Le jeune mendiant – 1645-50 Bartolomé Esteban Murillo

 

Bartolomé Estéban Murillo (1617-1682)

 

Le jeune mendiant

1645-50

Huile sur toile
Dim 134 x 110 cm

Conservé au musée du Louvre à Paris

 

Le peintre

Comme Vélasquez et Zurbarán, Murillo est sévillan.
Il est l’un des peintres les plus important du baroque espagnol.

En 1660, il fonde l’Académie des Beaux-Arts et la préside. Murillo domine la peinture sévillane qui rivalise avec Madrid.

Il peindra à Séville jusqu’à sa mort survenue en 1682, suite à une chute accidentelle d’un échafaudage au couvent des capucins de Cadix où il peignait un retable.

Si l’essentiel de ses tableaux sont religieux il est surtout apprécié pour ses peintures de genre. Ses portraits de femmes et d’enfants pauvres -comme Le jeune mendiant, reflètent l’influence du nord de l’Europe dans cette ville qui abritait une importante communauté néerlandaise.

Il passe de l’influence du ténébrisme et de la rudesse du XVIIe de Zurbarán et Ribera à un style élégant et libre, doux et vaporeux pour ses scènes religieuses.

 

Le tableau

Cette œuvre, très célèbre, est le premier tableau de Murillo sur le thème des enfants de rue.

Murillo représente un enfant assis par terre, se cherchant des poux. C’est une représentation très réaliste, Murillo peint les pieds sales, les vêtements usés jusqu’à la corde, le panier d’osier renversé.

Ce réalisme fait penser au pied-bot de Ribera de 1642.

En accord avec le concile de Trente, cette scène comporte une note intimiste, censée indiquer au spectateur la voie du salut.  

Le jeune mendiant fut acheter par Louis XVI et placé au Louvre, après la révolution.

 

Composition

Le cadrage est serré.
C’est un grand tableau, avec un seul personnage très présent.

Au premier plan du tableau, l’enfant est assis de face, appuyé contre un mur. Il est dans une pièce aux murs sales, des restes de repas jonchent le sol.

Au premier plan, dans l’ombre, sur la gauche du tableau, se dresse une jarre de grès et d’un cabas de paille renversé, s’échappent deux pommes.

Le second plan, n’existe pas, c’est un trou noir, l’ombre dévore le reste de la pièce et projette l’enfant sur le devant du tableau. L’enfant est dans le même plan que le spectateur.

Le spectateur est confronté à un enfant qui ne le regarde pas.
L’enfant est pris dans un jeu de diagonales qui exclue le spectateur de la pièce. 

Une forte lumière entre par une ouverture dans le mur, sur le côté gauche du tableau. Comme un projecteur, elle se pose sur l’enfant et le met en scène : ses haillons, la teigne dans ses cheveux, la crasse sur ses pieds et son attention à chasser dans les plis de sa chemise, la vermine et les poux. Elle balaye également une partie du sol sur le devant du tableau où des bouts de carapaces de crevettes jonchent le sol à droite du tableau.

Ce clair-obscur, traité avec une grande maîtrise, marque l’influence du ténébrisme. Il installe un contraste brutal entre les ombres de la pièce et la lumière du soleil.

La gamme chromatique réduite, décline des tons de terre d’ocre, des bruns dorés, des jaunes chauds, on pense aux tableaux de Zurbarán et de Ribera.

La touche est rugueuse.

 Théophile Gautier commente :
« une merveille de vie, de lumière et de couleur ».

 

Analyse

Sous cette crasse, il y a une âme.
Murillo a peint un tableau humaniste, sans concession ni misérabilisme.

Ce mendiant dévoré de vermine mérite d’être peint avec autant d’attention qu’un roi.

Murillo oublie sa palette de rose, de lis et d’azur utilisée pour peindre la Vierge et les anges et, emploie des tons fauves pour peindre la pauvreté.

Le peintre exprime la pauvreté et non la déchéance, l’enfant est beau, sans difformités.

Cet enfant dégage une grâce et une grande tristesse.
L’enfant s’épouille tout seul.
Le peintre lui prête ce geste pour signifier au spectateur que l‘enfant est orphelin. Ce sont les mamans qui épouillent leurs enfants.
Le spectateur entend que le petit garçon doit organiser sa vie tout seul.

Murillo fait une référence à sa propre situation ayant perdu ses deux parents à l’âge de 10 ans.

La composition exclue le spectateur de la toile.
L’enfant ne le sollicite pas, ne lui donne pas à regarder sa misère.
Il est absorbé par son épouillage.

Murillo sollicite l’émotion du spectateur avec une représentation de la pauvreté hyper réaliste.

Ce tableau est aussi en concordance avec l’esprit de charité des franciscains.

Au siècle d’or, les enfants des rues étaient un sujet fréquent pour les peintres espagnols.

 

Conclusion

Murillo est le peintre de deux styles, aux antipodes.

Il a peint avec la même aisance de délicieux tableaux de Madones souriantes et d’anges rieurs et des tableaux de genre d’un réalisme confondant.

Il passait étonnamment des atmosphères diaphanes de ses tableaux religieux au clair-obscur de ses tableaux de genre.

Murillo eut une grande influence sur le réalisme et le Rococo du XVIIIe sa renommée internationale perdura jusqu’au milieu du XXe. Le peintre fut particulièrement apprécié par l’aristocratie anglaise.

Bien avant Millet et Courbet, Murillo, peintre du siècle d’or espagnol, a peint des tableaux d’un réalisme d’une grande maîtrise.