Madame Cézanne dans un fauteuil rouge – 1877 -Paul Cézanne

 

Paul Cézanne (1839-1906)

 

Madame Cézanne dans un fauteuil rouge

1877

Huile sur toile

Dim 72,4 x 55,9 cm

Conservé à Boston, Museum of Fine Arts

Le peintre

Cézanne apprend la peinture à l’École gratuite de dessin d’Aix en Provence.
Il doit affronter son père. Un banquier qui le destinait à un autre avenir.
Il s’installe à Paris et tente de trouver sa place en tant que peintre.

Cézanne appartient à la génération des impressionnistes. À leurs côtés, il participa aux deuxième et troisième expositions indépendantes, en 1874 et 1877.
Camille Pissarro l’incita à exécuter des études en plein air, directement d’après nature. Ce conseil s’avéra essentiel pour le jeune Cézanne.
Les œuvres qu’il exposa avec les impressionnistes témoignent d’une transition entre un mode d’expression sombre et maussade, et les paysages et les natures mortes qui domineront sa carrière ultérieure.

Durant les deux décennies qui suivirent sa participation aux expositions impressionnistes, Cézanne affina la facture de ses toiles et développa la technique du « passage », grâce à laquelle un aplat de couleur se diffuse ou
« passe » dans un autre, créant une riche composition de couleurs vibrantes, changeantes mais stables.
Il expérimente aussi ce qui allait devenir sa marque de fabrique, le renoncementau point de vue fixe et monoculaire qui domine la peinture occidentale depuis la Renaissance.

Cézanne fait d’innombrables allers-retours entre Paris, le creuset du monde de l’art, et Aix en Provence, sa ville natale.

En 1886, sa façon d’appréhender la peinture n’étant pas bien perçu par ses contemporains, il décide de retourner définitivement à Aix en Provence, et se réfugie dans son monde solitaire de structure picturale.

 

Le tableau

Le tableau représente Hortense Fiquet que le peintre épousera en 1886, après dix-sept ans de vie commune. Son père s’opposait à cette union.
L’existence de Cézanne dépendant des subsides de son père, le peintre a dû attendre sa mort pour épouser Hortense.

Hortense Fiquet est le modèle préféré du peintre, il lui consacrera 29 portraits.

Cézanne exige une grande patience de ses modèles, qui ne doivent ni parler ni bouger au cours des séances prolongées.
Cézanne s’irrite : « malheureux, vous dérangez la pose ! Je vous le dis en vérité, il faut tenir comme une pomme. Est-ce que cela remue, une pomme ? ».

Dans ce tableau, sa future femme est assise dans un fauteuil rouge et de face.
Cézanne représente son tempérament calme et docile.

Le tableau a été exposé pour la première fois en 1907 au salon d’Automne de Paris.

Ce tableau est considéré comme l’un des plus importants de la peinture moderne, sa valeur marchande se situe autour de 30 millions d’euros.

Sur une production de près de mille tableaux, Cézanne a peint cent soixante portraits.

 

Composition

Cette composition  cadre le personnage en gros plan.

Le modèle assis dans un grand fauteuil à dossier, occupe tout l’espace.
Elle porte une jupe longue verte rayée et une veste bleue fermée par un gros ruban également bleu. Sa chevelure brune est relevée en chignon.
Ses petits yeux, deux fentes noires, regardent le peintre.
Le visage est impassible. Elle ne sourit pas.
Le modèle a les bras croisés, son buste est légèrement penché, marquant l’appui de son bras droit sur l’accoudoir du fauteuil.

Le spectateur est exclu de cette représentation. Il n’y a pas d’effet miroir.

Les touches de lavis bleu-vert, dessinent l’ovale du visage et le cou avec attention.
Cézanne joue avec les bandes verticales de la jupe, les chatoiements de l’étoffe de la veste. Il construit un volume avec les reflets des tissus en juxtaposant les nuances subtiles de bleus et de verts.

L’harmonie des couleurs aplatit la composition.
La jupe rayée et le visage du modèle sont sur le même plan spatial.

Le tableau se construit autour des couleurs complémentaires.
Le contraste entre les verts et bleu-verts des vêtements et le rouge du fauteuil projette vivement le modèle en avant.

Derrière le fauteuil, un mur à dominante jaune parsemé de motifs bleus, ferme la composition.
Une large bande, plus foncée, bleu-vert en amorce sur le côté inférieur gauche du tableau arrête le bas du mur et figure l’espace au sol.

Il n’y a pas de profondeur, c’est la couleur qui délimite le sol.

La manière dont les couleurs et les lignes se répondent entre elles génère la cohérence interne de la composition et suscite l’intérêt du spectateur.

C’est le curieux déplacement de point de vue qui crée l’animation du tableau. L’accoudoir droit du fauteuil est montré de face. Celui de gauche décrit une courbe vers l’extérieur du tableau, il est montré vu de haut.

Ce portrait expérimente l’ambiguïté spatiale avec un mode pictural structuré et des perspectives multiples.

 

Analyse

Les portraits de Cézanne,  témoignent de son évolution stylistique et font de Cézanne le pionnier de la modernité.

Tout au long de sa vie, Cézanne expérimente de nouvelles techniques de peinture en faisant le portait de ses proches et vingt-six autoportraits.

Les tableaux de Cézanne rendent la réalité du monde à travers une vision binoculaire. Ils attirent l’attention sur l’illusion de la construction.
Pour obtenir cet effet, Cézanne introduit des points de vue mobiles et des perspectives multiples dans une scène unique.

Cézanne s’applique à restituer les couleurs les formes et les textures.

Avec ses touches en forme de hachures parallèles soigneusement structurées, Cézanne crée et annihile l’impression de profondeur.
La planéité de sa toile maintient une fragile tension entre la réalité de la surface bidimensionnelle et l’illusion de tridimensionnalité.

Cézanne emploie cette technique dans ses nombreuses représentations de natures mortes.

Ainsi son œuvre se distingue de celle de ses contemporains et ne s’avéra pas populaire de son vivant.

Dans Madame Cézanne dans un fauteuil rouge
Cézanne représente la solennité et l’intimité de son couple.
Alors que la description physique est rudimentaire, Cézanne, habilement nous transmet l’état d’esprit du sujet. Cézanne ne traite pas le coté émotionnel.
Il célèbre la constance et la tranquillité de cette femme sur laquelle, il pouvait se reposer sans crainte.
Pour se faire, il apporte un soin particulier à la structuration de sa composition.
Les verticales mettent en scène les rondeurs du fauteuil et du personnage.
La silhouette massive emplie le siège.
Si son buste est légèrement désaxé, sa tête est bien droite.
Les couleurs aussi jouent leur rôle dans cette composition ; le rouge contient le personnage. En reprenant sur le visage les couleurs de la jupe, Cézanne maintient le regard du spectateur en surface.

Dans ses premiers portraits de son oncle Dominique, en 1866, Cézanne peint au couteau à palette, en couches très épaisses et en modulations de couleur.
Il apporte ainsi de la puissance et du volume aux visages qu’il représente sans concession.
Cézanne qualifie cette première étape de son travail de « période couillarde ».

Dans les années 1870, sa peinture est empreinte des idées des impressionnistes, avec les portraits de Madame Cézanne, sa touche s’allège, le dessin devient plus simple et les couleurs sont éclatantes.
Cézanne décompose le spectre de la lumière sur le visage de sa femme, il utilise des aplats de vert, de bleu et de mauve.

Dans les années 1890, le style de Cézanne a atteint sa maturité, les couleurs deviennent plus denses, vives et contrastées.
Dans les dernières années de sa vie Cézanne peint les gens du peuple.
Les vêtements et les objets aux formes simplifiées donnent de la force aux compositions.
Tel est le portrait de La femme à la cafetière -1890-94.

Les portraits de Cézanne sont sans romantisme, sans caricature,  ils n’ont pas pour objet de mettre en valeur leur modèle.

Paysans, jardiniers, domestiques, enfants, tous ont été forgés par le climat et la lumière. Leurs peaux ont les couleurs de la terre. Cézanne peint ses portraits avec respect. Et en même temps, il ose.
Sa touche est mouvementée, ses traits sont schématisés.

Cézanne affirme sa modernité.
Les tableaux deviennent géométriques.

Ses portraits deviennent des études de formes et annoncent le cubisme.

 

Conclusion

Cézanne fut incompris et peu estimé par le public de son époque.

Seulement deux ans après sa mort ses œuvres furent reconnues, exposées et commentées.

Cézanne joua un rôle déterminant dans le développement du cubisme et fut appelé « le père de l’abstraction moderne » pour l’emphase de ses hachures parallèles et de ses aplats de couleur ainsi que pour sa réinvention de la nature au moyen du cylindre, de la sphère et du cône.

Cézanne est un des artistes majeurs du XIXe, Matisse comme Picasso le considéraient comme « notre père à tous ».