Paysage par temps calme -1651 Poussin

 

Poussin (1594-1665)

 

Paysage par temps calme

1651
Huile sur toile
Dim 99 x 132 cm

Conservé à Los Angeles au J. Paul Getty Museum

 

Le peintre

Avant tout, peintre d’histoire, Nicolas Poussin s’intéresse de plus en plus au paysage à partir de 1640, sans doute sous l’influence de son ami, Claude Gelée.

 

Le tableau

Les premiers tableaux de paysage de Poussin datent de 1648, ce sont les deux tableaux représentant l’histoire de Phocion.

Paysage par temps calme est une commande de jean Pointel, mécène que Nicolas Poussin rencontra lors de son séjour à Paris dans les années 1640-42. Il est le pendant de L’Orage -conservé au musée de Rouen.

Un berger veille sur son troupeau dans un paysage pastoral. Au-delà du lac, lisse comme un miroir, s’élève un ensemble de bâtiments inspirés du palais du Belvédère, au Vatican.

 

Composition

Le tableau représente un château implanté au bord d’un lac, des chèvres, des chevaux, des moutons, des vaches et des personnages vêtus à l’antique vaquant à leurs occupations quotidiennes.

C’est une composition rigoureusement équilibrée.

Deux grands arbres de chaque coté du tableau, au premier plan, délimitent le rectangle à l’intérieur duquel s’étagent les quatre plans successifs :
Au premier plan, dans l’ombre, la rive avec un berger et son troupeau de chèvres
Au second plan, l’étang et la rive opposée sur laquelle s’étire un troupeau de moutons mené par des vaches.
Au troisième plan, se dresse le château cerné de remparts
À l’arrière-plan, un paysage de montagnes fondu dans le ciel brumeux.

La masse imposante de l’édifice équilibre le premier plan plus sombre.

Poussin reprendra dans plusieurs de ses paysages, ce principe d’ombre au premier plan lui permettant d’ouvrir son tableau.

La réflexion totale du château dans l’eau, indique que le soleil est à son zénith, la lumière tombe à la perpendiculaire sur le paysage.

La gamme chromatique est sobre.
Au premier plan des dégradés de verts réchauffés par des jaunes, mettent en valeur l’habit rouge du berger.
Au second plan le bleu métallique, couleur froide, rend la pureté du lac et sa froideur.
Au troisième plan, la lumière poudreuse est rendue par des dégradés de jaune et de terre de sienne.
Au fond du tableau, la colline et les nuages se disputent des nuances de gris et de bleu laiteux, ciselées de lumière.

Le paysage respire une atmosphère de paix.

Cependant, Poussin a mis une note de dynamisme dans sa représentation.
Au second plan, à gauche de la composition, le spectateur décèle une agitation : un cavalier sort au galop de l’écurie.
Ce sont les petits traits de lumière sur l’habit du cavalier qui attirent l’œil du spectateur dans ce coin d’ombre du tableau.

Poussin peint le paysage d’après nature. Il reconstruit en respectant la réalité de la nature.

Dans ce tableau il peint une nature impassible et immuable où les personnages s’effacent devant le spectacle de la nature.

 

Analyse

Comme dans ses tableaux d’histoire, ce « paysage pur » de Poussin véhicule un message : Le calme de ce paysage est une allusion au calme des valeurs néo stoïques.

L’eau translucide et immobile du lac est une métaphore de l’esprit serein du sage stoïcien.

Poussin renforce la sensation de tranquillité en apportant une grande luminosité au paysage.

Poussin avec ce tableau parle de l’illustration de l’insignifiance de la vie et de la considération dérisoire de l’homme.

Si dans ses tableaux d’histoire, le paysage -idéalisé- était un élément du décor, dans ce tableau le paysage tient un rôle. L’ambiance paysagère créée par Poussin, évoque la parfaite harmonie de l’homme avec la nature.

Le paysage devient un vecteur de la représentation des relations de l’homme et de la nature.

Poussin invite le spectateur à méditer sur le calme du paysage, comme pour un tableau d’histoire.

Paysage par temps calme a son pendant L’Orage. L’un ne va pas sans l’autre et résument à eux deux les ambitions de Poussin dans les années 1650. Poussin a opposé une nature impassible à une nature déchainée en faisant un parallèle avec les passions humaines.

L’homme du XVIIe avait conscience que les idées et les passions humaines trouvaient des correspondances dans la nature.

Dans ses derniers tableaux Poussin accordera une place plus importante aux paysages.

Les quatre tableaux illustrant les quatre saisons forment une synthèse de sa peinture en associant mythologie, paysage et passage du temps.

Les tableaux illustrant les quatre saisons sont le testament artistique de Poussin.

 

Conclusion

Des paysages apparaissent dans les fresques romaines, au premier siècle de notre ère mais le paysage n’émergera comme sujet autonome pour la peinture qu’au XVIe et pris toute son envergure au siècle suivant.

À Rome, le paysage d’inspiration antique, avec vues de ruines, se développa à la haute Renaissance. Au début du XVIIe, la vogue du naturalisme renforça ces courants, cinquante ans plus tard on constatait à travers l’Europe une production de paysages extraordinairement variée.

La phase la plus dynamique de ce développement se déroula à Rome, dans les premières décennies du XVIIe. La ville comptait de nombreux artistes étrangers et, ses multiples ruines et liens avec l’Antiquité constituaient un vaste potentiel artistique.

Au milieu du XVIIe, Claude Gellée, son élève Gaspard Dughet et Nicolas Poussin reprirent les sujets littéraires et pastoraux jusque-là réservés aux peintres de l’école des Carrache. Salvator Rosa les rejoignit en inventant un type de paysage sauvage, aux estuaires rocheux et aux arbres brisés, qui préfigure le romantisme.

L’Angleterre, en particulier, fit de ces quatre peintres les références absolues du XVIIe.

L’esthétique du paysage qui s’y développa au XVIIIe fut déterminée par leurs approches.