Le violon et la cruche – 1909-10 Georges Braque

 

Georges Braque (1882-1963)

 

Le violon et la cruche

1909-1910

Huile sur toile
Dim 117 x 73 cm

Conservé en Suisse, au musée des Beaux-Arts de Bâle


Le peintre

La famille de Braque s’installe au Havre en 1890.
Braque suit les cours de l’école municipale des Beaux-Arts.
Il prend également des cours de flûte.
En 1900, il achève à Paris sa formation de peintre décorateur.
Soutenu par ses parents, il suit quelques cours académiques chez Léon Bonnat et à l’Académie Humbert. Il se forme surtout en allant au Louvre et au musée du Luxembourg.
Les sujets préférés de Braque sont les natures mortes et les paysages.
C’est un artiste complet, il s’intéresse à la poésie, à la musique, au théâtre, à la sculpture et à la gravure.
Cézanne l’impressionne, il sera son modèle.
Il est aussi marqué par les tableaux exposés au Salon d’Automne de 1905.
Ses œuvres -assumées de 1907, (il a détruit ses premiers tableaux de veine impressionniste) témoignent de l’influence du mouvement artistique, le fauvisme.
Il expose au Salon des indépendants aux cotés de Matisse, Vlaminck et Derain.
Comme eux, il passe ses étés dans le sud de la France, à l’Estaque et à la Ciotat.
C’est Guillaume Apollinaire qui lui présente Picasso qui deviendra son ami et son émule. Progressivement Braque passe du fauvisme au cubisme.
Braque et Picasso débutent une étroite collaboration à l’hiver 1908, et développent simultanément un style hautement géométrique inspiré des tableaux de Cézanne. Ils confèrent à leurs paysages et à leurs personnages une apparence presque sculptée et leur palette s’assourdit peu à peu.
En 1909, braque expose au salon des Indépendants avec les cubistes.
Braque et Picasso s’inspirent des sculptures en vogue venues de la péninsule Ibérique, d’Afrique et d’Océanie exposées au Louvre et au musée d’ethnographie du Trocadéro, ou vendues aux puces ou aux enchères.
En 1912, Braque insère dans ses tableaux des lettres peintes au pochoir, des papiers collés, du sable ou de la sciure.
En 1914, il est mobilisé. Il sera grièvement blessé.
Il recommence à peindre en 1917.
Braque devient célèbre. En 1920 sa renommée s’étend à l’étranger.
En 1923, il réalise les rideaux de décors et les costumes pour les Ballets russes et les Ballets de Paris.
Il commence à graver dans les années 1930.
En 1937, l’état français achète Le Duo.
Il réalise des décors de théâtre pour René Char en 1948 et Louis Jouvet en 1950.
En 1953, André Malraux, lui commande le plafond de la salle Henri IV au Louvre. À partir de 1955-56, il compose des vitraux pour la chapelle Saint Dominique et pour l’église de Varengeville-sur-mer.
Le peintre décède en 1963.
En 1965, Mme Braque offre aux musées nationaux un ensemble de tableaux, sculptures et dessins qui forment le noyau des collections du Musée national d’art moderne Georges Pompidou.

 

Le tableau

On est en 1909-1910, Braque a délaissé progressivement ses toiles vibrantes de la chaleur du sud de la France, le paysage est remplacé par la nature morte.
La lumière devient tamisée et l’espace dépouillé et ordonné.

Braque peint ce qui lui est cher, il est musicien. Il joue de la flûte et du violon.
Un grand nombre de ses tableaux se réfèrent à la musique.

Sa formation lui a donné le sens de l’espace, Braque est à l’aise dans tous les formats (tableaux, rideaux de théâtre ou plafond).

Les couleurs sobres de ce tableau, dégagent une atmosphère calme et reposée.

 

Composition

C’est une composition dense.
Tout l’espace est occupé.

Bien qu’il n’y ait aucune brèche pour la circulation de l’air, l’atmosphère du tableau est silencieuse et calme.

Dans cet étagement de surfaces découpées, émerge la volute du manche du violon.

La distorsion des formes en surfaces multifacettes de plans plats et de lignes entrecoupées, articule la composition.

Braque définit les formes à travers les lignes et les surfaces.

Les lignes fortes sont les verticales propulsées par les lignes du violon et de la cruche.

Braque obtient son effet de volumes en fragmentant les formes et en multipliant les points de vue.

L’œil tourne autour du violon et de la cruche, qu’il voit de tous côtés. Le haut de la cruche est vu du dessus (sous la forme d’un cercle) et de côté (sous la forme d’ellipse). Les formes saillantes ressemblent à des vides et vice-versa.

La composition n’est pas une illusion de la réalité, c’est un intérieur reconstruit.

La lumière joue avec les transparences des gris et des blancs.
Elle miroite d’un fragment de surface à l’autre.

La palette chromatique décline des gris et des bruns.
Les touches de blancs et de gris animent la composition.

Le ton métallique domine le tableau et crée des surfaces réfléchissantes.
Dans le bas de la composition, sur le violon, des touches de bruns évoque le bois de la caisse du violon qui se reflète dans l’angle inférieur droit du tableau. Quelques touches de brun se retrouvent au niveau du clou, confirmant les effets de miroir des multiples surfaces qui composent le fond du tableau.

 

Analyse

La peinture de Braque n’est pas un art d’imitation.
Elle donne à Voir, c’est un art de Conception.

Pour se faire, il choisit l’évocation plutôt que la description.
Braque va à l’essentiel.

Le violon et la cruche sont disséqués pour révéler leur intérêt formel pour eux-mêmes et non dans un but narratif.

Le violon et la cruche est un tableau ancré dans le réel.

La composition est concentrée sur le violon et la cruche.
Ce sont des objets du quotidien du peintre, un vase et un instrument de musique, des objets réels, vus et représentés de façon nouvelle.

On remarque l’inclusion au centre supérieur de la composition d’un clou totalement réaliste projetant son ombre sur le mur.

Le clou provoque l’illusion à la façon d’un trompe-l’œil.
Le clou imite la réalité et rend la composition plus vraisemblable, alors que les autres objets sont brisés et réordonnés.

Cette juxtaposition démontre la capacité du Cubisme à évoquer le style illusionniste traditionnel, en le replaçant dans une approche nouvelle, plus fidèle d’un point de vue analytique et donc « réaliste », puisqu’il utilise la matérialité de la toile pour analyser et reconstruire les objets.

Le titre du tableau guide l’œil et nous permet de décrypter la toile plus facilement.

Braque explique :
« Peindre n’est pas dépeindre, comme écrire n’est pas décrire. La vraisemblance n’est que trop trompe-l’œil ».

 

Conclusion

Guillaume Apollinaire écrit en 1913 :
« Ce qui différencie le cubisme de l’ancienne peinture, c’est qu’il n’est pas un art d’imitation, mais un art de conception qui tend à s’élever jusqu’à la création. »

Comme Picasso, Georges Braque commence à rejeter le réalisme de la perspective pour réaliser une forme d’autopsie artistique. Un style résolument révolutionnaire attaché à observer à l’intérieur et l’extérieur des objets, et à les présenter de façon analytique, objective et totalement impersonnelle.

Ce nouveau style est appelé le Cubisme et il incarne le changement le plus profond depuis la Renaissance.

Braque et Picasso influencent l’avant-garde européenne en proposant une nouvelle manière de représenter la réalité.