Man in Shower in Beverly Hills – 1964 David Hockney

 

David Hockney (1937 –  )

 

Man in Shower in Beverly Hills

 1964

Acrylique sur toile

Dim 167 x 167 cm

 

Conservé à la Tate Gallery à Londres

 

Le peintre

David Hockney étudie la peinture à la Bradford School of Art et au Royal College of Art de Londres, où après une brève escapade dans l’abstraction, il est encouragé par un ami étudiant, Ronald Kitaj à traiter des thèmes plus personnels.
Sa découverte de Picasso et Bacon est une révélation comme sa rencontre avec le milieu homo de Londres qui l’encourage à assumer sa sexualité.
À partir de 1960, ses peintures sur l’amour et l’identité homosexuelle sont pleines d’audace, tant par l’imagerie que par leurs couleurs intenses, et annoncent sa fascination pour la culture américaine.
Ainsi We Two Boys Together Clinging est inspiré par le poète américain Walt Whitman après le premier voyage d’Hockney à New-York en 1961. Cette œuvre de jeunesse montre, l’influence de Jean Dubuffet, la spontanéité et, l’absence d’inhibition de l’art enfantin.
Le talent d’Hockney pour le dessin figuratif et le portrait lui ont valu une place aux côtés de Kitaj au sein de l’école dite « de Londres ».
Hockney s’installe à Los Angeles en Californie en 1963. La ville de l’hédonisme et de la liberté.
Il y vit et y travaille jusqu’à son retour dans le Yorkshire en 2009.
Il vit aujourd’hui en France, en Normandie.

Son installation en Californie coïncide avec son passage de l’huile à l’acrylique. Matière qui le conduit à peindre de grands aplats lisses utilisant une palette intense pour exprimer les couleurs irradiées par le soleil californien, tout particulièrement dans ses scènes de piscine et ses peintures d’architecture moderne.
Hockney est fasciné par la technique. Au tournant du siècle, il intègre dans ses compositions les techniques de la photocopie, du fax, des tablettes numériques. Il les associt avec la volonté d’un retour à la tradition et à la peinture baroque.
Les premiers exemples de son œuvre de dessinateur et de graphiste, notamment les gravures et lithographies, témoignent aussi des multiples facettes de son talent.
Hockney peint souvent à partir de photographies.
Il recrée notre vision fragmentée en se servant de l’appareil photo. Pour ses montages photographiques qu’il appelle « assemblages », il choisit une position d’où il photographie la scène sous plusieurs angles, appliquant le point de vue multiple du cubisme à une nouvelle technique.
Paer blossom Highway 11-18 april –1986

 

Le tableau

L’homme nu sous la douche est devenu un motif récurent de l’œuvre de Dvid Hockney après son installation en Californie en 1963.

Peignant souvent d’après des instantanés ou des images prises dans les magazines, Hockney se focalise sur les corps masculins athlétiques, emblématiques de la vie à Los Angeles, avec le soleil et les piscines.

Ces scènes de douche marquent aussi son passage de l’huile à l’acrylique, qui apporte à son travail un sens de l’immédiat. La couleur devient sa  principale préoccupation.

Pour cette représentation il s’est inspiré d’une photographie prise par Athletic Model Guide, un groupe de photographes de Los Angeles qui étudient le nu masculin.

Il existe trois tableaux du peintre avec ce décor, les deux autres sont : Boy about to take a Shower-1964 et Man taking a Showeer –1965

 

Composition

Le premier plan est occupé par une plante grasse aux larges feuilles.
Son rôle confie David Hockney  est de cacher les pieds du baigneur :
« j’ai eu beaucoup de mal à peindre les pieds du personnage et, bien que la plante ait été une partie du début de la composition, j’ai pris une solution assez facile en pliant les feuilles pour couvrir ses pieds ».
La plante est représentée à contre-jour.
Au deuxième plan un jeune-homme prend une douche dans un espace recouvert de carreaux bleus, gris et noirs.
Un rideau de douche clôture l’espace de la douche à droite du tableau.
Au-delà, un troisième plan se profile sur la droite du tableau. Une table ronde sur une terrasse écrasée de soleil est entourée de chaises multicolores. Étant représentée au-dessus de l’axe du tableau et ne voyant pas les pieds des chaises nous déduisons que la vue sur la table se fait par une fenêtre grande ouverte dans le prolongement de la douche.

Les murs de carreaux de faïence écrasent l’espace. Ils sont rectilignes et tranchants.
Le buste du personnage penché, offrant son dos au jet de la douche, permet de visualiser une profondeur de l’espace.
La tringle supportant le rideau de douche joue le même rôle en partie haute.
Les formes en virgules de la plante et le décor de croisillons de la frise au sol viennent tempérer cette rectitude.
Les lignes simplifiées de l’eau créent un effet d’optique hypnotisant.

Le peintre imbrique dans son tableau le réalisme des carreaux de faïence et l’abstraction de la suspension du rideau de douche, les lignes schématiques et les dégradés de couleurs. Il se dégage de ce parti pris une grande fraicheur.

Nous avons une vision d’intérieur de salle de bains dynamitée par les couleurs primaires et les lignes très dessinées.

La scène est lumineuse, baignée de lumière, les couleurs claquent.

Le glacis de la peinture acrylique appliqué à large touches lisses, exprime toute la luxuriance de la scène et recompose la lumière.

Le ciel est si pâle, surchauffé de lumière qu’il se confond avec le mur et égare notre regard.  Au-delà de la table nous sommes perdus.

Avec cette ouverture Hockney décale son point de fuite sur la droite du tableau.
Le zoom arrière nous rapproche de la douche où le jet d’eau rebondit sur le dos du personnage et se déploie en cascade tel une fleur.

 

Analyse

 I – Ce tableau regroupe les thèmes favoris du peintre : l’eau en mouvement, un homme nu sous la douche

Les ambitions d’Hockney ont toujours associé liberté d’approche et ouverture singulière :  Le peintre estime qu’être artiste, c’est vouloir partager une expérience, une pensée.

 Entre les années 60 et 80, Hockney aime peindre l’eau en mouvement.
Pour Hockney les maisons de Beverly Hills semblaient toutes pleines de piscines et de douches de toute forme et de toute taille.
L’eau mouvante des bassins bleus sur fond de maison en béton aux grandes baies vitrées est le sujet d’un grand nombre des tableaux de cette période.

L’eau est sa grande préoccupation, après Hokusai, Turner, Monet et Renoir, Hockney s’attelle à la représentation de l’eau.

Peindre l’eau s’est peindre la transparence, c’est rendre visible l’invisible.
Hockney peint l’eau qui danse dans la lumière.

À cette fin, Hockney expérimente diverses méthodes de représentation de gouttes et de gerbes d’eau sur ses sujets favoris, les piscines, les douches ou les arroseurs de pelouse. Il pousse jusqu’à simplifier ses représentations à l’extrême comme une bande dessinée. Ses scènes aux couleurs luxuriantes sont pleines de surprises optiques. Ses motifs émergent des ombres sur l’eau des piscines ou des projections d’eau d’un plongeon figé comme une phonographie.
A
Bigger Splash -1967 en est la meilleure représentation.

Hockney regarde le monde avec des yeux remplis de joie.
Il peint Man in Shower in Beverly Hills au moment où il découvre la lumière fixe et les ciels d’un bleu éclatant de Los Angeles.

Avec les grands aplats aux arêtes nettes et aux angles droits il extrait la transparence de l’eau, la lumière aux allures de spaghettis zigzague sur la surface bleue des piscines.

Souvent il s’appuie sur des photographies ou des polaroïds pour représenter ses Edens fantasmés.

II – Une autre préoccupation d’Hockney est la question de la perspective,

Cette troisième dimension qui défit la planéité de la toile.
Dans son atelier est accrochée la devise : « Perspective is tunnel vision ».
Dans ses paysages, Hockney tente d’exprimer cette sensation.
Il déplie l’image, renverse et combine les perspectives. Comme avec la route sinueuse de The road to York –1997

III – Le peintre aime à exploiter les nouvelles techniques

Comme le film, la photocopie, l’IPad pour dessiner, il cherche l’essence de l’objet représenté.
Il compose des paysages en mosaïque et fait des montages qui produisent l’illusion de paysage uni.
The Four Seasons, Woldgate Woods –2010-2011

Selon Hockney la photographie n’est pas une invention mais, le perfectionnement d’une technique élaborée par les peintres européens entre le XVe et le XIXe siècles. Il dit : « la photographie est née de la peinture et, du fait de l’existence de Photoshop, tend à y revenir ».
Les technologies de l’image asservissent le regard.

Comme l’ont fait les artistes au XVe et XVIe pour les techniques de leur temps, Hockney détourne les techniques proposées par l’industrie des images. Son inventivité se réjouit des nouvelles technologies et sait les contraindre à son imaginaire pour créer des tableaux singuliers.

Il utilise la perspective inversée et la juxtaposition des points de vue, comme il détourne les expériences cubistes de fractionnement de l’espace en assemblant ses photographies pour composer une image dont chaque fragment a son organisation propre.

Hockney s’approprie les supports numériques et traite les images en 3D « de désuètes et ridicules ».


IV – David Hockney, prend

Au cubisme de Picasso, à la peinture de Matisse et du Pop Art et aux couleurs de Van Gogh. Il remanie leur influence et l’intègre dans ses tableaux.

Ainsi la géométrie et l’écrasement de l’espace de ses compositions et les angles multiples de ses assemblages témoignent du passage de Picasso dans son travail.

Après la mort de Picasso en 1973, Hockney passe deux ans à Paris où il réalise de nombreuses gravures à partir des œuvres de l’artiste.

Quant à Matisse on le retrouve dans l’utilisation que fait Hockney de la couleur et dans ses compositions élégantes, comme Man in Shower in Beverly Hills –1964 qui associe le sens de l’espace, les motifs et le rendu des matières- faïence, chair, feuilles -de Matisse.
Nichols Canyon– 1980 saisit la saturation des couleurs et l’expressivité des motifs des œuvres de la période fauve de Matisse.

David Hockney pousse ses couleurs jusqu’à la saturation pour en extraire l’intensité.

Du figuratif, de l’abstraction, de la décomposition d’image, autant d’approches diverses pour réaliser ses œuvres figuratives et ses paysages aux couleurs éclatantes.

 

Conclusion

David Hockney est un perpétuel chercheur de nouvelles formules d’art, et c’est en cela qu’il est un grand artiste.

L’aspect ludique de son travail explique son succès populaire.

Laurent Wolf : « L’art de David Hockney tient à la distance, c’est parfois désagréable. Sous la peinture, l’expérience. Sous l’expérience le savoir. Il oblige à l’intelligence. »