Pierre- Auguste Renoir(1841-1919)
Les acrobates du cirque Fernando
1879
Huile sur toile
Dim 131,5 x 99,5 cm
Conservé à the art Institute of Chicago
Le cirque Fernando installé boulevard Rochechouart à Montmartre est une distraction à la mode à Paris dans les années 1870.
Description
Renoir peint deux jeunes artistes, Francisca et Angelina Wartenberg sur la piste du cirque Fernando. L’une est située face au spectateur, l’autre est de trois-quarts avec le visage de profil. Elles sont vêtues de combinaisons chatoyantes et ourlées de galons ; leur chevelure est retenue par un ruban. L’aînée Francisca a ses bras dans la position du salut tandis que sa sœur retient avec les siens, des boules orangées. Elles reçoivent les applaudissements du public. Dans les premières rangées de gradins, les seules visibles, les spectateurs sont des hommes en habit de soirée.
Composition
Le tableau s’articule en deux plans
Le premier plan occupe les trois quarts du tableau il est tout en rondeur, c’est la piste du cirque
L’arrière-plan contraste avec le premier plan, c’est l’espace du public.
En coupant l’arrière-plan, Renoir utilise une perspective photographique qui concentre le regard du spectateur sur les jeunes acrobates du premier plan.
Les couleurs délimitent les deux espaces, la piste avec ses tonalités dorées et orangées et les gradins aux tonalités tertiaires affadies.
Une ligne rouge souligne le bord supérieur du parapet séparant la piste des premiers gradins. La couleur du parapet bleu tranche avec l’ocre du sable de la piste et symbolise la démarcation entre les deux espaces.
Dans les premiers gradins les spectateurs de la haute bourgeoisie portent des vêtements sombres en accord avec l’harmonie des couleurs de l’arrière-plan.
Ces couleurs mettent en valeur le premier plan où les deux artistes sont entourées d’un halo virtuel de roses, oranges, jaunes et blancs.
Pour obtenir ce rendu, Renoir utilise la lumière, la couleur et les effets atmosphériques.
Analyse
Ces deux artistes sont les sœurs Wartenberg. Elles sont allemandes et leur père dirige un des quatre cirques permanents installés à Paris en cette fin du XIXe, le cirque Fernando à Montmartre.
Renoir a choisi de représenter le moment du salut des artistes et de ce fait pose une énigme : que représentent les petites boules orangées ?
Certaines sont au sol et d’autres sont retenues dans les bras de la jeune artiste qui nous regarde.
Le titre du tableau pourrait induire une confusion.
En effet le tableau porte tantôt le titre :
Les jongleuses du cirque Fernando ou Les acrobates du cirque Fernando
Observons la tenue des jeunes artistes :
Elles portent des combinaisons chamarées. Leurs jambes sont nues et elles sont chaussées de chaussons plats lacés jusqu’au bas des mollets. Si les combinaisons sont bouffantes et décolletées, elles sont aussi très confortables et permettent tout comme leurs chaussons de virevolter librement.
Ces tenues sont des combinaisons d’acrobate.
Le doute est levé avec le tableau, daté lui aussi de 1879, de Degas représentant une acrobate du cirque Fernando ainsi vêtue sur un trapèze :
Miss Lala au cirque Fernando
Nous sommes donc en présence de deux acrobates.
Voyons-nous des balles ou des fruits ?
Quel numéro feraient deux acrobates avec autant de balles ?
La jeune artiste qui nous regarde porte autant de boules qu’elle le peut et les tient avec précaution, pour ne pas les faire tomber.
Cet argument est valable pour les balles et les oranges.
Observons celles qui sont au sol :
Deux d’entre elles sont soulignées d’une touche de blanc.
Ce blanc donne vie aux boules : elles viennent de toucher le sol.
Le blanc matérialise l’air de la chute ou une projection de sable au moment ou la boule atterrit sur la piste. Les boules ont été lancées des gradins.
Ce sont des oranges
Offrir des fruits à la fin d’un spectacle était coutumier.
Les oranges, fruits exotiques, étaient fort apprécier et le public reconnaissant les lançait aux artistes à la fin des numéros.
Renoir a représenté deux acrobates à la fin de leur numéro, recevant des oranges du public enthousiaste.
Conclusion
Le cirque est né en 1770 en Angleterre, lorsque Philip Astley réunit saltimbanques et écuyers dans un même spectacle.
Astley installe le premier cirque parisien en 1774 rue du Faubourg du Temple.
Le monde du cirque est un sujet apprécié des impressionnistes et des postimpressionnistes.Renoir peint le monde des loisirs à la ville comme à la campagne. Il trouve dans les spectacles du cirque une source d’inspiration.
Renoir peint deux de ses fils déguisés en clown.
Ses contemporains s’emparent également du sujet, Degas, Toulouse-Lautrec, Seurat. Au XXe Chagall et Picasso leur emboitent le pas. Picasso en fait le thème central de ses tableaux dans les années 1904-05 et Chagall peint une gouache sur papier en 1964 : Le cheval de cirque
Le cirque subsiste sous une forme prédominante équestre jusqu’au XXe.
Dans les années 1970, une nouvelle forme de spectacle vivant émerge.
Des spectacles innovants voient le jour comme Le cirque Plume, Zingaro ou Arlette Guss
Depuis les années 1990 on parle de cirque contemporain
Petit aparté à propos de l’orange.
Au XIXe et dans la première partie du XXe, l’orange était considérée comme un met luxueux. Dans les classes populaires, les enfants recevaient les oranges en cadeau à Noël.