Scènes de la tapisserie de Bayeux- vers 1082-1095 – La tapisserie de Bayeux 

La tapisserie de Bayeux 

 

Scènes de la tapisserie de Bayeux 

Vers 1082-1095

Fil de laine sur toile de lin
Dim : Longueur totale :  70 m,  largeur : 50 cm.

La tapisserie est constituée de huit pièces d’inégales longueurs.
Les pièces sont réunies par des coutures d’une extrême finesse. 

Conservée au musée de la tapisserie à Bayeux 

 

 

La tapisserie 

L’auteur de cette tapisserie de la fin du XIe, qui a toujours appartenu à la cathédrale de Bayeux, est inconnu.

La tenture de Bayeux fut faite pour la génération qui avait vu la guerre ou pour la suivante, qui en tenait le récit des acteurs eux-mêmes, ce qui reporte la tapisserie au dernier quart du XIe.

Les tapissiers sont minutieusement informés de ce qui se passe dans l’entourage de Guillaume, ils racontent l’expédition vue du côté normand.
Le regardeur note le départ et le débarquement des troupes du duc, l’introduction, du seul côté normand, de personnages accessoires et inconnus, en outre, les lamentions de l’archevêque Stigant comme ayant sacré Harold ne se retrouvent que chez les chroniqueurs normands.
D’autre part, l’œuvre témoigne envers Harold d’une sorte de bienveillance courtoise.
L’inscription de la tenture dit seulement qu’on lui donna la couronne : « Hic dederunt Haroldo coronal regis ».

Cette tapisserie exalte l’exploit de celui qui est non plus seulement duc de Normandie mais roi d’Angleterre, glorifiant sa dynastie, et la double apothéose de Guillaume le guerrier et d’Odon l’évêque, œuvre de propagande en même temps qu’œuvre de prédication. 

C’est une tenture narrative. 

La broderie historiée de Bayeux est une pièce unique qui représente la victoire de Guillaume le Conquérant face à Harold, comte de Wessex.

La bande centrale de la tapisserie est encadrée par des frises mesurant chacune environ 7 cm. Ces bordures présentent des animaux réels (oiseaux, lions, chiens, cervidés) ou imaginaires (griffons, centaures). On y aperçoit aussi des extraits de fables d’ Ésope.
La bordure inférieure sert à représenter les morts du champ de bataille.

Des tapisseries et tentures brodées précieuses ornaient l’intérieur de nombreux édifices religieux ou des cours.
Fragiles elles sont très rares à subsister intactes de nos jours.

Sur le plan technique , la tapisserie de Bayeux est une toile de lin brodée de laine colorées. La longue bande de presque 70 mètres de long se compose de huit panneaux retraçant la conquête normande de l’Angleterre en 1066 et la bataille décisive de Hastings.

Les broderies sont faites en simple laine de huit teintes : rouge brique, jaune assez soutenu et jaune chamois (tourterelle), vert clair, vert foncé, et trois tons de bleu, dont un presque noir. Ces teintes permettent d’établir les tons essentiels : rouge, bleu et jaune.
D’une nuance ou d’une autre ces laines ont dû être teintes à la toison.
Les filaments de laine étant alors écartés les uns des autres jouissent d’une propriété absorbante beaucoup plus grande que celle des laines déjà filées.
La laine teinte en toison reste plus riche en couleur, et la teinture est plus résistante. Comme dans cette tapisserie où il y a de faibles variations de nuances entre l’envers et l’endroit du travail.

C’est extraordinaire qu’au cours de neuf siècles cette œuvre n’ait pas été mangé par les mites.

Cette tapisserie dont il ne manque que les dernières scènes de ce récit graphique complété par un texte et bordé de frises décoratives, est très bien conservée.

Outre sa fonction ornementale, la bordure présente quelques événements mineurs, présage de ceux à venir, et illustre même certaines fables d’ Ésope. 

Dans un style d’une remarquable cohérence, les personnages stylisés et bidimensionnels sont de taille uniforme, soulignés par un contour marqué et sans séparation nette.

Néanmoins, dans de nombreuses scènes, les brodeurs ont réussi à exprimer une vivacité sans égale.

Il n’existe à ce jour aucune documentation manuscrite sur ce style historié, même si l’on peut établir quelques similitudes avec certains reliefs sculptés : les feuillages des bandes décoratives sont en effet comparables aux motifs végétaux du style de Ringerike.

Les scènes choisies pour illustrer ce commentaire représentent une illustration détaillée du déroulement de la bataille de Hastings.

La tapisserie de Bayeux représente au total 626 personnages et 202 chevaux en pleine action.
Le regardeur est projeté au cœur du combat, qui fait rage : chevaux qui ruent ou se trainent au sol, hommes et montures à terre. Les plus résistants aux cavaliers normands sont les soldats anglais armés de haches (l’un d’eux est clairement visible au milieu, à droite) qui découpent les montures.
Le texte souligne les pertes des deux camps : « Ici Anglais et Français meurent ensemble dans le combat ».

L’ouvrage serait une commande d’Odon, demi-frère de Guillaume le Conquérant , évêque de Bayeux (1030-1097) comme le suggère son portrait flatteur et la place de choix qu’il occupe dans la composition.

Après l’invasion, Odon fut nommé comte de Kent, région d’où proviendrait  la tapisserie.
L’écriture et certains éléments de style portent à croire qu’elle fut brodée en Angleterre : la tapisserie anglo-saxonne, était alors réputée dans toute l’Europe.
Les ateliers de Cantorbéry et Winchester furent des lieux de production très renommés.

Quoi qu’il en soit, les mystères qui entourent sa création suscitent encore de nombreux débats.

Selon certains, la tapisserie a été réalisée en Normandie. Les artisans de ces ateliers étaient anglo-saxons, normands et bretons, hommes et femmes, religieux et laïcs.

La broderie dont un document atteste la présence en 1476, dans la cathédrale de Bayeux, érigée  par Odon, fut peut-être achevée pour la consécration de cette dernière en 1077.

De toute évidence elle était destinée à un public érudit connaissant les évènements présentés.

Si cette œuvre a un caractère religieux. Elle est destinée à mettre sous les yeux des fidèles et pour leur édification l’importance d’un serment prêté sur des reliques, et le drame du parjure, drame finissant par la mort tragique d’Harold qui a renié sa foi jurée.
La punition du parjure est son point final, si la tapisserie n’a bien été conçue que pour faire d’Odon le juge et de Guillaume le justicier.

Aujourd’hui, elle est désormais considérée avant tout comme une œuvre épique destinée aux courtisans. Elle a pu ainsi être exposée dans un lieu profane, une salle de banquet, par exemple. Outre le cadre original, le récit complexe et détaillé et l’abondance de détails de cette tapisserie constituent une source d’information très précieuse digne des chroniques de l’époque.

Les tapissiers qui ont brodé cette tenture ont montré une fidélité d’observation et un goût du réalisme, ainsi que l’intention soutenue de donner aux personnages leurs caractères distinctifs (aspect, vêtements, équipement, armes, etc).

La tapisserie donne des informations sur l’architecture civile et militaire, sur l’armement constitué de casque nasal, haubert, bouclier oblong, sur la navigation empreint d’un héritage viking et sur de nombreux éléments évoquant la vie quotidienne du XIe.

La tapisserie donne de la conquête, et des faits qui l’ont précédée, la version admise en Normandie à la cour de Guillaume.

La tapisserie raconte le récit de la chute de l’indépendance saxonne.

Guillaume le vainqueur, le conquérant, n’y intervient que comme l’instrument de la vengeance divine.

L’hypothèse partagée par les historiens retient l’idée qu’Odon aurait fait exécuter la Tapisserie de Bayeux pour orner sa nouvelle cathédrale, lors de sa consécration en 1077. Il rendait ainsi légitime la conquête de l’Angleterre en l’exposant dans un édifice religieux.

La Tapisserie n’est pas seulement la narration d’une épopée militaire, elle est également une œuvre spirituelle qui évoque la punition d’un parjure.


Un peu d’histoire

Guillaume, est né à Falaise en 1027, il est le fils naturel de Robert Le Magnifique.
En 1035, alors qu’il n’a que 8 ans, il succède à son père. En 1050, il épouse Mathilde, une cousine éloignée. Il est le septième duc de Normandie, devenu le Conquérant après son couronnement en Angleterre le 25 décembre 1066,
Il fut l’un des plus puissants monarques de l’Europe occidentale au Moyen-Âge.
Il meurt en 1087 à l’âge de 60 ans.

La Tapisserie met en scène plusieurs personnages dont les principaux sont Guillaume le duc de Normandie, Edouard le confesseur et le  vieux roi anglais, Harold l’anglo-saxon comte de Wessex et Odon demi-frère de Guillaume et évêque de Bayeux.

Les anglo-saxons portent la moustache et les cheveux longs tandis que les normands ont la nuque rasée.

La tapisserie de Bayeux constitue une représentation unique d’une des plus grandes batailles de la période médiévale.

La 14 octobre 1066, la bataille d’Hastings fut l’événement décisif de la conquête de l’Angleterre par Guillaume, contre les forces armées d’Harold Godwinson, le dernier roi anglo-saxon.

Son récit narratif, proche du vitrail et porté par l’image, est autant un poème épique qu’une œuvre moralisatrice. 

La Tapisserie est traversée de drakkars et longues chevauchées, de boucliers et cottes de maille, d’animaux fantastiques et champs de bataille.

À la mort du vieux roi d’Angleterre c’est Harold qui se fait couronner à la place du duc de Normandie. C’est à la suite de cette nouvelle que Guillaume décide de traverser la Manche pour reconquérir son trône.

Dans la nuit du 28 septembre  1066, Guillaume et sa flotte traversent la Manche et débarquent sur la plage de Pevensey, dans le Sussex, au sud de l’Angleterre.
Guillaume se prépare à l’affrontement, à Hastings il fait ériger une place forte en bois pour assurer sa position.

Approchant à couvert des bois, les troupes d’Harold ont pris position sur une colline.

Les combats sont violents, des chevaux tombent, des membres sont coupés. Les morts sont si nombreux qu’ils envahissent la bordure inférieure de la tapisserie.

Une partie des troupes normandes battent en retraite vers la mer, poursuivies par les anglais qui quittent enfin leur position sur la colline.

Témoin de cette fuite, Guillaume se précipite au-devant de ses compagnons et retire son casque pour se faire reconnaître de tous. Ayant frôlé la débâcle, les cavaliers normands de retour au front, prennent désormais l’avantage.`
Alors que le jour décline, le roi Harold tombe, atteint d’une flèche au visage.

Au prix d’un combat acharné d’une journée entière, les hommes de Guillaume sont victorieux. Harold mort, ses troupes en débâcle, la route vers Londres est ouverte.

Guillaume est sacré roi d’Angleterre à l’abbaye de Westminster.
Son exploit lui vaudra d’être désigné comme « Le conquérant »

 

Conclusion 

La Tapisserie de Bayeux, chef-d’œuvre du XIe, inscrit au registre Mémoire du Monde de l’UNESCO,  est classé monument historique depuis 1840.

La tapisserie n’est pas seulement un symbole pour la Normandie, mais un patrimoine universel, témoin de l’histoire médiévale de l’Europe.

 

 

 

 

Sources :
Article de Bertrand Simone -1960 : Étude de la Tapisserie de Bayeux
Article de René Sauvage -1921 : La tapisserie de la reine Mathilde à Bayeux