L’art des tombeaux étrusques – IVe av. J.C.

L’art des tombeaux étrusques – IVe av. J.C.


La tombe François à Vulci 

Vers 350-330 av. J.C.

Fresque a secco
Hauteur (du mur) 284 cm

Conservée dans la collection Torlonia, après avoir été détachée et transférée, à la Villa Albani de Rome.

 

La fresque 

La tombe François est une vaste sépulture étrusque située à Vulci datant de la fin de la période classique, probablement de 340 av. J.C.

Celle -ci fut édifiée à la demande de Vel Saties pour en faire la sépulture familiale.

L’accès à la sépulture se fait par un long dromos de 27 mètres qui ouvre l’accès sur un espace central composé d’un atrium et d’un tablium encadré de onze chambres disposées symétriquement.
Le plan de la tombe reprend traditionnellement l’organisation de l’espace domestique étrusque.

Le complexe fut découvert en 1857 par le florentin Alessandro François et le français Adolphe Noël de Vergers sur le site de la nécropole de Ponte Rotto, suite aux demandes de fouilles du prince Torlonia.

La tombe abritait lors de sa découverte, un ensemble de fresques et un riche mobilier intact déposé auprès des défunts, répartis dans plusieurs chambres souterraines reliées par des corridors.

Très fragiles, la grande majorité des fresques fut détachée des parois dès 1862 pour être ensuite transportée dans la collection privée de la famille Torlonia à la Villa Albani de Rome, ne laissant que quelques vestiges peints sur le site.
Le mobilier funéraire, composé de vases, de bijoux et d’amulettes, fut quant à lui acquis par l’archéologue allemand Heinrich Brunn puis dispersé dans plusieurs collections muséales, au Louvre et au British Museum.

Dans la tombe à plusieurs chambres de la famille Satie, dans la nécropole de Ponte-Rotto à Vulci, les murs principaux sont recouverts de vastes fresques narratives illustrant les épisodes des épopées d’Homère.
Ces scènes peintes de mythologie grecque et d’histoire étrusque incluent le sacrifice de prisonniers troyens.
Les côtés montrent des scènes avec des animaux et des motifs en trompe-l’œil.
Une  scène historique rare montre un massacre datant du VIe av. J.C..
Le regardeur remarque le sang qui jaillit, la férocité des mouvements et les expressions torturées.
Le réalisme étrusque sait exprimer l’intensité des sentiments.

Si la nudité des assaillants étrusques permet de célébrer leur force et leur puissance, elle exprime en même temps,  la vulnérabilité de leurs victimes romaines impuissantes.

C’est une scène de vie est  foncièrement réaliste.
Les personnages masculins sont parfaitement dessinés.
Le sang gicle, les couleurs sont vives, les personnages manifestent leur émotion, cette fresque déborde de vie.

Les qualités essentielles sont l’équilibre de la composition, le rythme, une couleur sobre et le mouvement de la vie.

 

 

Analyse 

Plein de couleur et de vie, l’art étrusque était majoritairement destiné à l’ornement de l’existence et des funérailles des membres de  la classe dirigeante.

Les traits particuliers de l’art étrusque sont le souci du volume, la recherche des attitudes mouvementées, l’accentuation de l’expression et le goût prononcé pour le réalisme.
On trouve dans l’art étrusque, des exemples très anciens d’éléments fondateurs de la peinture occidentales comme le clair-obscur et le raccourci, traces de techniques originales dont il ne reste aujourd’hui aucune preuve.

Les tombes étrusques adoptaient toute une palette de configurations.

La peinture de fresques étrusques fleurit entre la fin du VIe et le Ve av. J.C. tout particulièrement à Tarquinia,
Un regain au IVe av. J.C. vit naitre les chefs d’œuvres de la tombe François à Vulci.

Les murs étaient peints à fresco secco (sur du plâtre sec), et les pigments obtenus à partir de minéraux semi-précieux proclamaient la richesse de la famille.

Les fresques représentent des  scènes narratives mélangeant des funérailles, des banquets et des distractions des élites, ainsi que des réunions de famille dans l’au-delà.
Elles sont généralement à lire de droite à gauche, comme les inscriptions.

Cette scène représente une protestation étrusque contre les tentatives de conquête romaine.
Une riche composition illustre l’épisode légendaire du sacrifice, par Achille, des prisonniers troyens aux mânes de Patrocle. Cette scène d’inspiration historique se déploie sur une paroi. Elle groupe un certain nombre de guerriers nus portant des armures, qui semblent disposés par paires, ils forment quatre groupes de combattants.
Ces épisodes évoquent le passé, plus ou moins embelli, de Vulci et sa lutte contre Rome.

La tombe François à Vulci représente le nommé Vel Saties dans le premier portrait en pied  à l’échelle de tout l’art occidental.
Vel Saties, noble étrusque, porte une toge rouge et observe un oiseau libéré par son serviteur.
De nombreuses scènes mêlent les mythes grecs avec des traits d’esprits étrusques.

La scène étudiée figure sur la paroi latérale du tablium à gauche, c’est la scène du sacrifice des prisonniers.
Sur la paroi de droite, figure une série de combats de guerriers.
Les éléments disposés sur la droite de la tombe renvoient aux éléments disposés sur la gauche.

Le caractère synthétique de la figure de l’aristocratie étrusque ne ferait que renforcer cet effet de vibration temporelle, qui est à l’œuvre dans l’ensemble du dispositif décoratif de la tombe.

Aux événements mythiques (sacrifices des prisonniers troyens) correspondent des épisodes historiques (les frères Vibenna) ; aux personnages homériques répond dans l’atrium la figure du commanditaire de la tombe, Vel Saties..

Cette tombe est un récit panoramique, une fresque à la fois mythologique et historique qui embrasse les événements et les époques.

Dans la succession des scènes proposées, le monument oriente le récit vers une fin annoncée et connue, qu’incarne la figure de Vel Saties.

La tombe François apparait comme les réélaborations des traditions locales, des origines et généalogies mythiques comme des événements proprement historiques.
La tombe ne caractérise pas seulement les élites étrusques, mais une large part des aristocraties romaines et italiques de la seconde moitié du IVe av. J.C.

Le massacre des prisonniers troyens qui regardent leur vainqueur d’un air suppliant contraste de façon dérangeante avec la placidité des dieux de la Mort troyen, Vanth et Charu.
Dans chaque couple,  l’adversaire vaincu est déjà prostré et désarmé, comme s’il avait été surpris par une attaque soudaine, ce qui devait aller, avec le thème d’une « délivrance » de Vipinas enchaîné.
Ce qui est caractéristique dans le comportement de ces champions libérateurs, c’est l’espèce de force consacrée que leur glaive représente.
L’histoire et les institutions proprement militaires des Étrusques est mal connue et ne permet pas se savoir si cette valeur spéciale y avait sa raison d’être.

Il y a une portée politique dans l’épisode du sacrifice des prisonniers troyens.
Ainsi l’affrontement entre Grecs et Troyens aurait non seulement valeur de précédent pour Vel Saties et ses contemporains, mais également de modèle :
La concorde serait ici la condition de la victoire des Etrusques, trop enclins à se déchirer en luttes fratricides.

Dans cette fresque est figuré un massacre de romains par des aventuriers étrusques, qui ne figure pas dans l’histoire romaine.
La représentation de cette boucherie cruelle n’a rien d’original, en ce sens que le sujet était familier aux Étrusques.

Le regardeur voit dans cette scène les traits démoniaques et ses personnages,  une influence prépondérante du style grec.
La barbarie de l’égorgement de ces Troyens par les Achéens s’exhibe sans jugement moral apparent, comme l’application d’une sorte de « règle du jeu » que les vivants doivent connaître : un espèce de droit sacré de la vengeance, et de légitime appétit d’un mort, tué au combat, pour le sang des ennemis que lui offrent ses anciens compagnons.
Il n’y a peut-être pas de complète mise à mort, l’effusion de sang est virtuelle dans le mouvement des épées dressées, et une cause, probablement sacrée, anime les vainqueurs.

La verve puissante et expressive place cette tombe au premier rang de la peinture Tarquinienne.

La construction du cycle des peintures de la tombe François rend compte d’une réflexion sur la force du passé mythique et historique de l’Italie et d’une volonté des commanditaires étrusques de trouver dans les modèles de ce passé sans cesse recréé les clefs d’une résolution des conflits du présent.

L’art étrusque est foncièrement religieux, même dans ses représentations directement empruntées à la vie réelle.
Il n’en exprime pas moins, mais discrètement, des sentiments humains.

L’ensemble des fresques qui décorent la tombe  François à Vulci, autour de la figure solennelle et fastueuse de Vel Saties qui  fut évidemment le mort le plus illustre et probablement le fondateur, est  daté par l’accord des archéologues des environs de l’an 300 av. J.C.
Ces  fresques ont donc été commandés , conçus et  exécutés – la probable pluralité des « mains » n’affectant guère l’unité de leur style ni le principe de leur composition-  à l’époque même où se jouait la partie décisive entre la voisine Tarquinia et Rome, les deux villes illustres.

L’actualité des images de la tombe François et leur profonde raison d’être tient au fait qu’alors, aux portes de Vulci, des guerres cruelles entre voisins Tarquiniens et Romains mettent en cause  les règles du jeu de l’effusion de sang et donnent au monde étrusque le spectacle réel des atroces « sacrifices de prisonniers » dans les deux sens, d’ailleurs.
Le récit de Tite-Live paraît digne de foi. L’épisode relate le massacre (en 356) de trois cent sept soldats romains capturés par les Tarquiniens.
Les Étrusques se croyant vainqueurs, ont pratiqué l’exécution de trois cent sept prisonniers romains comme un rite.

Malgré la présence de ces deux personnages, les guerres historiques entre Romains et Étrusques ne sont pas le sujet de cette fresque de combats singuliers, laquelle fait manifestement pendant, dans la décoration de la tombe, à la scène fameuse, moins rare dans l’art étrusque, du « sacrifice des prisonniers troyens ».

Au fond, ce sont des souvenirs, en partie historiques, des luttes des Étrusques, entre eux  qui seraient le sujet de la fresque.

Au moment où les peintres de la tombe François exécutent leurs compositions, l’inspiration farouche qui préside chez Achille et ses compagnons à l’immolation des prisonniers troyens, jugée nécessaire au réconfort de l’âme de Patrocle, mène littéralement les Tarquiniens, durant une guerre avec les Romains, à offenser gravement ceux-ci, par une violence qu’assurément les mœurs militaires romaines, dès ce temps, considéraient comme impie et  barbare.

Les conflits politiques et militaires, d’ailleurs apaisées entre 395 et 360 environ, n’ont d’aucune façon disqualifié aux yeux des Romains les choses de nom étrusque.

Derrière les fresques qui entourent l’image de Vel Saties, la dispute continue à l’intérieur même du domaine étrusque. Elle est à peu près de la même nature que celle qui avait eu pour effet l’isolement de Véies, un demi-siècle auparavant : cette fois le style violent se défend et s’exaspère à Tarquinia en face des progrès romains, les tendances hésitent entre la solidarité politique contre la pénétration romaine et la préférence religieuse, ritualiste plus exactement, pour un idéal militaire dont la règle du jeu est trop bafouée par les Étrusques.

La fresque de Vulci donnerait à penser que la composition est relativement antiromaine.
Le personnage historique de Vel Saties de la deuxième moitié du IVe, incarne parmi les Étrusques de ce temps, une règle religieuse qui n’accepte l’effusion de sang qu’à travers des combats contrôlés, ou plutôt comme « inspirés » d’en haut, et qui, sur le plan proprement militaire, ne pourrait que s’opposer aux fureurs échangées, vers 358-355 entre  Étrusques et Romains.

 

 

Conclusion 

L’art étrusque dont l’originalité est incontestable nous est connu dans ses principaux aspects, mais il présente encore des problèmes. Qui n’ont pas été résolus  et sur bien des points des précisions doivent être apportées.

Les résultats obtenus justifient le souhait qu’aux efforts des savants chevronnés, comme. Albert Grenier, Charles Picard,  Pericle Ducati, Giulio Quirino Giglioli, Antonio Minto, vient se joindre les efforts de nouveaux chercheurs.

 

 

 

Sources :
Article de Marcel Renard -1940 : La question étrusque, chez Persée.
Article de Jean Gagé -1962 : De Tarquinia à Vulci : les guerres entre Rome et Traquini au IVe  av. J.C. et les fresque de la tombe François , chez Persée.
Article de Ruyt Franz -1989 : Démonologie étrusque, chez Persée