Fresque du nymphée de la villa Livia – entre 30 et 20 av. J.C.

Fresque du nymphée de la villa Livia
Mur nord-ouest 

Entre 30 et 20 av. J.C.

Fresque
Dim totales : 590 x 1170 cm

Conservée au musée national romain dans les locaux du Palazzo Massimo alle Terme

 

 

 

La fresque 

Le nymphée souterrain de la villa Livia est une salle souterraine peinte d’une remarquable fresque découverte en 1863.
L’usage de cette cavité à laquelle on accède par un escalier est inconnu.
Il devait s’agir d’un lieu recherché pour sa fraîcheur durant les chaleurs estivales.

L’enduit peint a été appliqué sur un parement de briques disposé en cinq rangées.
Ce parement est séparé du mur de façon à créer un espace isolant de l’humidité.

Ce décor est une des plus anciennes peintures pariétales de jardin romain.

À la suite des dégradations subies par la villa lors de seconde Guerre mondiale, l’institut central de restauration italien, en 1951-1952, décide de la détacher de son support mural.
La fresque est conservée au second étage du Palais Massimo alle Terme du Musée national romain.

Dans la villa de la femme d’Auguste, Livia, à Prima Porta, – quartier de la banlieue nord de Rome – ces fresques du deuxième style représentent un jardin luxuriant, peuplé de nombreux oiseaux.

Les oiseaux installent dans le présent,  ce jardin qui,  par définition est intemporel, ils sont un critère absolu du réalisme de cette fresque. Il y a des pigeons, des moineaux, des merles, des rouges-gorges et des chardonnerets.
On dénombre soixante neuf espèces d’oiseaux et vingt-trois espèces végétales.
Les oiseaux chantent, picorent des fruits, nourrissent leur couvée et s’amusent.
Les arbres du jardin, les uns portent des fruits comme les pommiers et les grenadiers, les autres servent à l’ornementation, il y a diverses espèces de sapins et d’autres arbres du nord à côté de palmiers du sud.

L’espèce végétale la plus représentée est le laurier.

Le réalisme des détails ne prétend pas reproduire le réel, des espèces qui ne fleurissent pas dans la même période de l’année sont représentées côte à côte.

La peinture de ce jardin grandeur nature est aérée et ininterrompue.

À la palissade de roseaux et branches de saule du premier plan, répond en contre point une balustrade en marbre au second plan.
Cette  barrière du premier plan offre une profondeur supplémentaire.
La double palissade  suggère la perspective et ses fines variations de couleurs installent une rare sensation d’atmosphère.
D’autre part le peintre suggère la profondeur en détaillant les éléments du premier plan alors que ceux de l’arrière-plan sont plus flous.

Cette construction perspective est construite pour capter le regard, pour le transporter de la perception de l’ensemble à l’observation du détail.

Le ciel au-dessus du jardin est clair, sans nuages et s’ouvre sur l’infini.

Cette illusion convenue est fondée sur l’effet de distanciation que produit sur le regardeur le décor « jardinier » d’une pièce fermée.
Une manière de surprendre les regardeurs, un désir d’avoir une pièce où il est possible de voir le produit d’une des grandes passions de la noblesse romaine, un endroit où se détendre en observant un jardin luxuriant.

Comme beaucoup d’ensembles du deuxième style, la fresque crée l’image d’une vaste propriété offrant joies et plaisirs.

La peinture des jardins en trompe-l’œil dérive peut-être de modèles orientaux.

L’usage d’orner les murs d’enduits peints se développe dans le monde grec, dès le Ve ou le IVe av. J.C. et se trouve circonscrit à l’origine aux monuments publics ou religieux, aux palais des souverains puis à la maison aristocratique.
Dans le courant du IIe av. J.C., à l’occasion de la conquête des royaumes hellénistiques par Rome, les aristocrates romains découvrent les merveilles de l’art grec, mais aussi le confort de leurs maisons.
Pour parachever la transformation de la traditionnelle « maison italique » en demeure « à la grecque », les romains font réaliser des pavements de mosaïques sur les sols et des décors de stucs peints sur les murs qui seront remplacés plus tard par un décor en trompe l’œil comme dans la fresque de la maison de Livia.

La fresque destinée à embellir et recouvrir les parois, est une technique picturale spécifique, qui, contrairement aux décors mobiliers, est matériellement indissociable de son espace architectural.

Sur un fond bleu, le schéma de base du jardin est à la fois très rigoureux et le plus simple possible. La peinture de ce jardin cache le tracé préparatoire.
Rien n’est visible pour le dessin des arbres et des fleurs et leur environnement. 

Cette grande surface permet une large liberté d’exécution.
Le décor est soigné, la composition ne semble fixée que par quelques lignes incisées verticales qui servent d’axe aux oiseaux présents dans ce jardin.

Bleu, vert, jaune, rosé et ocres aux riches dégradés, le peintre de paroi utilise une diversité de pigments et une technique à fresque au service d’une gamme chromatique relativement large.
L’art romain tendrait à privilégier la couleur au détriment de la ligne. 

Mettre en scène cette composition, c’est grouper les oiseaux, les étager dans l’espace , établir clairement les rapports qu’ils entretiennent les uns avec les autres.
L’artiste les isole par des espaces vides, pour que les ombres ne soient pas portées sur les oiseaux.
La construction spatiale et la répartition des oiseaux, révèlent soit de la part du peintre, soit de la part du commanditaire, des choix dans la présentation du récit.

 

 

 

Analyse 

Celui qui pénétrait dans une maison romaine  se délectait à la vue de la décoration splendide et colorée recouvrant les sols, les murs et les plafonds, destinée à émerveiller et à distraire les invités et à provoquer les conversations.

En contemplant ces scènes mythiques, le regardeur pouvait songer à un conte féerique. Devant ces paysages, le regardeur pouvait rêver aux plaisirs de la vie à la campagne et les natures mortes rappelaient les délices de la vie.

Autant qu’un lieu de vie, la maison romaine était un théâtre , destiné à être vu et à impressionner. C’est ainsi que les œuvres d’art les plus riches et les plus détaillées étaient réservées aux espace publics de la maison – l’entrée, l’atrium principal et les chambres de réception – où elles pouvaient être admirées par les visiteurs.

Les plus importantes fresques romaines qui nous soient parvenues se trouvent dans les sites autour de la baie de Naples, en particulier à Pompéi et à Herculanum, des villes prospères enfouies sous plusieurs mètres de lave à la suite de l’éruption du Vésuve en l’an 79.

De fait, la plupart des fresques romaines sont regroupées sous le terme de styles « pompéiens »- on en dénombre quatre.

La fresque de la maison de Livia est du deuxième style, à la mode entre 80 et 20 av. J.C.
Ce style imitait l’ouverture du mur sur des paysages fictifs encadrés par des éléments architecturaux.
De tels ensembles donnaient une impression de luxe, comme si les maisons étaient de grandes villas avec leur domaine.

Ce jardin romain révèle une conscience certaine de la subjectivité de l’œil du regardeur dans la construction de l’image.
Cette fresque est  une représentation d’un jardin telle que le regard romain pouvait l’appréhender.

Ce jardin qui court sur quatre parois est conçu comme un espace fermé, le motif de la bordure suffit à lui seul à signifier le jardin.
C’est un jardin instrumentalisé, avec des oiseaux, des fruits et des arbres, c’est un jardin civilisé.

Tout est une question de regard.
On entre dans ce jardin et on en sort.
Libre au regardeur de se plonger dans l’immersion que ce jardin suggère.

La légende rapportée par Suétone, raconte qu’après son mariage avec Auguste, Livia vit passer un aigle qui déposa dans son ventre une poule avec un brin de laurier dans son bec. Livia interpréta cela comme un bon présage et décida d’élever l’oiseau, qui donna naissance à des poussins.

Le laurier est très présent dans le jardin de fresque.

Il y avait dans la villa un bosquet de lauriers où l’on ramassait des branches pour les empereurs et les triomphateurs, qui avaient coutume de planter un nouvel arbre après un triomphe.

Le jardin de laurier peut être lu dans une clef symbolique en relation avec le mythe de la poule selon le récit de Suétone.
Ainsi le jardin a une signification allégorique.
Dans ce jardin idéal, l’élément spirituel et religieux domine, conduisant à une vision de la vie humaine comme transitoire et éternellement capable de se renouveler et de se régénérer comme dans le cycle cosmique de la nature. 

Le jardin des fresques devait avoir une signification politique, liée à l’éternité votive du laurier et à la descendance d’Auguste.
Le fait que les lauriers ne sont jamais au premier plan serait emblématique de la prudente politique augustéenne, toujours en balance entre « dire et non dire » comme dans les expressions artistiques officielles.

Cette fresque inspire le calme, la sérénité, et favorise une dimension contemplative.

Le travail des décorateurs de parois relève d’un artisanat, c’est un travail d’équipe.
Ni artisans bornés, ni créateurs de génie, les peintres mettaient en œuvre un savoir-faire et des références picturales, ils étaient dépositaires des traditions d’atelier mais devaient sans cesse se renouveler, s’adapter aux désirs des commanditaires et aux espaces à décorer.
C’est dans le dosage des pigments que réside l’habileté du peintre.

La villa était l’une des résidences les plus appréciées d’Auguste.
Une villa somptueuse, des bois luxuriants, un jardin riche en essences.

Les peintures de la villa Livia représentent l’une des survivances les plus interessante et les plus incroyables de la Rome antique.

 

Conclusion 

Artiste ou artisan, créatif ou prisonnier de traditions d’atelier.
La réponse est loin d’être univoque.
Si les sites vésuviens offrent un terrain d’études privilégié, le corpus des peintures des provinces, pose d’autres problèmes.

La prise en compte du travail de la couleur, du modelé, de l’espace, autrement dit de critères d’évaluation proprement picturaux et appréciés dans l’Antiquité permet, à la suite des nécessaires études de répertoire, d’ouvrir sur ce qui fait véritablement le travail du peintre, de reconnaître la pérennité de savoir-faire et, la force  de certaines personnalités.

 

 

 

Sources :
Introduction : infos Wikipédia
Article d’Alexandra Dardenay : L’empire de la couleur. De Pompéi au Sud des Gaules –Catalogue d’exposition -2014 – Musée Saint Raymond
Article de Federico Giannini : Un jardin dans une pièce du 1er siècle avant J.C., le viridarium de Livia au Musée national romain dans  Finestre sull’Arte -2022