Whaam ! – 1963 – Roy Lichtenstein

Roy Lichtenstein ( 1923-1997)

 

Whaam !

1963

Acrylique et huile sur toile 

Dim 173 x 406 cm

Conservé à la Tate Gallery 

 

Le peintre 

Roy est né à Pittsburg en 1923. Sa mère est une pianiste accomplie.
C’est durant son adolescence que Roy Lichtenstein s’intéresse à l’art, au design et à la musique de jazz.
En 1939, il s’inscrit aux cours d’été de l’ Art Students League de New-York.
En 1940, Roy Lichtenstein suit des cours de dessin à l’Université d’Etat de l’Ohio, son professeur Hoyt L. Sherman eut une influence importante sur son œuvre.
Il interrompt ses études pour intégrer l’armée américaine et soutenir l’effort de guerre. Nommé officier, il est envoyé en Europe : en Angleterre, en France, en Belgique, en Allemagne et au Luxembourg. Roy Lichtenstein profite de ses permissions pour visiter les musées des capitales et dessiner.
Son père étant gravement malade, Roy est rapatrié à New-York en 1946.
Il reprend ses études.
Diplômé en 1949, Roy Lichtenstein est engagé comme professeur de dessin.
Il enseignera par la suite dans les universités d’Oswego et Rutgers.
En 1951, la première exposition personnelle consacrée à l’œuvre de Roy Lichtenstein a lieu au Canada. D’un point de vue artistique son travail oscillait entre cubisme et expressionnisme.
En 1952, Roy Lichtenstein rejoint la galerie John Heller à New-York et expose des interprétations ironiques et post-cubistes de célèbres peintures américaines du XIXe.
En 1957, Roy Lichtenstein s’installe à New-York et enseigne à l’Université d’Etat de New-York.
En parallèle Roy Lichtenstein intègre ses premiers personnages de comics dans ses œuvres.
En 1960, Roy Lichtenstein enseigne à l‘Université de Rutgers où il est très influencé par son collègue Allan Kaprow.
Roy Lichtenstein s’intéresse à l’imagerie proto-Pop.
En 1961, ses toiles représentent par la première fois des planches de bandes dessinées.
La première œuvre représentative de l’art de Roy Lichtenstein intégrant un personnage aux contours soulignés et utilisant les ponts de trame est Look Mickey -1961
En 1962, une exposition individuelle a lieu dans la galerie Leo Castelli de New-York, tous les tableaux trouvent acquéreurs avant l’inauguration.

Roy Lichtenstein devient l’un des artistes les plus importants du mouvement Pop Art américain
Dans la plus pure tradition du Pop Art, Roy Lichtenstein s’inspire des codes de la publicité et des bandes dessinées pour produire ses œuvres .

 

Le tableau 

« A vrai dire les galeries d’art sont envahies par le style crétin et méprisable de mâcheurs de chewing-gum, de midinettes et pire, de délinquants » écrivait un critique dans un article assassin.
« La culture populaire, le dégoût métaphysique et les nouveaux rustres » Une indignation partagée devant la première exposition consacrée au courant du Pop Art américain, à New-York en 1962.
Le fond et la forme s’inspiraient des éléments les plus triviaux de la société de consommation, et ils appelaient cela de l’art, rejetant fièrement tout ce que le mot implique de sérieux et de raffinement et emportant, comble du scandale, l’adhésion d’un public ignorant.

Le Pop Art émergea à la même période, sans lien explicite, aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Le terme lui même vient du critique d’art anglais Lawrence Alloway, qui désigna ainsi une nouvelle forme d’expression s’appuyant sur la culture populaire et les médias de masse.

Aux États-Unis, le Pop Art est né comme une réaction à l’esprit dominant de l’expressionnisme abstrait  et installa avec une désinvolture pince-sans-rire la trivialité du quotidien dans le champ de l’art.

Roy Lichtenstein puise directement aux sources graphiques de la publicité.
Roy Lichtenstein travaille à partir de bandes dessinées, jouant de leur platitude, des techniques de production  de masse et de leur dimension narrative pour exprimer l’émotion  et la réflexion dans un « style totalement mécanique et  détaché ».

Quant on lui demanda si le Pop Art était « méprisable », Roy Lichtenstein rétorqua : « Disons qu’il s’implique dans des aspects selon moi les plus éhontés et menaçants de notre culture, des choses que nous détestons, mais qui influencent  puissamment…Le Pop Art regarde le monde. »

Roy Lichtenstein fit de son mot d’ordre cette description non exhaustive :
« anti-contemplatif, anti-nuance,…anti-mystère, anti-picturalité, anti-toutes ces brillantes idées des mouvements précédents que tout le monde comprend si bien.»

En 1963, il représente Whaam !

Cette œuvre incarne le style de Roy Lichtenstein, des motifs de comics, des couleurs vives et primaires, un format large, une forme stylisée et pleine d’humour.

C’est l’œuvre la plus célèbre de Roy Lichtenstein

C’est une adaptation de la BD All American Men of War.
La toile est gigantesque, et ce double tableau reprend parfaitement les codes de la BD avec la présence d’une bulle, d’aplats, d’une trame pointilliste et toujours ce trait noir typique pour le contour des formes.
L’œuvre illustre un avion de combat tirant une roquette sur un avion ennemi.
L’explosion jaune et rouge est renforcée par l’onomatopée : Whaam 

Whaam part d’une image de bande dessinée et en conserve la manière distanciée d’exprimer l’émotion ou la violence, mais Roy Lichtenstein transforme l’image en modifiant l’échelle, la composition et la technique.
Roy Lichtenstein respecte scrupuleusement les techniques de la bande dessinée, dans ce tableau il utilise le trait noir pour le contour des formes.
Il utilise du Magna, une marque de peinture acrylique à la texture très lisse qui s’efface facilement et sans faire de trace avec de l’essence de térébenthine, permettant de corriger les imperfections.

Roy Lichtenstein se sert de cette image à la fois comme symptôme et comme moyen, il s’interroge artistiquement  sur la figuration. Il tourne en dérision la violence et la guerre.
Roy Lichtenstein ironise, de manière inédite,  il fait  sens en peignant un avion. Tout est affaire d’efficacité et d’énergie.

Roy Lichtenstein sait mettre l’avion en mouvement, en tension,  devant les yeux du regardeur. 

Ça démarche artistique, ironiquement, fait passer de la plate peinture pour de l’espace, un avion pour un objet d’art.

Le WHAAM! écrit en grosses lettres c’est le son de l’avion qui explose touché par une roquette ennemie. Le son écrit en grosses lettres jaunes intensifie l’effet du bruit et l’effet de saturation est intensifié avec l’éclatement des couleurs rouge et jaune de l’impact.

Roy Lichtenstein offre dans ce tableau une vision édulcorée de la guerre, comme si après tout, ce n’était qu’un jeu.
Un jeu lu dans les BD pour enfants.

Le peintre précise : « les techniques que j’emploie ne sont pas commerciales, elles semblent seulement l’être. »

Roy Lichtenstein fait en sorte, dans cette représentation, que les signes bi-dimensionnels réduits à leur plus simple forme, celle du plan parfaitement uni et lisse, évoquent une profondeur  qu’ils n’ont pas, et ce grâce à leurs couleurs rouge et jaune.
C’est une sorte de trompe-l’œil où le plat suggère le volume. 
Ce tableau donne l’illusion de la profondeur à l’aide de zones colorées qui se déclarent ouvertement comme parfaitement planes, jouant très clairement sur la transparence et l’opacité en essayant d’intensifier simultanément l’une et l’autre plutôt que de favoriser l’une au détriment de l’autre.
Roy Lichtenstein met de la profondeur dans son plan.

Ce tableau souligne l’opacité de la profondeur et la transparence du plan, la supériorité de la fiction sur le réel, de la copie sur l’original.

Lorsque Roy Lichtenstein peint un avion, c’est l’image que nous en donnent les comics qu’il peint.

Il reproduit un dessin de BD destiné aux enfants mais grâce au traitement graphique particulier, l’artiste fait ressortir un message politique fort qui susciterait presque le malaise.

Whaam utilise des couleurs vives pour représenter une explosion.
Roy Lichtenstein secoue l’engourdissement émotionnel du regardeur, face à la violence des médias

Ce diptyque emblématique critique la guerre moderne et la culture populaire en opposant un contenu dramatique à un style commercial.

Sur le tableau de gauche, un avion de l’US Air Force. Une bulle nous informe des pensées du pilote de l’avion : « j’ai pressée le bouton de tir… et devant moi les roquettes fendaient les airs ».

Sur le tableau de droite, un avion ennemi, explose.

L’explosion est belle, presque hypnotique.
Les flammes rouges et jaunes sont déposées en aplats et bordées d’un liserai noir.

La violence exprimée par la légèreté du dessin installe un contraste saisissant.
Vive la guerre ! Vive l’Amérique ! Semble dire le diptyque.

Roy Lichtenstein édulcore la violence , on ne fait pas la guerre, on joue à la guerre. Whaam !

La bulle du tableau nous transmet le message de l’artiste.
Aucune émotion, aucune empathie face à la mort, Roy Lichtenstein reprend le texte de la bande dessinée d’origine, qu’une telle banalisation de la violence, qu’une telle froideur, soient lues par des millions d’enfants est assurément ce qu’il y a de plus inquiétant.

Roy Lichtenstein reproduit une planche destinée initialement aux enfants et par un traitement particulier, en fait ressortir un message politique fort et suscite un malaise chez le regardeur.

« Plus mon travail est fidèle à l’original , plus il est critique et lourd de sens » déclare Roy Lichtenstein.

Le Pop Art met en œuvre une double langage, porte un double visage -positif/négatif- à différents niveaux d’interprétation, la croyance dans le progrès et l’angoisse de la catastrophe, le rêve et le traumatisme, la vision panégyrique et la vision critique.

Pour certains regardeurs il apparait comme une exaltation, pour d’autres il représente une dénonciation de la société de consommation.

Les thématiques de Roy Lichtenstein ne semblent pas prêter à un commentaire qui témoignerait d’un engagement quelconque.

Bien que dans ce tableau le regardeur soit tenté de voir une critique de la politique d’armement américaine, la dénonciation ou la parodie dépendent surtout de la réaction du regardeur car elles ne résident pas dans l’intention de Roy Lichtenstein, même si l’humour satirique et la dénonciation planent sur ce tableau.

 

Conclusion

L’œuvre de Roy Lichtenstein  est représentative du mouvement Pop Art américain qui représente les clichés et stéréotypes de la société de consommation.

Roy Lichtenstein  puisa son inspiration dans la publicité et la bande dessinée.
Il traite différents sujets variés : paysages, natures mortes, intérieurs.

Il a su se renouveler tout au long de sa carrière.
En ce sens, il utilisa de nouvelle techniques ainsi que de nombreux matériaux (peinture acrylique, peinture à l’huile, porcelaine émaillée, céramique vernissée, bronze peint).

Les œuvres de Roy Lichtenstein  sont principalement exposées aux États-Unis : Museum of Modern Art et Whitney Museum of American Art de New-York, National Gallery de Washington, Yale Université Art Gallery.

Il est également possible de voir des œuvres de Roy Lichtenstein à la Tate Modern de Londres, au musée Ludwig de Cologne, au centre Pompidou de Paris ou au Kunstmuseum de Bâle.

 

 

Source :
Pour la biographie : Barnie’s Art Invest
Article d’Eliane Elmaleh -1997 dans la Revue française d’Etudes Américaines : Le Pop Art entre subversion et conformisme.
Article de
Bertrand Rougé1997-98 dans la Revue d’études esthétiques : Le Pop Art et l’entracte : Une esthétique ironique.