Le triomphe de Vénus – 1740 François Boucher

François Boucher (1703-1770)

 

Le triomphe de Vénus

1740

Huile sur toile
Dim 130 x 160 cm

Conservé à Stockholm au National Museum

 

 

Le peintre

1720, François Boucher est apprenti dans l’atelier du peintre Lemoyne.
À ses débuts il est lié à Watteau dont il grave nombreux de ses tableaux.
1723, Il obtient le 1er prix au concours de l’Académie de peinture.
1727, il part pour Rome avec le peintre Carle Van Loo. Il rencontre Tiepolo dont il admire les grandes compositions à fresques.
1731, Il revient à Paris où il devient l’artiste préféré de madame de Pompadour, maîtresse favorite de Louis XV.
1734, François Boucher est reçu comme peintre d’histoire à l‘Académie royale en présentant comme essai sa toile Renaud et Armide.
1736, il est assurément un peintre à la mode, avec d’importantes commandes de la cour et de l’aristocratie. Il décore l’hôtel de Soubise.
En 1755, il devient le directeur de la manufacture des Gobelins.
En 1765, il est directeur de L’Académie de peinture et premier peintre du roi.

François Boucher incarne l’épanouissement du rococo arrivé à maturité.

 

Le tableau

C’est une commande du comte Carl Gustaff Tessin, ambassadeur de Suède à Paris entre 1739 et 1742.
Boucher et le comte Tessin partageaient les mêmes références artistiques et littéraires, proches des milieux littéraires libertins parisiens.

Dans Le triomphe de Vénus le personnage central est la déesse de l’amour, icône de la période rococo.

Sous l’arc de triomphe d’une soie rose nacré portée par le vent et les cupidons, la déesse de l’amour affiche un air modeste, alors qu’elle est au centre d’une scène enchantée et exubérante. Dauphins, tritons, angelots et naïades s’abandonnent aux joies de l’eau.

 


Composition

Boucher peint la naissance de Vénus émergeant des flots.

Boucher a représenté tous les attributs de la déesse de la beauté et de l’amour, le coquillage, les perles, l’écume des flots, les blanches colombes et les cupidons ; figurent aussi des tritons et des dauphins.

Au premier plan : la déesse de la beauté légèrement excentrée vers la droite du tableau est au milieu des naïades, des tritons, des cupidons et des dauphins, rassemblés à ses pieds.
Le second plan est aérien :  il est occupé par les volutes d’un long ruban de draperie et les envols de neuf cupidons.
L’arrière-plan est un ciel aux bleus réjouissants où la lumière met en relief des nuages cotonneux qui virent aux tons de gris à droite de la composition en harmonie avec les rochers qu’ils surplombent.

Vénus est assise sur l’écume, au croisement des deux obliques dominantes, l’une part du bord inférieur gauche du tableau, glisse sur Vénus et file sur les rochers du bord supérieur droit du tableau ; l’autre part du bord inférieur droit du tableau, passe sur le corps de la naïade en amazone sur un dauphin et court dans le ciel dans le sillage des cupidons.

Ces croisements démultipliés d’obliques génèrent un remue-ménage qui véhicule une grande joie à travers la toile et transmet une pétillante énergie.

Fidèles au style rococo à son apogée, les couleurs de Boucher sont vibrantes et lumineuses.

La palette colorée procure un effet de luminosité générale.
Les naïades sont de couleur claire et leurs cheveux sont blonds, les tritons ont la peau brune et les cheveux foncés.
Le bleu froid de l’océan, le bleu turquoise du ciel, le rose de l’intérieur des coquillages et les blancs écumeux ou nacrés, sont autant de couleurs triomphantes.

Les nuance de bleus qui dominent la palette chromatique, les bleus des flots et les bleus du ciel forment un immense fourreau dans lequel sont lovés tous les personnages.

Pour renforcer le contraste avec les bleus des flots, Boucher ombre de rouge les contours des corps. Les corps sont comme découpés, le regardant a une impression de mise en relief.

Toutes les valeurs s’équilibrent harmonieusement.

L’élégance du dessin et la pureté des formes favorise le charme sensuel des couleurs et le raffinement des tonalités.

La touche est fluide au service de la lumière qui entre dans le tableau par le bord supérieur gauche.

La lumière ricoche sur les vagues, cisèle l’écume et se déverse à flots sur la toile.

Avec le mouvement tourbillonnant de sa composition, cette scène mythologique est une pure sensualité poétique.

 

Analyse

Ce tableau n’a pas un caractère divin, il évoque une composition de l’art libertin. Il est la fusion du naturel et de l’artificiel.

François Boucher est le peintre rococo qui incarne le mieux la frivolité et le caractère superficiel, élégant, de la vie de cour française au milieu du XVIIIe.

Le rococo fondé sur le plaisir raffiné des sens, au-delà d’une tendance artistique fut un véritable style de vie, faisant de l’existence une continuelle satisfaction esthétique.

Dans les hôtels d’hiver et les châteaux d’été, se réunissait une société brillante, spirituelle, qui alliait les prestiges de l’intelligence aux agréments de la plus exquise courtoisie.

La France du XVIIIe, avec ses idées audacieuses et son goût du luxe, donna le ton à l’Europe.

Dans ce tableau, Boucher représente un thème mythologique traditionnel, il se sert de cet argument pour représenter la nudité féminine.

Ce tableau est une scène galante, enchanteresse, exubérante, d’une verve joyeuse.

De magnifiques figures féminines échouées sur des rochers peuplent la scène avec la même placidité que les jeunes-filles de l’aristocratie dans l’intimité de leurs boudoirs.

Vénus, avant d’être une déesse est une jeune-fille timide de la haute société. Boucher l’a peinte avec des couleurs nacrées, entourée de tous ses attributs. Elle est assise sur l’écume comme sur un divan et s’abandonne à ses rêveries et à ses occupations frivoles.
Blonde et svelte, comme les naïades qui l’entourent, Vénus est une jeune-fille idéalisée, inconsciente de son charme, innocente et totalement absente à l’excitation envahissante.

Les volutes de soie dans le ciel sont un apport artificiel.
Les envolées de draperies nacrées, suspendues comme une note de musique, arrondies comme un diadème, soyeuses comme un baiser, couronnent Vénus et la montrent du doigt.

Boucher peint la chair féminine avec une sensualité délicieuse.

Tandis que l’eau s’enflant et retombant est follement érotique. Les vagues s’enroulent autour des corps d’une blancheur de perle. La beauté des corps nus est rehaussée par l’écume des vagues, l’eau met en valeur la texture des chairs que l’œil du spectateur peut palper.

Boucher peint la joie, la grâce et la fantaisie.

Boucher représente un monde chimérique, plus capricieux et plus sensuel que celui de Watteau et sans la pointe de mélancolie de Pèlerinage pour l’île de Cythère.

Le raffinement de ses nus évoque les sculptures de son contemporain le sculpteur Falconet.

Comparés aux fresques rococos de Tiepolo nobles et romantiques, les tableaux de Boucher sont inventifs et joyeux.

 

Conclusion

La carrière de Boucher a été une réussite considérable, il a reçu de nombreuses distinctions.

Au meilleur de son œuvre il a acquis un charme irrésistible et un grand brio dans l’exécution.

C’est son principal élève, Fragonard qui a hérité de ses plus grandes qualités.

Son style passe de mode à l’arrivée du néo-classicisme vers 1760. Après sa mort il sera discrédité. C’est le Second Empire qui le redécouvrira.

Si Boucher est considéré comme un artiste de cour et son art comme le reflet de la légèreté du XVIIIe, il n’en demeure pas moins un peintre d’Histoire.
On pense au Jugement de Suzanne -1720. En 1757, Madame de Pompadour lui acheta un Repos pendant la fuite en Égypte.

Boucher occupait une place de qualité dans la communauté artistique, il est le concepteur d’une touche libre et éclaircie, inédite en 1740.

Cependant ses tableaux religieux laissent entrevoir qu’il savait traiter les toiles
« sérieuses » aussi bien que les toiles libertines.

Boucher a été victime de son succès, entraîné par les caprices de la mode et la nécessité de conserver des commandes.

Jusqu’à sa mort en 1770, Boucher continuera à peindre dans le style qui a fait sa renommée et exposera encore au Salon de 1769.

Diderot écrit à ce propos : « Le Vieil athlète n’a pas voulu mourir sans se montrer encore une fois dans l’arène ».