Mise au tombeau – 1507 – Raphael

Raphaël (1483-1530)

 

Mise au tombeau

 1507
Huile sur bois
Dim 182 x 175 cm

Conservé à la galerie Borghèse à Rome

 

Le peintre

Peintre, dessinateur et architecte, Raphaël est l’un des artistes les plus séduisant de la Renaissance.
Il se démarque par la grâce et l’harmonie de sa peinture, réputée pour sa clarté tant dans la forme que dans la composition, et par la sérénité des expressions de visage de ses personnages.
Son charme, son caractère agréable et son talent prodigieux lui ont valu le surnom de « prince des peintres ».

Raphaël a grandi à Urbino, siège d’une cour modeste mais éclairée qui valorisait les arts et l’humanisme.

 

Le tableau

Commandé par Atalanta Baglioni de Pérouse pour commémorer la mort de son fils Gifronetto, cette peinture témoigne des nombreux centres d’intérêts et modèles de Raphaël.

Ce tableau le fera connaître et lancera sa carrière de peintre.

Vasari commente le tableau :
« Qui considère le soin, l’amour, l’art et la grâce de cette œuvre, s’en émerveille avec raison : elle est extraordinaire pour l’expression des figures, la beauté des drapées et la perfection du moindre détail. »

En mettant en scène cet épisode biblique, il allie au dynamisme qui s’en dégage une réponse convaincante aux souhaits du commanditaire.

Ce tableau est la pièce centrale d’un retable, composé à l’origine de quatre parties aujourd’hui dispersées. Le tableau était surmonté d’une frise représentant sur fond bleu des putti et des griffons. Au-dessus de la frise un tableau représentait Dieu le Père bénissant entouré de ses anges. En dessous la prédelle imitant la grisaille représentait une allégorie de chaque vertu théologale à savoir la Foi, l’Espérance et la Charité.

Dans les évangiles
(Saint Luc XXIII ;50-56 Saint Marc XV ; 42-47 Saint Jean XIX ;38-42)
Ce passage est cité dans la partie de l’ensevelissement.
Raphaël a repris des éléments de chaque évangéliste pour peindre une scène respectueuse de la tradition chrétienne.

La scène représentée se situe entre la descente de croix et la déposition du corps du Christ au tombeau.

 

Composition

Raphaël représente dix personnages, tous, mis à part les deux porteurs, sont des saints -reconnaissables à leur auréole, tous ont une position bien définie.

Au premier plan, deux groupes de personnages, Jésus à gauche et Marie à droite, peints en miroir, tous les deux sont soutenus :
À gauche : le corps inerte du Christ -signifié par son bras droit pendant, est emporté dans un drap par deux hommes en plein effort physique.
Marie-Madeleine se penche sur lui, reconnaissable à sa natte de cheveux rougie par le sang du Christ -elle a essuyé les pieds du Christ pour lui demander pardon. Joseph est à ses côtés. Derrière Joseph, le jeune apôtre Jean, imberbe, qui est le seul à avoir suivi Jésus jusqu’au pied de la croix.
À droite : dans le second groupe, Marie défaillante de douleur est soutenue par trois femmes.

Au second plan, opposés, à droite le Golgotha et les trois croix -d’où vient le groupe ; à gauche la grotte, vers laquelle se dirige le groupe.

À l’arrière-plan, un paysage montagneux, une ville fortifiée et un ciel parsemé de nuages ferment la composition.

Les grandes lignes, diagonales au premier plan, verticales au second plan, dynamisent la scène et équilibrent la composition.

Le mouvement est signifié par
– les vêtements soulevés et les cheveux flottants
– l’effort des porteurs visible aux muscles tendus des bras et aux traits tirés de leur visage.
– le cadrage du groupe : les personnages sont coupés sur les bords de part et d’autre.

Les détails sont rendus avec une extrême netteté.
La palette de couleurs est dense.
Elle est narrative.
Le ciel d’un bleu profond s’éclaircit sur la ligne d’horizon, créant un sentiment de profondeur.
Les couleurs font ressortir la richesse des étoffes et renforcent le principe du miroir :
Le rouge et le vert du porteur du groupe de Marie se retrouvent sur Joseph et Marie-Madeleine, le bleu virant au violet et le rouge de la femme agenouillée qui soutient Marie se retrouvent sur le porteur du groupe de Jésus.

Comme l’indique l’ombre qui s’étale au sol au premier plan, la lumière entre dans le tableau par le coin supérieur gauche.

La lumière joue avec les couleurs, fait chatoyer les étoffes, nuance les carnations, module les teintes (le bleu devient violet) et raconte l’histoire.

La lumière ne se réfléchie pas sur le corps du Christ parce qu’il est mort.

La roche est sombre parce qu’elle est loin du groupe qui avance vers elle.

 

Analyse

Les influences de Raphaël

Dans sa peinture :
De Pérugin, avec qui il travaille à Pérouse, Raphaël apprend la perspective ainsi qu’une douceur lyrique dans la représentation de la Vierge et des saints.

Il puise chez Léonard de Vinci des idées sur la composition pyramidale, l’intimité discrète entre les figures, ainsi que les techniques du clair-obscur et du sfumato.

Auprès de Michel-Ange, il prend des leçons sur l’expressivité de l’anatomie humaine.

Féru d’archéologie et de sculpture romaine, il en intègre des éléments dans ses peintures.

Pour cette composition :
Raphaël a dessiné plusieurs études préparatoires.
Sa première intention était de représenter la Déploration -dessin du Louvre, comme celle du Pérugin, finalement voulant donner une puissance narrative à sa scène, il préféra la composition des personnages en deux groupes comme dans la Mise au tombeau de Mantegna.

Les sarcophages romains représentant la mort de Méléagre, l’ont également influencé pour la mise en scène de ses personnages.

La figure assise à droite rappelle la Sainte Famille de Michel-Ange.

Le paysage s’inspire de la peinture flamande.
Le rapport direct des personnages avec le spectateur, est emprunté au réalisme flamand.

C’est une composition humaniste

Dans ce tableau Raphaël met en place sa recherche narrative.
Avec l’expression des passions il introduit le langage dramatique :
Chaque personnage traduit un sentiment différend avec sa gestuelle et ses expressions propres.

Raphaël en représentant la Vierge dans sa faiblesse et le Christ dans sa mort, leur donne un aspect très humain.

Le spectateur compatit à la douleur de Marie parce que le Christ est plus homme que Dieu. Ses plaies saignent, sa peau est pâle, il est lourd.

 

Conclusion

Raphaël intensifie ses œuvres en humanisant ses personnages.

Avec ce tableau, le peintre montre son don pour créer une image harmonieuse, forte et évidente.

À la fin de son séjour à Florence, les représentations à la fois héroïques et dramatiques de Raphaël montrent qu’il a parfaitement assimilé les styles des deux principaux artistes de la ville, Michel-Ange et Léonard de Vinci.

Appelé à Rome en 1508 au service du pape Jules II, Raphaël y demeure douze ans avec un succès grandissant. Il reçoit rapidement des commandes de membres du clergé et de l’élite culturelle, qui l’obligent à recruter un grand nombre d’assistants.

Raphaël travaille à la conception et à la réalisation de fresques monumentales au Vatican, à la Villa Farnésina et dessine des cartons pour des tapisseries de la Chapelle Sixtine.

D’autre part il reprend en tant qu’architecte – en 1514, le chantier de la reconstruction de la basilique Saint-Pierre.

Raphaël incarne le prototype de l’artiste universel de la Renaissance.

Après Raphaël, les artistes n’auront de cesse de chercher de nouvelles manières de représenter la nature et les hommes.

Cela donnera naissance au dernier courant de la Renaissance :
Le Maniérisme.