du catafalque des éléments de funérailles aristocratiques.

 

Composition

Des saltimbanques font leur numéro pour divertir les convives du banquet.
Ils sont au nombre de trois.

Leur juxtaposition compose le panneau.
Des oliviers en fruits s’insèrent dans les intervalles.

De gauche à droite sont représentés, un danseur, puis deux musiciens.
Le danseur est vêtu d’un vêtement traditionnel étrusque, une tunique rouge,
la « tébéna ».
Le musicien au centre joue du « subulo », une double flûte dont le son exerce un pouvoir magique.
Le musicien de la partie droite, joue de la cithare.

Les oliviers en fruits scandent la composition. Ils apportent une note de réalisme.

La palette des couleurs est restreinte, noir, rouge, orange, vert, bleu et jaune.
Les rouges profonds des vêtements et la légèreté des bleus et des verts  accentuent l’effet de profondeur et donnent  de l’éclat et de la vitalité à cette scène qui était uniquement visible à la lueur d’une torche.

Le trait des contours est hésitant et maladroit.
C’est un cerne noir fin qui délimite toutes les formes, avec un souci du détail, que l’on observe dans les coiffures et les instruments.

Les profils et les proportions exagérées des yeux, des mains et des pieds accentuent le mouvement et créent du  dynamisme.

L’action, le jeu des regards et celui des couleurs en font une composition très vivante.

 

Analyse

I- Plein de couleur et de vie, l’art étrusque était majoritairement destiné à célébrer à titre posthume l’existence et la richesse des membres de la classe dirigeante.

Les scènes narratives mélangent les images,  des funérailles, des banquets et des distractions des élites, ainsi que des réunions de famille dans l’au-delà.
Elles sont généralement à lire de droite à gauche, comme les inscriptions.

On y trouve des exemples très anciens d’éléments fondateurs de la peinture occidentale comme le clair-obscur et le raccourci, ainsi que des traces des techniques grecques originales dont il ne reste aujourd’hui aucune preuve.

Ces peintures étrusques témoignent d’une relation étroite avec l’art grec.
Il est envisageable que des peintres grecques est conçus certaines des scènes en les adaptant aux couleurs et aux coutumes étrusques.

La peinture murale étrusque prospère entre la fin du VIe et le Ve av.J.C. tout particulièrement à Tarquinia.
Les murs sont peints sur du plâtre sec et les pigments obtenus à partir de minéraux semi-précieux proclament la richesse de la famille.

La tombe des Léopards constitue un exemple du schéma formel de la peinture funéraire étrusque, en combinant une vue printanière du cimetière qui la domine avec le dessin d’une tente du banquet de funérailles.

Des couples sont allongés sur des banquettes, ils dégustent du vin parmi des bouquets de laurier, (mur du fond de la salle) ils sont entourés par des serviteurs, des musiciens et des danseurs (murs latéraux).

 Les étrusques ont des codes iconographiques
On observe une récurrence de gestes et schémas identiques.
Dans les tombes à chambre la décoration fixe un programme représentatif.
Les riches aristocrates font représenter les cérémonies funéraires avec le banquet funèbre, les danses de plein air et les jeux athlétiques sur les quatre parois de la chambre.
Les visages sont toujours de profil et les bustes de face.
Les personnages sont juxtaposés cote à cote.
La profondeur est donnée par des détails comme la superposition des chevaux d’un attelage ou celle des bras des danseurs.

Les scènes figurées servent à exalter le statut éminent du défunt.

S’il y a une uniformité dans les thèmes, de tombes en tombes,  les images se succèdent, des chevaux au galop, des enfants nus jouant avec des dauphins, des couples élégants étendus au banquet, des danseurs aux gestes raffinés évoluant au son de la flûte et de la cithare dans un jardin peuplé d’oiseaux.
Les êtres liés au milieu aquatique, comme les Tritons et les serpents marins apparaissent toujours dans les registres supérieurs ou inférieurs et sont de ce fait considérés comme des figures secondaires.

Chaque tombe a son originalité,  due à la personnalité de l’artiste qui l’a réalisée et au goût de son commanditaire.
Les scènes représentées sont pittoresques et spontanées, pleines de charme et de fraîcheur.

Le thème du voyage vers l’au-delà apparait vers le milieu du Ve -attesté dans le corpus des stèles de Felsina où l’atmosphère surnaturelle du voyage est confirmée par la présence de chevaux ou de démons ailés.

C’est leur caractère intimiste qui rend si attrayantes ces peintures étrusques.

Un rituel apparait dans le décor architectural des tombes.
On observe la récurrence des poutres faitières au plafond des chambres peintes à Tarquinia, des plinthes dans la partie basse de la paroi, des consoles au centre des frontons, des fausses portes.

Le motif de la fausse porte sous sa forme canonique de style dorique est un motif très ancien peint dans les tombes peintes d’Etrurie tyrrhénienne, datée entre 480 et 460. Et que l’on retrouve à l’identique dans les tombes étrusco- tyrrhéniennes.
Cette porte pourrait être interprétée comme une allusion à la transmigration de l’âme du défunt.

Les techniques sont précises lorsqu’il s’agit de délimiter l’espace sur la paroi avec des lignes tirées au cordeau et des disques décorant la poutre faitière exécutés au compas.

Le caractère normatif du décor architectural répond au caractère normatif du rituel funéraire.

 

II- Les chercheurs s’interrogent, y avait-il des cahiers de modèles ou des cartons ?

En 1929, Jan de Wit repère sur les peintures funéraires étrusques des incisions et les interprète comme des esquisses préparatoires faites à partir de livres de modèles. Une hypothèse pour expliquer les nombreux repentirs que l’on devine.

Autre hypothèse, les incisions à la pointe dessinant le contour des figures avec de nombreux repentirs sont le fait de compositions spontanées.

Dans le cas de la tombe du Singe de Chiusi, l’hypothèse d’un schéma renversé pour le pugiliste de l’angle droit de la paroi du fond est connue.
L’insertion maladroite de la tête et du cou sur le buste du lutteur de droite seraient dues à l’utilisation d’un schéma pris à l’envers.
Cette hypothèse pourrait être une explication pour les incohérences anatomiques.

Une ligne de contour sans incision renvoie à la pratique de cartons et de pochoirs. Comme lorsqu’il s’agit de répéter le même motif dans une tombe. Comme les oiseaux dans les scènes maritimes de la tombe de la Pêche et de la Chasse -525 -500 av.J.C. ou des dauphins dans celle des Lionnes – dernier quart du VIe av.J.C.

Philippe Bruneau récuse cette hypothèse de cartons et trouve par exemple dans la tombe de la Pêche et de la Chasse qu’il n’est pas possible de superposer les différends motifs des oiseaux, chaque oiseau présente des variations à partir du schéma de base.

D’autre part, les similitudes entre les œuvres éloignées géographiquement peuvent avoir une autre explication.
Les artistes et les commanditaires se déplacent et les objets circulent.

Ces deux points de vue étant énoncés,  l’idée d’une technique picturale reposant sur la mémoire visuelle et la mémoire du pinceau a ma préférence.

Ainsi, le peintre étrusque se serait formé au contact des œuvres- notamment des peintures grecques, apprenant les rituels et les règles du décor architectural dans les ateliers et se pliant aux exigences du commanditaire.

La tombe des Biges en est un exemple. On y trouve un décor sur deux registres semblables à celui des vases attiques à figures rouges.
Cependant les scènes figurées sont authentiquement étrusques et le climat est différent de celui de la peinture sur céramique grecque.

 

Conclusion

En l’absence d’œuvres grecques originales, la peinture étrusque ouvre sur l’extraordinaire aventure de la peinture européenne.

Dix-huit siècles avant les prémices de la peinture occidentale, nait, en Italie, la peinture étrusque.

La peinture étrusque  réjouit par sa spontanéité et sa joie de vivre.

Les historiens d’art situent les débuts de la peinture occidentale dans l’Italie médiévale qui petit à petit abandonne les conventions de l’art des icônes et des décors de mosaïques et considère le patrimoine grec comme un héritage dans lequel on puise.

L’art pictural occidental puise son inspiration dans l’environnement direct de l’artiste.

C’est de ce mouvement, de ce goût pour un monde plus proche de la nature et de l’homme , que naît toute la peinture européenne.