Skull – 1976 Andy Warhol

Andy Warhol (1928-1987)

 

Skull

1976

Acrylique appliqué en sérigraphie sur lin

Dim. 38,10 x 47,60 cm pour chacune des six toiles

Conservé à la Galerie Nationale d’Écosse à Édimbourg

 

L’artiste

Andy Warhol, de son vrai nom Warhola, est né en Pennsylvanie et mort à New-York.
En 1938, Andy Warhol a 10 ans et commence à collectionner les photos dédicacées des vedettes de cinéma. Il se passionne pour Hollywood, la photographie, le dessin, les magazines et montre un intérêt précoce pour l’art.
De 1945 à 1949, il étudie le dessin au Carnegie Institute of Technology de Pittsburg dans la section « Painting and Design » où il fait la connaissance de Philip Pearlstein.
En juin 1949, il emménage à New-York avec Philip Pearlstein. Il reçoit ses premières commandes en tant que publicitaire. Il collabore comme illustrateur à des magazines, Glamour, Vogue, The New Yorker, Haper’s Bazaar.
Il réalise également des décors de vitrines et des campagnes de publicités.
1952 est l’année de sa première exposition intitulée « Quinze dessins sur des Textes de Truman Capote » à la Hugo Gallery de New-York. Il reçoit la médaille de l’Art Directors Club en 1952 et 1957.
En 1957 il fonde la Andy Warhol Enterprises Inc. et publie A Gold Book.
En 1959 il acquiert un hôtel particulier de trois étages au 1342 Lexington Avenue, il y installe son atelier.
En 1960, Warhol s’investit dans la sérigraphie, cherchant à rompre avec le fétichisme de l’œuvre unique. Warhol choisit des images dont il modifie l’aspect en les coloriant et les photocopiant.
En 1961, Warhol découvre le travail de Roy Lichtenstein et réalise ses premières toiles consacrées aux biens de consommation, Peach Halves, Coca-Cola et entame une série au pochoir consacrée à la boîte de soupe Campbell.
En 1962, il peint les « unes de journaux » qui constituent sa première transposition de la photographie en peinture.
En 1963, il réalise ses premiers films Sleep et Kiss. Il s’installe dans un grand loft qu’il baptise Factory.
En 1964 Warhol crée les premiers Screen Tests : courts portraits filmés des habitués de la Factory.
Le portrait tient une place très importante dans sa production.
Son assistant Rainer Crone indique pour les seules années de 1962 à 1964 un total de 1760 peintures dont 365 sont des portraits, soit 20,7% des œuvres et en 1963, la  fabrication des portraits atteint 69,5% de la production.
En 1966, il crée la société Andy Warhol Fims Inc. pour assurer la production et la diffusion de ses œuvres.
En 1968, la Factory déménage au 33 Union Square West.
En 1969, Warhol fait paraître le premier numéro d’Interview, revue mensuelle de cinéma qu’il conçoit avec John Wilcock.
En 1971, à la Factory, la jet set succède à la bohême de la décennie précédente.
En 1972, Warhol se remet sérieusement à la peinture. Il réalise entre 50 et 100 portraits par an.
En 1978, il réalise une série d’autoportraits, Self-portraits with skulls
En 1982, il se lie avec une nouvelle génération d’artistes, Keith Haring, Kenny Scharf, Jean-Michel Basquiat, Francesco Clemente, Sandro Chia et Julian Schnabel.
En 1985, il renoue avec l’image publicitaire en peignant la série Ads.
En 1987, le 20 février, il entre au New-York Hospital pour être soigné de la vésicule biliaire, il meurt deux jours plus tard de complications postopératoires. Le 1er avril la messe commémorative célébrée à la cathédrale de New-York rassemble plus de 2000 personnes.


La sérigraphie

La sérigraphie fut découverte vers 500 – 600 AP. J-C au Japon.
Cette technique est un moyen d’impression élaboré par les japonais pour imprimer les blasons sur les kimonos. Elle permet d’imprimer des motifs de façon répétitive avec un risque de déformation presque imperceptible sur de nombreuses matières comme le carton, le papier, le bois, le plastique…
Cette technique a pour avantage d’autoriser un fort dépôt d’encre qui garantit une couleur intense qui dure dans le temps.
C’est au XIXe que la sérigraphie entre dans l’ère moderne grâce à l’immigration chinoise aux Etats-Unis.
L’évolution industrielle entraîne celle de la conception de la sérigraphie.
Le rouleau pour déposer la couleur et les draps de soie (pour l’écran qui permettait d’interposer l’encre) et le support, sont remplacés par respectivement, un racloir et du nylon pour l’écran. Le nylon est fixé sur un cadre (avant en bois, aujourd’hui en aluminium) à l’aide d’une colle composée d’un durcisseur.
C’est vers les années 1920 que la sérigraphie fait son apparition en Europe, à Berlin, grâce à deux hommes : Kodloff et Biegeleisen.
Matisse fit connaitre cette technique en France, grâce à l’utilisation fréquente qu’il en faisait dans ses toiles, comme le montre Pasiphaé de 1944 et Nu Bleu de 1952.

C’est avec le mouvement Pop Art et avec les peintres Roy Lichtenstein (Girl at Piano, 1963) et Andy Warhol (séries de Marilyn Monroe, 1963) que la sérigraphie connait  une renommée internationale.

 

Le tableau

Skull a été réalisé dans le studio newyorkais de Warhol, la Factory, à partir des photographies d’un crâne acheté chez un antiquaire à Paris.

La photographie en noir et blanc du crâne qui a servi de modèle pour cette série de toiles a été prise par Ronnie Cutrone qui était l’un des assistants d’Andy Warhol.
Cutrone a posé le crâne sur un contre-plaqué recouvert de papier blanc, devant un mur vierge du studio sur une table à tréteaux.
Warhol lui a demandé de prendre plusieurs photographies avec une source lumineuse différente à chaque fois de façon à projeter une variété d’ombres dramatiques.

Warhol a déroulé sa toile au sol sans la tendre.
Une peinture polymère synthétique a été utilisée comme arrière-plan sur lequel l’image du crâne a été sérigraphiée.
Un second assistant du nom de Rupert Smith l’a aidé à réaliser la sérigraphie.

 

Composition

Le tableau est composé de six toiles de dimension équivalente, assemblées dans une grille verticale de trois rangées de deux toiles.

Chaque toile fait vibrer le crâne différemment
Les ombres changent pour chaque toile.

 La vivacité des couleurs rouge, jaune, bleu et violet, utilisées pour mette en valeur le crâne, interroge :

Chaque toile représente la même image photographique d’un crâne humain posé sur une surface plane.
Les crânes sont placés de trois quart vers la gauche.
Pour chaque toile, le front et la pommette ressortent avec éclat tandis que les orbites et les autres cavités sont plongés dans une ombre profonde.
La toile du milieu dans la rangée de gauche, est la seule toile qui n’a pas été modelée par des couleurs, sans ombres rajoutées, la toile a un rendu de photo en en noir et blanc, rappelant les photos d’antan et faisant de cette vanité une représentation anatomique.
La toile à ses côtés dans la rangée de droite est beaucoup moins lumineuse. Le crâne est d’un gris soutenu, ourlé d’une ombre violette. Le rouge de la table est sombre et évoque le sang, le gris du rideau, presque noir évoque le néant de la mort.
La toile du haut sur la rangée de gauche, est colorée avec beaucoup de contrastes, le fond est peint en rouge évoquant un rideau de théâtre, le crâne est gris, son ombre géométrique est ourlée de jaune.
La toile du haut sur la rangée de droite, reprend en symétrie l’ombre géométrique ourlée de jaune. Le crâne blanc est posé sur une table recouverte d’un rose saumon en contraste avec le fond violet. Ces couleurs donnent un ton vif à la vanité.
Les crânes sont tour à tour gris ou blanc, hormis le crâne en bas, dans la rangée de gauche, coloré en violet. Le maxillaire gauche reflète la couleur de la table rose saumon mis en valeur par le bleu du fond. L’ombre géométrique est plus marquée que dans les autres toiles. Warhol reprend les couleurs déjà utilisées dans les toiles.
Ce crâne redessiné évoque une tête humaine.
Le crâne qui lui fait face en bas dans la rangée de droite, est un crâne blanc, les couleurs déclinées sont des nuances de gris, clair pour la table, très foncé pour le rideau. Une touche de vert ourle l’ombre géométrique et intègre le crâne à la composition du tableau.
Ce crâne symbolise la mort, le début du néant, la fin de la vie.

Le regardant a une vue légèrement en plongée.

 

Analyse

Quand on évoque Andy Warhol, on pense Pop Art

« Je veux être une machine » affirmait Andy Warhol, alors il fit recouvrir de peinture argentée et papier aluminium sa Factory, fabrique d’art et de superstars -artistes, people, fans, délinquants- sur laquelle il régna en maître et en observateur impassible, caméra et magnétophone à la main.

Son art « sans commentaire » a pris pour sujet les idoles, les produits et les évènements de son temps et, pour méthode, la production en série.

Résistante à l’introspection, à toute expression morale ou émotionnelle, l’œuvre de Warhol reflète néanmoins la culture de masse contemporaine, à travers des images simultanément banales et choquantes, troublantes et vides, révélatrices et énigmatiques.

Warhol relevait les empreintes de la société américaine moderne ; objets d’un désir mû par la consommation et l’obsession de la célébrité, mais aussi traces des grands événements et traumatismes de l’époque -guerre, assassinats, tensions raciales, peine de mort et peur de l’holocauste nucléaire.
Les médias de masse sont la source et la matière de ces leitmotivs. Journaux, magazines et tabloïds fournissent les images du glamour et les instantanés de la violence et du désastre.
« Je ne suis pas un critique social. Je peins juste les objets que je connais le mieux. Je n’essaie aucunement de critiquer les États-Unis, je n’essaie de révéler aucune laideur que ce soit », disait Andy Warhol.

La démarche de Warhol est d’unifier le monde esthétique et le monde quotidien.
En transformant l’élitisme en culture de masse par le biais de la sérigraphie, Warhol donne un nouveau souffle à l‘art.

Warhol a vite compris le pouvoir de la publicité et des médias.
Il commence en 1960 à créer des tableaux inspirés de l’imagerie quotidienne et des biens de consommation, et développe dès 1962, même s’il continue à peindre à la main, divers modes de production en série.
Tampons, pochoirs, sérigraphies puis enfin photographies sérigraphiées sont ses techniques d’élection, parfaitement adaptées à son intérêt pour la répétition et la neutralité des surfaces.

Le procédé épouse le style : la reproduction mécanisée rejoint un désir de distanciation qui sape la conception de l’art comme lieu d’originalité et d’invention : « si vous voulez tout savoir sur Andy Warhol, il vous suffit de regarder la surface de mes peintures, de mes fims, de moi-même, et me voilà. Il n’y a rien derrière. »

Warhol montre une société obnubilée par le progrès, la facilité, le consommable, le jetable et s’interroge de ce fait, sur l’utilité de l’art et de la place de l’homme dans cette société.
Warhol accorde de l’importance au dollar, il dit : « J’ai commencé comme artiste commercial et je veux terminer comma artiste d’affaire ».

Dans les années 1970, Warhol se consacra principalement aux portraits : gens célèbres pour l’essentiel -icône hollywoodiennes, stars du show-business et de la politique- mais aussi d’innombrables portraits de commande.

Dans ce contexte, l’image du crâne (forme récurrente du memento mori dans la peinture des maîtres anciens) rappelle au regardant la fugacité de l’existence humaine.

Des historiens de l’art lient l’utilisation multipliée du motif du crâne dans son travail à une fusillade presque fatale vécu par Warhol en 1968.

Warhol utilise la sérigraphie pour rappeler que la mort est un sujet de masse, concernant la société de consommation.

En utilisant la sérigraphie pour un sujet telle que la vanité -mainte fois évoquée par les grands maîtres, Warhol remet en cause les traités de la peinture.

La sérigraphie utilisée pour mettre en avant le thème de la mort, rappelle la place de l’homme dans la vie, dans la peinture et dans la société dans laquelle il vit.

Warhol a réalisé ce tableau avec juste le désir d’évoquer l’humain.

 

Conclusion

« Je n’ai jamais compris pourquoi, quand on meurt, on ne disparaît pas tout bonnement…J’ai toujours pensé que j’aimerais avoir une tombe sans rien dessus. Pas d’épitaphe, pas de nom » déclara Andy Warhol froid et détaché qui affirmait que chacun, à l’avenir, aurait droit à « son quart d’heure de célébrité mondiale ».

Mais il ne fut pas invisible, ni sa gloire, éphémère ; aussi célèbre que les stars dont il multiplia les portraits.

Il fut l’un des peintres le plus en vue de son époque, le portraitiste des gens fortunés, des stars, grâce à ses sérigraphies. Les portraits de Ethel Scull, Mick Jagger, Debby Harry… le prouvent.

Liechtenstein et Warhol sont les principaux représentants du Pop Art

Andy Warhol : « On dit que le temps change les choses, mais en fait le temps ne fait que passer et nous devons changer les choses nous-mêmes ».

Warhol est entré dans l’histoire de la culture Pop du XXe.