Portrait de Jean II le Bon

 

Anonyme, XIVe

 

Portrait de Jean II le Bon

 

Avant 1350
Tempera et or sur toile sur panneau
Dim 60 x 44,5 cm

Conservé au musée du Louvre

 

Considéré comme le premier portrait royal médiéval présentant des traits individualisés, cette œuvre se démarque des représentations antérieures qui étaient idéalisées ou montraient un mécène au sein du groupe.

Jean II, surnommé Jean le Bon (règne 1350-1364) est peint de profil, comme sur les pièces de monnaie et les médailles impériales de l’Antiquité.

L’absence de couronne indique que le portrait date d’avant 1350, année de son couronnement.

La fonction initiale de ce tableau n’est pas établie, mais il faisait peut-être partie d’une tradition de portraits royaux portatifs.

 

Le portrait

C’est un modèle masculin, représenté de profil.
Le personnage est un jeune adulte.
Ce portrait montre un désir d’expressivité.
Le visage porte les traits caractéristiques de l’anatomie.
Il a une forte arête du nez, un sourcil broussailleux, des poches sous les yeux, un œil globuleux et une mâchoire prononcée. Il porte une barbe mal taillée.
Il est vêtu d’une robe bleu-noir bordée d’un col en fourrure blanche qui révèle son cou massif, en partie masqué par une chevelure longue et pas coiffée.

En 1342, le pape Clément VI édifie le palais neuf à Avignon, décoré par les grands fresquistes de l’école siennoise, Simone Martini et Mattéo Giovannetti.
 Au XIVe, ces peintres italiens, se sont intéressés les premiers, au rendu fidèle de la figure humaine dans leurs œuvres.

Le fond d’or travaillé au poinçon du portrait de Jean le Bon témoigne de cette influence, comme l’autorité monumentale du profil.

La partie supérieure du tableau porte une phrase sensée identifier le portrait.
Cependant les caractères de l’inscription « Jehan roi de France » datent du XVe. Ils ont été apposés à postériori créant un doute quant à la certitude de l’identité du portrait.

 

Analyse

Sur quel argument repose cette attribution d’un portrait typique de la peinture Gothique du XIVe ?

Le roi de France jean II doit son surnom « le Bon » à sa bravoure au combat.
Le règne de Jean II le Bon, couronné roi de France en 1350 à la mort de son père, Philippe VI de Valois, a été bref, malheureux et tourmenté, avec la peste noire, des défaites militaires et la bataille de Poitiers 1356 où il est fait prisonnier dans la tour de Londres.
Contre rançon et la présence à Londres de son fils Louis, duc d’Anjou, il remonte sur le trône de France. À l’annonce de la fuite du duc, il repart, fidèle à la parole donnée, pour l’Angleterre (janvier 1364). Jean meurt à Londres en avril 1364.

Une première hypothèse et légende :
Veut que son portrait ait été peint à la tour de Londres – où il se trouve enfermé – par Girard d’Orléans, son peintre officiel.
Autre version : l’auteur de ce portrait faisait peut-être partie de la suite de Jean le Bon, venu en 1349, juste avant son accession au trône de France, rendre visite au pape.
Sur le tableau du Louvre, il ne porte pas de couronne : est-il alors duc de Normandie ou déjà prisonnier ?
Son âge apparent, une trentaine d’années, semble conforter une datation antérieure à 1350, année de son accession au trône.

Il n’existe aucune miniature représentant Jean le Bon au moment où il était roi de France.
Le gisant de la basilique Saint Denis ne ressemble pas au portrait du Louvre.

Une deuxième hypothèse plus convaincante :
Le rapprochement du tableau du Louvre avec deux miniatures représentant Charles V le dauphin, avant son avènement, l’une sur une bible historiale (bibliothèque nationale de France), l’autre sur le Livre des neufs juges (bibliothèque royale de Belgique) fournissent des ressemblances significatives quant au visage et au costume.

Le portrait du Louvre paraît antérieur aux deux miniatures, dont les manuscrits sont datés de 1361 et 1362-63.

En mars 1358, sur la pression des États réunis à Paris, le dauphin est devenu régent du royaume. La personne du roi prisonnier en Angleterre, se confond désormais avec celle du dauphin, qui le remplace en France.

Le peintre aurait voulu, dans l’esprit du mouvement de réforme exigé par les États, confondre les personnes du père et du fils en peignant le roi Jean sous les traits du dauphin Charles.

Le portrait du Louvre serait donc :
Le portrait du roi Jean sous les traits de son fils le « régent Charles ».

 

Conclusion

Au Moyen-Âge, l’image a avant tout pour vocation d’éduquer le fidèle, qui ne sait alors ni lire ni écrire, en lui transmettant un ensemble de règles civiques et morales.

Le réalisme dans le traité des personnages n’est pas la préoccupation du peintre gothique.

La ressemblance à un individu particulier est considérée par l’Église comme un signe d’orgueil et de vanité, raison pour laquelle aucun portrait, avant celui de Jean II le Bon, n’ait été retrouvé.

Le Portrait de Jean II le Bon appartient bien au style Gothique International
Alors, qu’importe l’effigie de… Jean II ou Charles V

Le remarquable est que le Louvre a la chance de conserver le plus ancien portrait connu aux traits individualisés.

Le café de nuit – 1888 V. Van Gogh

Vincent Van Gogh (1853-1890)

 

Le café de nuit

1888
Huile sur toile
Dim 71,6 x 92 cm

Fait partie de la collection de la Yale University Art Gallery (Connecticut -USA)

 

 

Van Gogh

Après quelques années à Paris, Van Gogh partit pour Arles.
Les motifs et l’esthétique japonais prirent une place grandissante dans ses œuvres de cette période qui fut une époque de plus en plus trouble pour le peintre.

 

Sujet

Le tableau représente la salle du café de la Gare sur la place Lamartine à Arles. C’est une scène de nuit, l’horloge au fond de la salle affiche minuit et quart. La salle est éclairée par des lampes à gaz. Un billard trône au milieu de la pièce. Des tables et des chaises sont disposées le long des murs. Dans le fond du tableau, un bar recouvert de bouteilles et d’un bouquet de fleurs. Un garçon de café se tient debout, figé à la hauteur du billard. Il regarde le spectateur. Trois tables sont encore occupées, un couple près de l’entrée, un homme seul assoupi et de l’autre côté de la salle deux hommes cuvent leur vin. Deux tables à gauche du tableau n’ont pas encore été débarrassées.

 

Composition

Le tableau est structuré par de larges bandes colorées, jaune, rouge et verte. Aux lignes du plancher répondent les lignes de contour qui courent le long des murs créant une perspective enroulée.

Le regard du spectateur tourne autour de la salle, plonge sur l’ombre gigantesque du billard et file vers la lumière, vers le jaune lumineux de l’entrée.

Le contraste des couleurs est abrupt entre les jaunes du plancher et des lampes, le rouge des murs et le vert du plafond.

Le jaune est l’ambiance générale, il n’est pas lumineux. Van Gogh a recouvert de jaune les couleurs du tableau créant des teintes verdâtres et brunâtres.

Sur la gauche du tableau est approximativement dans l’axe de la pièce se dresse un poêle en fonte gris et bleu. On retrouve cette couleur bleue sur les tables, comme du vert de gris. Le bleu des tables fait ressortir le jaune de l’absinthe dans le fond des verres.

La lumière artificielle émane du plafond, des lampes à gaz et de leurs halos verdâtres.
Le poêle, le mobilier et les personnages ne projettent pas d’ombre.
Seul le billard, planté au milieu de la pièce, a une ombre immense, irréelle.

Van Gogh a appliqué sa peinture en couches épaisses, sans lissages.

 

Analyse

La signification symbolique du tableau, le message de Van Gogh

À l’aide d’une perspective enroulée qui déstabilise le spectateur et d’un contraste audacieux entre le rouge et des verts et jaunes bilieux, Van Gogh peint l’intérieur d’un café arlésien,
« Un endroit où l’on peut se ruiner, devenir fou, commettre des crimes », comme il l’écrivait dans une lettre.

Les couleurs, la silhouette spectrale du garçon de café derrière la table de billard qui projette son ombre immense et inquiétante, ainsi que la facture énergique s’allient pour créer « Une atmosphère de fournaise infernale ».

Pour Van Gogh le café représente le vice et la source des pêchés, l’endroit où le crime est possible. Le contraste disharmonique des couleurs donne l’impression de chaleur oppressante.
« J’ai cherché à exprimer avec le rouge et le vert les terribles passions humaines».

Van Gogh travaille sur la perception nocturne des couleurs.
C’est un tableau de nuit en couleurs, un intérieur. Le peintre saisit l’ambiance du lieu en jouant sur les effets de lumières. Il reproduit l’atmosphère nocturne du café en travaillant la lumière artificielle de l’éclairage avec des tonalités bilieuses et une ombre géante.

Van Gogh s’efforce de traduire ses pensées et ses sentiments à l’aide d’éléments formels et d’une iconographie très riche incluant le symbolisme des couleurs.

Le peintre est destiné à montrer la vérité, le tableau parle.
Il communique le vertige alcoolique avec
des personnages inexpressifs, spectraux, prostrés dans leurs cauchemars d’ivrognes ; la grande tache d’ombre sous le billard-qui semble tituber comme dans un rêve éthylique ; le vide désertique de l’espace central, les auréoles concentriques des lampes ; l’absinthe jaunâtre dans le fond des verres abandonnés ; le reflet fantomatique dans le miroir.

L’état d’esprit de Van Gogh imprègne le tableau.
Van Gogh ne s’intégrera jamais véritablement à la vie du Sud.
« Les gens ici sont paresseux et insouciants »
« Je ne vois nulle part ici la gaieté du sud dont parle tant Daudet, mais plutôt une désinvolture insipide et une négligence sordide ».

Les tables abandonnées, les chaises dispersées sont en accord avec la détresse du peintre. Cependant une lueur d’espoir pointe avec la lumière du bouquet de fleurs et du seuil de la pièce, seul espace où le jaune brille.

L’acte de peindre est salvateur pour le peintre.
Van Gogh tente d’exorciser par la peinture le tumulte qui le mine.

Van Gogh nous adresse un message sur sa vision du monde.
Le monde du café de nuit est un monde de solitude et de misère alcoolique.
Il est le reflet de la vie prolétaire à la fin du XIXe.
Van Gogh écrit à Théo « J’ai cherché à exprimer par les contrastes de couleurs…dans une atmosphère de fournaise infernale de soufre pâle, comme la puissance des ténèbres d’un assommoir ».

 

Conclusion

C’est en 1880 à l’âge de 27 ans que Van Gogh décide de devenir peintre.

Durant dix années d’activité picturale, le style de Van Gogh évolue radicalement des peintures sombres des débuts aux tableaux tourmentés et éclatants de couleurs des dernières années.

Son œuvre révèle une grande richesse artistique, née de longues observations que le peintre tenait pour fondamentales dans son travail.

Cette démarche de peintre le rapproche des artistes japonais qu’il admirait et dont il possédait une importante collection d’estampes.
Il écrit à Théo « saches que je suis en plein calcul compliqué d’où résultent vite des toiles faites vite, mais longtemps calculées d’avance ».

Van Gogh imprègne chacun de ses tableaux de sa gestuelle singulière, mue par un besoin profond de communiquer ses émotions.

Si ses œuvres furent ignorées de son temps, immédiatement après son suicide, Van Gogh connaîtra la célébrité et la reconnaissance mondiale.

Ses recherches sur la forme et la couleur marquèrent durablement les avant-gardes à venir.

Sa peinture ne cesse de fasciner le grand public et les initiés.