Pommes et Oranges – 1899 Paul Cézanne

Paul Cézanne (1839-1906)

 

Pommes et oranges

1889
Huile sur toile
Dim 74 x 93 cm

Conservé au musée d’Orsay

 

Cézanne appartient à la génération des impressionnistes.
Les œuvres qu’il soumit aux expositions des impressionnistes témoignent d’une transition entre un mode d’expression sombre et maussade, et les paysages et les natures mortes.
Si Cézanne peignit des natures mortes dès le début de sa carrière, ce genre n’acquiert une place essentielle dans son œuvre qu’à la maturité de l’artiste, époque à laquelle appartient Pommes et oranges.
Le tableau fait partie d’une série de six natures mortes exécutées en 1899 dans l’atelier parisien de Cézanne.
On retrouve en effet d’un tableau à l’autre les mêmes accessoires : vaisselle de faïence, pichet au décor floral, étoffes.
Leur principe de composition est aussi similaire avec une tenture fermant la perspective, rappelant les natures mortes flamandes du XVIIe siècle.

La modernité et la somptuosité de Pommes et oranges en font la plus importante nature morte de l’artiste à la fin des années 1890.

 

Sujet

Une nature morte présentant, sur une nappe blanche aux nombreux plis, des pommes, des oranges, un pichet, un compotier et une assiette (pour le sujet) au fond du tableau un tapis brun violacé vert et rouge et, à droite une autre draperie, un canapé vert sur le devant du tableau et un pied de table au second plan à droite (pour le décor).

 

Composition

C’est une composition saturée et mouvementée.

Il n’y a pas de profondeur de champ.
La toile est traversée par une grande diagonale qui, partant de la gauche du tableau butte sur le pied de la table.
Le coin de la table donne l’indication de la pente de la table.
Ces lignes de forces insufflent une grande énergie à la composition et conduit le regard du spectateur de la gauche du tableau vers la droite.

Les fruits, par l’intensité de leurs couleurs et leurs dispositions, tiennent la composition en équilibre.

Cézanne multiplie les points de vue.
Avec le point de vue en contre-bas, le regard du spectateur entre dans la dynamique de la toile.

Le rouge, le vert et le blanc dominent et distribuent la lumière qui se concentre sur les fruits et la nappe. C’est une lumière d’intérieur.

Repoussés au fond de la toile, le tapis aux couleurs sombres et la draperie plus claire forment un écrin à la nature morte et mettent en valeur le blanc de la nappe.

Cézanne travaille la luminosité du tissu en mêlant au blanc du rose, du bleu, du vert, du gris et de l’ocre. Ce n’est plus une nappe, c’est un minéral, la roche calcaire d’Aix en Provence. Cézanne a traité sa composition comme un paysage, les déséquilibres de l’assiette et des fruits font envisager les plis de la nappe comme un rocher retenant dans ses creux la vaisselle et les fruits.

Cézanne peint en couches minces avec des brosses larges. Le travail sur le tapis et la draperie est léger. Les fruits ont des formes sphériques données par la touche et l’intensité de la couleur.
Pour créer du volume sur les fruits, les touches finales sont en empâtement.

 

Analyse

Dans Pommes et oranges, les fruits font partie d’un discours sur l’ambiguïté spatiale et la construction.

Les natures mortes de fruits, notamment de pommes, sont récurrentes dans l’œuvre de Cézanne. Le tableau est saturé de motifs et de textures, du patchwork géométrique sur la gauche aux formes plus organiques des draperies à droite. Les plis lourds de la nappe blanche et les formes circulaires de l’assiette, du compotier et de la cruche incitent le regard à balayer la scène en un arc de cercle allant d’un coté à l’autre. Les fruits sont soigneusement éparpillés et nichés dans cette courbe, comme autant de ponctuations colorées.

L’effet dynamique créé par une construction spatiale complexe et une perception des objets subjectives soulignent la démarche picturale de Cézanne.

Par ce langage plastique d’une grande rigueur, Cézanne renouvelle profondément un genre traditionnel de la peinture française depuis Chardin.

Sa représentation de formes tridimensionnelles à l’aide de hachures parallèles soigneusement structurées, qui font ressortir la planéité de la toile, distingue l’œuvre du peintre de celle de ses contemporains.

Au lieu de « la première pensée » que soulignaient les impressionnistes tels que Monet et qu’ils saisissaient en imitant la lumière changeante du soleil, les tableaux de Cézanne semblent être le produit d’une lente accumulation sur la durée.

Durant les deux décennies qui suivent sa participation aux expositions impressionnistes, Cézanne affine la facture de ses toiles et développe la technique du « passage » grâce à laquelle un aplat de couleur se diffuse ou
« passe » dans un autre, créant une riche composition de couleurs vibrantes, changeantes mais stables, qui atteignent son objectif, celui de « faire de l’impressionnisme quelque chose de solide et de durable, comme l’art des
musées ».

Il expérimente aussi ce qui va devenir la marque de fabrique de ses œuvres à venir : Le renoncement au point de vue fixe et monoculaire qui dominait la peinture occidentale depuis la Renaissance.

Cézanne introduit des points de vue mobiles et des perspectives multiples dans une scène unique.

 

Conclusion

Le traitement de l’espace et de la forme dans Pommes et oranges ouvre le chemin du cubisme

Cézanne joue un rôle déterminant dans le développement du cubisme. On l’appelle « le père de l’abstraction moderne » pour l’emphase de ses hachures parallèles et de ses aplats de couleur ainsi que pour sa réinvention de la nature au moyen du cylindre, de la sphère et du cône.

Alors que ses contemporains impressionnistes s’attachaient à saisir la réalité en utilisant l’esthétique de la tache de couleur considérée comme « le transitoire, le fugace, le contingent » (qui selon Baudelaire caractérisent la modernité), les tableaux de Cézanne rendent avec davantage de justesse la réalité du monde à travers une vision binoculaire, tout en attirant paradoxalement l’attention sur l’illusion de la construction.

Cézanne expérimente un mode pictural structurel et des perspectives multiples qui à la fois créent et annihilent l’impression de profondeur et maintiennent une fragile tension entre la réalité de la surface bidimensionnelle et l’illusion de tridimensionnalité-une entreprise qui ne s’avéra pas particulièrement populaire de son vivant- de plus en plus, il évite ses contemporains.
En 1886, il revient à Aix en Provence, sa ville natale, et se réfugie dans un monde solitaire de structures picturales.

Si Cézanne fût incompris et peu estimé par ses pairs de son vivant, deux ans après sa mort ses œuvres étaient largement exposées et commentées.

mains sportives ..

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Le titre du tableau Les joueurs de football -1908, fait référence au football européen qui est un jeu populaire.
Cependant cette huile sur toile du Douanier Rousseau représente un sport dans l’air des temps modernes, venu d’Angleterre, un  jeu de ballon, réservé à une élite et appelé le rugby…
Ce tableau ayant appartenu à la collection J.K. Tannhauser est conservé au musée Guggenheim,