Le Perugin (1446-1524)
La remise des clefs à saint Pierre
1481-1482
Fresque – pentue a tempera
Dim 335 x 550 cm
Décoration du registre médian de la chapelle Sixtine au Vatican
Le peintre
« Pietro di Cristoforo Vannucci dit le Pérugin est né à Città della Pieve près de Pérouse dans les États pontificaux et mort à Fontignano de la peste, est un peintre italien de la Renaissance appartenant à l’école ombrienne. »
Il se forme à l’âge de l’adolescence auprès de Piero della Francesca dans son atelier à Pérouse.
À vingt ans il part à Florence, en apprentissage chez Andrea Verrocchio.
« Il est l’un des maîtres de Raphaël à qui il enseigne la perspective et l’anatomie. Il peint surtout des tableaux religieux, multipliant madones élégantes et anges mélancoliques.
Le pérugin se forme en étudiant les œuvres de Verrocchio dont il est l’élève en compagnie de Léonard de Vinci.
Il y découvre la manière flamande du paysage et le portrait naturaliste.
En 1472, il reçoit ses premières commandes des religieuses du couvent San Martino pour lesquelles il réalise un Saint Jérôme.
Il travailla principalement en Ombrie, à Florence et à Rome. »
À Florence il bénéficia du mécénat de Laurent le Magnifique et de son entourage.
« Il travaille à Rome à partir de 1478, entre 1480 et 1482, il contribue aux fresques de la chapelle Sixtine. Le Pérugin y peint trois scènes, dont deux en collaboration avec Pinturicchio ( Le baptêmes du Christ et Moïse voyageant en Égypte ), il privilégie dans ses compositions la clarté, l’équilibre et le classicisme des formes.
En 1485, Pietro di Cristoforo Vannucci est nommé citoyen d’honneur de Pérouse, ce qui lui vaut son surnom de « Pérugin ».
La fresque
Cette fresque est une des plus belles réalisations du cycle de la chapelle Sixtine, elle est considérée comme le chef-d’œuvre du Pérugin.
C’est l’œuvre la plus célèbre et la mieux conservée du Pérugin.
Grâce à sa participation au prestigieux chantier de la chapelle Sixtine à Rome, la carrière du Pérugin s’enracine à Pérouse où il possède son propre atelier.
Composition
Le tableau se présente comme une œuvre rigoureusement composée aussi bien du point de vue de l’ordonnance iconographique que sous le rapport de l’harmonieux équilibre des formes.
La scène est dominée au premier plan par l’épisode de la remise des « clefs du Royaume des Cieux » à saint Pierre, agenouillé aux pieds du Christ, symbole de la souveraineté et donc des pouvoirs conférés au premier vicaire du Christ sur la terre.
Au deuxième plan, sur l’esplanade, deux épisodes évangéliques : le paiement des taxes à gauche et la tentative de lapidation du Christ à laquelle se réfère l’inscription située au-dessus ((Défi à Jésus-Christ, porteur de la loi) et pour rappeler la relation de soumission des artistes de la Renaissance à leurs illustres mécènes, les deux arcs de triomphe portent la louange extravagante : « Toi, Sixte IV, inégal en richesse, mais supérieur en sagesse à Salomon, tu as consacré ce vaste temple ».
Derrière se dresse la masse imposante du Temple de Jérusalem, représenté de façon renaissance par une construction octogonale en coupole, flanquée de part et d’autre de deux arcs de triomphe rappelant ceux de Constantin à Rome.
Au fond du tableau les montagnes bleues marquent la ligne d’horizon.
Il se dégage de cette composition une réelle tendresse accentuée par des visages doux et des couleurs vives.
C’est dans l’atelier de Verrocchio que Pérugin peaufine son art de la transparence dans les couleurs et les doux effets de lumière.
Dans ce tableau, la lumière est douce.
Le savant contraste des couleurs confère une réalité stupéfiante à ses personnages dont les proportions des corps évoquent le modèle antique.
Les couleurs des vêtements sont distribuées de façon à ce qu’une teinte sombre côtoie toujours une teinte claire. Ce contraste de nuances et de tons donne de la beauté aux couleurs qui sont plus nettes et plus élégantes.
Pérugin a un goût raffiné pour exprimer les attitudes des personnages et poser les architectures. Il fait dialoguer les personnages et l’architecture environnante.
La technique de Pérugin se rapproche de celle des artistes flamands, dans la minutie apportée à la description vestimentaire et le traitement des cheveux retombant sur les épaules
Pérugin sait utiliser l’espace et la perspective.
Il place ses personnages au premier plan et rend avec précision le temple et les arcs de triomphe à l’arrière-plan.
La gestion des perspectives, la précision de chaque personnage qu’ils soient au premier plan ou non, l’élégance du tableau : le regardeur est devant un génial arrêt sur image.
Il semble y avoir des hectares d’espace entre les personnages du premier plan et le temple, les arcs de triomphe dessinés avec précision derrière eux.
Les techniques de perspective comprennent les lignes convergentes dans le pavage du milieu du tableau et la réduction de la taille des personnages au milieu du tableau.
L’équilibre précis de l’image – visible dans les arcs assortis, les caractéristiques architecturales du temple et la disposition des personnages au premier plan – est renforcé par la ligne asymétrique des arbres à l’arrière-plan.
Le Pérugin établit un dialogue entre le paysage et les personnages du premier plan.
Le personnage à chevelure fournie coiffé d’un béret noir serait un autoportrait du Pérugin. Il est situé dans le groupe de droite de la composition.
Analyse
C’est avec une grande clarté que Pérugin a conçu cette scène cruciale justifiant l’autorité du pape.
Grâce à la perspective linéaire il crée un vaste carré avec, en son centre, un temple idéal flanqué de deux arcs de triomphe.
L’espace sert de scène à l’action principale.
Tous les papes étant les descendants spirituels de saint Pierre, le pape Sixte IV se voit ici légitimé.
La chapelle Sixtine
Orné des plus belles peintures de la Renaissance italienne, ce haut lieu du catholicisme doit son nom au pape Sixte IV, qui la fit construire entre 1477 et 1480 afin d’accueillir les cardinaux réunis en conclave lors de l’élection du souverain pontife.
Pour conférer à la chapelle la dignité qu’elle méritait en l’ornant de fresques élaborées, le pape Sixte IV (pontificat 1471-1484) fit appel à un groupe d’artistes : Pérugin, Sandro Botticelli, Domenico Ghirlandaio, Cosimo Rosselli et leurs assistants, tel Luca Signorelli.
Au-dessus des drapés dorés les artistes peignirent deux séries de huit panneaux figurant en regard le long des murs, illustrant la vie de Moïse et l’ancien testament d’une part, celle du Christ et le Nouveau testament d’autre part.
Si chaque artiste possédait son propre style, les scènes font preuve d’une certaine cohésion grâce à une échelle, des paysages, des cadres architecturaux et des palettes de couleurs uniformes, sans oublier une présence marquée de l’or qui donne vie à l’ensemble, illuminé par la lueur des chandelles.
En 1480-1481, au cours de la première phase, relativement brève, de décoration de la chapelle, le plafond fut peint en bleu et parsemé d’étoiles d’or. L’édifice se trouvant sur un terrain irrégulier, des fissures apparurent sur les murs, ainsi qu’une faille au plafond. Malgré les travaux de restauration, les peintures subirent des dommages. Le pape Jules II, neveu de Sixte IV, décida alors de commander à Michel-Ange un ensemble de fresques encore plus somptueux. Sans doute secondé par les théologiens du pape, Michel-Ange conçut un projet pictural de neuf panneaux sur les thèmes de la Création, d’Adam et Ève et de Moïse, au centre de la voûte.
Autour des scènes, il créa un cadre architectural à la base duquel 12 sibylles et prophètes sont assis sur des trônes monumentaux, au-dessus des ancêtres du Christ présentés au sein de niches et de lunettes. Aux coins figurent des épisodes du sauvetage miraculeux du peule d’israël. Cette entreprise colossale fut achevée en seulement quatre ans (1508-1512) et confirma la renommée de Miche-Ange en tant que plus grand peintre de tous les temps.
Terminés en décembre 1999, le nettoyage et la restauration du plafond révélèrent la fraîcheur et la richesse étonnantes de sa palette.
En 1535, à la demande du pape Paul III, Miche-Ange se remit au travail dans la chapelle Sixtine pour créer la fresque du Jugement dernier sur le mur situé derrière l’autel, recouvrant le retable de l’Assomption et les deux premiers épisodes de la vie de Moise et du Christ de Pérugin qui dataient du XVe.
Cette fresque fit scandale, le spectacle de ces corps dénudés dans une chapelle pontificale fut jugé choquant.
Après la mort de Michel-Ange, l’un de ses apprentis, Daniele de Volterra fut chargé de masquer les organes génitaux.
Lors des travaux de restauration des années 1990, ces derniers ajouts furent en partie supprimés, mais pas tous.
Le tableau et le résultat de la collaboration de Pérugin et de son public.
Le pérugin peint des personnages d’un type général, non particularisé, interchangeable.
Pérugin complète la vision intérieure du regardeur.
Ainsi le regardeur dévot pouvait accrocher son détail personnel, plus particularisé mais moins structuré que ce que Pérugin offrait..
C’est la représentation des personnages qui donnait leur unité effective aux récits.
Le caractère individuel du personnage dépendait moins de la physionomie que de la manière dont il se mouvait.
Les personnages du tableau jouent leur rôle avec sobriété.
Le regardeur de la Renaissance associe, à un niveau de conscience assez élevé, les concepts avec le style pictural.
C’est un chose que d’adorer une peinture, mais c’en est une autre que d’apprendre, à partir d’une histoire exprimée en peinture, ce qu’il faut adorer. Dans une peinture, même les illettrés peuvent voir quel exemple il leur faut suivre. Car nos sentiments sont suscités par les choses vues plus que par les choses entendues.
Le regardeur se souvient de ce qu’il voit.
Cette fresque se substitue à la lecture de la Bible dans la mesure où elle rappelle ce qu’apprend l’ensemble des textes quelle représente.
Cette image religieuse fait voir aux fidèles ce qu’is savent mais qu’ils pourraient oublier.
Ce tableau est un relais aide-mémoire de la croyance.
L’efficacité religieuse de ce tableau est fondé sur sa capacité d’illusion.
Le regardeur du Quattrocento est invité à regarder le tableau construit selon les principes de la perspective illusionniste et de la gestuelle expressive.
La crédibilité de l’image, l’illusion qu’elle suscite tient à l’accord d’une double réthorique : celle de l’image -qui persuade de sa « vérité », de la probabilité de son existence – et celle du discours tenu sur l’illusion « prêtée » à l’image.
Le Pérugin est un des artistes les plus prolifiques et les mieux organisé du Quattrocento finissant et du début du Cinquecento, ses tableaux se retrouvent dans d’innombrables églises et couvents d’Ombrie et de Toscane.
Il est un peintre de Vierges douces et de scènes émouvantes.
C’est l’un un des plus gros producteurs d’images dévotes à la fin du siècle.
Le succès de ses tableaux est lié à la rupture radicale qu’il opère avec le système traditionnel des images religieuses, rupture à travers laquelle il vise à tirer les conclusions provisoires des recherches picturales du Quattrocento.
Le Pérugin recourt systématiquement au stéréotype, qu’il soit architectural, expressif ou gestuel. En maniant ces stéréotypes qu’il a lui même mis au point, le peintre vise à satisfaire une clientèle appréciant l’élégance ajoutée par ce « style » à l’impact plus immédiat du thème religieux.
Le travail du Pérugin se fonde sur une culture picturale banalisée, normalisée ; son œuvre est en quelque sorte le « plus petit dénominateur commun » des expériences originales menées depuis un demi-siècle à travers l’Italie centrale.
Le trait de génie de Pérugin consiste précisément à avoir perçu ce besoin d’un
« art cultivé », à l’avoir formulé en partie et à avoir su le satisfaire au moyen d’un style dont la « douceur » est celle même qu’introduisent les grâces de la culture dans le pathétique du mythe religieux.
L’ambiguïté profonde qui touche la religiosité des images péruginesques compte aussi sans doute dans la grande opposition stylistique qui traverse la fin du XVe et que depuis Vasari, on qualifie d’opposition entre un style « doux » (Pérugin) et un style « dur » (Signorelli).
Conclusion
Le Pérugin a profondément marqué la peinture italienne de la Renaissance.
Suite à son voyage à Venise en 1493, sa peinture se perfectionne, il atteint l’apogée de sa gloire au début des années 1500.
Pérugin dirigeait deux ateliers, l’un à Florence, l’autre à Pérouse.
C’est un cas unique à la Renaissance.
Pérugin est sollicité par tous les ordres religieux, par le Pape et par toutes les cours d’Italie.
La presque totalité de sa peinture aura été la représentation de scènes bibliques au travers de décorations de bâtiments religieux.
Aucune ville au monde ne conserve autant de témoignages de l’art du Pérugin que ce chef-lieu ombrien, Pérouse.
La galerie nationale d’Ombrie recèle la plus riche collection de peintures du Pérugin.
Le Pérugin est un grand maître qui a non seulement accompli la synthèse de la création artistique du Quattrocento mais qui est allé plus loin en dépassant cette même culture pour jeter les bases de l’Age Classique (1490-1515) qui va triompher avec Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël.
Sources :
Wikipédia : biographie
Article de Daniel Arasse -1981 : Entre dévotion et culture : fonction de image religieuse au XVe.