Bartholomew Dandridge (1691-1754)
Les dames Noël
1740
Huile sur toile
Dim 118 x 156,7 cm
Conservé à la galerie d’art de Manchester, Royaume-Uni.
Le peintre
Bartholomew Dandridge a étudié à l’académie de peinture de Sir Godfrey Kneller et fréquenté la Saint Martin’s Lane Academy après sa fondation en 1720.
Bartholomew Dandridge a mené un carrière de portraitiste à la mode pendant plus de quarante ans à Londres.
Le point culminant de sa carrière eut lieu en 1732, avec le portrait de Frederick, prince de Galles, à cheval.
Le tableau
Dandridge peint ici les trois filles aînées de Baptist Noël, quatrième comte de Gainsborough.
Le portait est situé dans un jardin au fond duquel apparaît Exton Park, dans le comté de Rutland, siège de la famille Noël.
Composition
Les figures entourées de fleurs et d’animaux forment une composition gracieuse qui évoque le rococo français.
Au centre, Elisabeth, neuf ans, tient un agneau sur ses genoux, c’est l’aînée.
Jane, sept ans, la cadette, agenouillée sur le rocher, attrape une branche de l’arbre en fleurs. Elle dépose les fleurs dans une corbeille.
À droite d’Elisabeth, la plus jeune se tient debout, vêtue de bleu, c’est Juliana, six ans.
Les figures se tiennent très droites, le regard tourné vers nous.
Elles ont l’assurance et l’effronterie de la jeunesse.
Une statue de Pan, symbole du printemps et de la fertilité, et une urne géante, symbole d’immortalité, encadrent la scène de part et d’autre.
La végétation est très présente, au premier plan et encadrant les fillettes, des gerbes de fleurs ; dans le fond du tableau, les limites d’un parc bordé d’arbres au-dessus duquel s’étend un grand ciel d’un bleu chargé de pluie, un ciel anglais !
Les couleurs pastel dégagent une atmosphère douce et harmonieuse renforcée par la présence de l’agneau et de la brebis.
Analyse
Tandis que le style rococo s’épanouit en France et influence les artistes allemands et italiens de la première moitié du XVIIIe, il demeure presque absent chez les anglais, qui développent un style propre, notamment en ce qui concerne le portrait.
De 1713 à 1744, période de paix entre la France et l’Angleterre, des peintres et des graveurs français et vénitiens venus travailler à Londres y importent des éléments du style continental et exercent une certaine influence sur les artistes locaux. Parmi eux, il y a Watteau et Canaletto.
Le marché de l’art du XVIIIe est stimulé par la prospérité et la sensibilité culturelle de la nouvelle bourgeoisie marchande anglaise.
Pour ces riches négociants et hommes d’affaires, la commande d’un portrait constitue un moyen privilégié d’affirmer leur ascension sociale.
À côté du portrait individuel, un nouveau sous-genre plus ambitieux émerge :
le portrait de groupe où les personnages sont situés dans un intérieur ou un décor naturel intime.
Ces représentations qui rassemblent parents et enfants, famille et amis, deviennent un thème de prédilection de l’époque.
La position des enfants au sein de l’institution familiale évolue rapidement et stimule la demande de portraits.
L’enfance est considérée comme une période distincte de la vie, avec ses propres valeurs et ses comportements.
Les enfants sont représentés seuls, libres, livrés à leurs jeux, au lieu d’être traités comme des adultes miniature.
Bartholomew Dandridge représente trois sœurs dans un jardin arboré, en respectant les codes des portraits.
La première impression du regardeur est la valorisation de la rectitude des corps.
L’éducation de la jeune noblesse accorde un grand soin à la maîtrise du corps, que ce soit par l’étude de la danse, de l’escrime ou de l’équitation.
La posture droite est la seule garante de l’équilibre qui attribue l’assurance nécessaire au maintien, et aussi la liberté des bras et jambes d’où émerge l’aisance.
La présentation du modèle prévaut dans l’espace social.
La tète donne la première opinion par laquelle on juge une personne.
Les fillettes ont un port de tête « marial ».
La tête droite exprime la hardiesse. « …la modestie est dans les yeux » disait madame de Maintenon.
Bartholomew Dandridge bucolise dans cette toile les figures des enfants.
Le peintre conçoit le corps de l’enfant comme un objet d’art qu’il peut polir, façonner et orner.
Les trois sœurs sont représentées avec raffinement.
Le choix de cette composition les montrant dans une attitude à la fois théâtrale et quotidienne, rend les fillettes aussi sophistiquées dans la vie que sur la toile.
Dandridge cherche à représenter de la façon la plus naturelle la grâce sophistiquée et innée des fillettes.
Le peintre y parvient en prenant des gestes familiers.
Dandridge réussi à intégrer un geste lié à la rusticité (caresser un agneau, cueillir des fleurs dans l’arbre) à une grâce aristocratique et produit ainsi une impression d’aisance.
Dandridge parvient à un mélange harmonieux du noble et du rustique.
Il peint une gestuelle de retenue qui marque plus un statut social que des actions.
Leurs vêtements sont une preuve convaincante de leur haute naissance.
Dandridge utilise le langage corporel comme au théâtre.
Le peintre compense l’inaction des jambes par des expressions faciales fortes.
Le choix des gestes participe de la même intention, les gestes des bras rendent les petites filles expressives.
Les fillettes ont un regard fier, elles sont campées avec assurance sur leurs jambes et ont un bon maintien.
La palette suave, la beauté des visages et la variété des textures concourent vers le même but qui est de plaire à l’œil.
La narration s’élabore de manière feutrée au moyen des gestes et des regards.
C’est une narration aristocratique subtile et discrète.
Encadrées par la statue de Pan -symbole de fertilité et l’urne géante -symbole d’immortalité, les fillettes ont tout un programme !
Conclusion
Bartholomew Dandridge a eu une carrière de portraitiste à la mode, travaillant dans un style similaire à celui de l’anglais, John Vanderbank (1694-1739).
Ses portraits expriment son talent ainsi que l’élégance et la sophistication de l’époque.
Il joue un rôle dans le développement de la pièce de conversation, créant des groupes de personnages modèles pour juger des effets de lumière et d’ombre.
Ses portraits de l’historien Nathaniel Hooke et de Frederick, prince de Galles sont conservés à la National Gallery à Londres.