Promenade -1916 Man Ray

Man Ray (1890- 1976)


Promenade

1916

Huile sur toile

Dim 100 x 81 cm

Conservé aux États-Unis

 

Le peintre

Le surnom de Man Ray répond à un besoin d’intégration. Sa famille arrive en Amérique, fuyant les pogroms juifs instigués par le Tsar Alexandre III de Russie. Les Radnitzky deviennent alors les Ray. Enfant, le jeune Emmanuel sait qu’il veut devenir artiste . Il s’inscrit à l’école du Ferrer Center, institution moderne dont les opinions politiques et sociales sont connues pour être très libres. Il y rencontre des poètes et artistes comme Adolf Wolf ou Adone Lacroix, sa future femme.
En 1910-1911, il fréquente la galerie 291 dirigée par son ami Alfred Stieglitz. Le futur Man Ray y découvre la peinture contemporaine. La galerie est connue pour mettre en avant des artistes établissant un pont entre l’art européen et américain.
Déterminé à marquer lui aussi le monde de l’art, Emmanuel Ray intègre les Beaux-Arts de New-York. Ses professeurs ne comprennent pas ses toiles et lui conseillent d’abandonner.
Furieux il part et commence à peindre ses rêves, ses idées, son état intérieur. L’art de Man Ray émerge de cette déconvenue.
Bricoleur et fourmillant d’idées, les assemblages et créations d’objets représentent une partie de son art.
En 1911, il récupère des échantillons de tissus appartenant à l’atelier de ses parents pour créer une tapisserie abstraite, Tapisery-1911, qu’il signe pour la première fois du nom de Man Ray. L’artiste est né.

 

Le tableau

Promenade fut présenté en 1916 à la « Forum Exhibition », exposition consacrée aux peintres modernes américains à laquelle le peintre Arthur Dove participe aussi et que le photographe Alfred Stieglitz visite.

Alfred Stieglitz joua un rôle majeur dans l’introduction de l’art moderne européen à New-York et dans la promotion de nouveaux artistes américains.

Dans le catalogue de l’exposition, Man Ray écrivait que le peintre qui se concentre sur « un langage universel d’organisation de la couleur, de texture et de forme », plutôt que sur le sujet ou une imitation « met au jour la surface pure de l’expression ».

 

Composition

C’est une toile musicale.

La composition s’articule autour d’un motif répété.

C’est une composition plate. Man Ray utilise ce procédé pour explorer des plans formés par les couches de couleur et de forme.

Les plans sont rapprochés, les lignes simplifiées et les couleurs s’accordent, passant de l’une à l’autre sur un fond marron ambré.

Ce fond pousse les silhouettes sur la surface du tableau. Le regardant a l’impression qu’elles sont découpées et collées sur  la toile.

Man Ray réorganise la structure de ses figures en une harmonie libre de lignes, de plans et de couleurs telle une portée de musique, une blanche, une noire et une croche. Cette composition génère une grande dynamique,

Dans le bas de la toile une aiguille de métronome se dresse entre les promeneurs. Elle donne le tempo au tableau.

Dans l’axe du tableau sur le bord inférieur un cône renversé est ourlé d’un halo lumineux. Un fil le relie au personnage central et au centre du tableau marqué par un petit cercle blanc. Ce cône est comme la baguette du sourcier, il indique le chemin et diffuse sa lumière sur les formes qui l’entourent.
Ce cône est une source d’énergie pour toute la toile.

 Ici les couleurs ont un potentiel expressif.
Les lignes évoquent les personnages, les couleurs les dynamisent.

Ce tableau est à la fois abstrait et très concret.

Trois personnages se promènent en suivant le chemin indiqué par un pendule, au rythme d’un métronome. Fa, do, la – ré, la, mi, si !

 

Analyse

Lorsqu’on évoque Man Ray, on pense photographies.

Man Ray est un artiste passionné.

Man Ray se concentre sur les propriétés formelles de la peinture.
Ses multiples innovations révolutionnent le monde de l’art.

Peintre, photographe, cinéaste, participant aux cercles d’avant-garde sur deux continents, Man Ray cumule les talents et  impressionne.

Plutôt que d’adhérer à un style ou un support particulier, Man Ray est à fond dans la création, Il veut créer une nouvelle esthétique.
Man Ray s’exprime : « La belle peinture ça ne m’intéresse pas car de toute façon les Anciens ont fait quelque chose qu’on ne pourra plus atteindre. La seule chose qu’on peut faire maintenant, c’est faire quelque chose de différent. C’est ça qui a de la valeur ».

Au début de sa carrière, l’état d’esprit de Man Ray s’accorde avec les artistes dada.

Sa Tapisery-1911 est une œuvre complète qui exprime son désaccord avec la tradition académique.

Man Ray s’intéresse à la peinture parce qu’elle lui permet d’innover.

L’année 1915 marque le début de sa collaboration avec Marcel Duchamp.
Man Ray et Duchamp s’appliquent à transformer le réel en art.

Man Ray est le chef de file des dadaïstes new-yorkais, tout en nouant des liens avec les surréalistes parisiens, par l’intermédiaire de Duchamp et Francis Picabia.

Seul représentant du mouvement dada à New-York, Duchamp conseille à Man Ray de quitter New-York pour Paris.
Man Ray arrive à Paris en 1921.
Il rencontre André Breton, Louis Aragon, Paul Éluard, Philippe Soupault. Ensemble ils forment le surréalisme.
Le surréalisme suscite une grande émulation et des collaborations entre artistes, mécènes et collectionneurs.

Avec Éluard, Man Ray devient illustrateur pour Les Mains libres –1937.
Le but de l’ouvrage illustré est que le lecteur puisse avoir une véritable expérience de pensée surréaliste.

Mécontent des photos prises de ses œuvres lors des expositions, Man Ray décide de photographier ses œuvres pour les galeries.

La photographie du point de vue artistique, est pour lui un moyen d’exprimer ce qu’il ne peut faire en peinture.

Man Ray se révèle un photographe hors pair.

Il devient le photographe officiel des surréalistes,  prenant des portraits de ses amis et devenant un véritable créateur d’icônes.

La photographie à travers le regard de Man Ray prend un autre sens.
La photographie chez Man Ray n’est plus un moyen de capturer l’esthétisme, mais une ouverture à une nouvelle beauté.

La photographie des surréalistes a été une avancée majeure dans l’art et la reconnaissance artistique de cette technique tournée vers le plaisir, l’inconscient et l’onirisme.

Les tableaux de Man Ray se vendent mal, la photographie est un moyen de gagner sa vie. Pendant plusieurs années Man Ray travaille avec de grands couturiers comme Poiret, Chanel ainsi qu’avec des magazines de mode tels que Vanity Fair, Vogue et Haper’s Bazaar.

 Man Ray montre ce qu’il voit, ce qu’il pense, ce qu’il désire.

Avec sa chambre photographique et son goût de la perpétuelle innovation, Man Ray révolutionne l’art du portrait.

Man Ray a la capacité de transfigurer l’exercice imposé en une œuvre de création.

C’est son intérêt pour la planéité et pour les jeux d’ombres et de lumières en eux-mêmes qui ont conduit Man Ray de la peinture à la photographie expérimentale.

Man Ray et ses amis artistes ont apporté un nouveau souffle sur Paris, libérant l’art de ses carcans traditionnels.

 

Conclusion

Ancré dans le dada puis plongé dans le surréalisme, Man Ray nourrit son art des deux mouvements.  Perpétuant ses idées pendant plus d’un demi-siècle, il a produit une œuvre prodigieuse, aussi influente qu’impénétrable.

Toujours intriguant, Man Ray est un mystère.
Son inventivité tous azimuts est faite de hasard, d’accidents et de fantaisies.

Man ray est une figure de proue des années 1920 et 1930. Il a repoussé les limites de chaque support qu’il a utilisé, inventant des techniques qui ont révolutionné la photographie, le cinéma et la peinture.

Man Ray rejette  le concept d’art original, fait de nombreuses répliques de ses œuvres et affirme que l’idée a toujours la même signification, quel que soit le nombre de reproductions de l’objet.

C’est grâce au travail de l’historien de l’art, grand spécialiste de Marcel Duchamp, Arturo Schwarz, dans les années 60, que la postérité s’intéresse à ce pan de l’histoire de l’art du XXe et de l’importance de l’œuvre de Man Ray.

 

Biographie du peintre, source : Artsper magazine 12-09-2020