Le Paradis – 1912 Maurice Denis

Maurice Denis (1870-1943)

 

Le Paradis

1912

Huile sur bois

Dim 50 x 75 cm

Conservé au musée d’Orsay à Paris

 

Le peintre

Maurice Denis manifeste très tôt un intérêt pour le dessin.
Maurice Denis se forme à l’Académie Julian, aux côtés de d’Édouard Vuillard, Pierre Bonnard, Paul Ranson et Paul Sérusier.
Ensemble ils fondent le mouvement Nabis.
A partir de 1891, les premières expositions du groupe révèlent des tableaux hautement décoratifs.
Les expositions collectives cessèrent en 1900 et les artistes poursuivirent des voies divergentes.

 

Le tableau

Maurice Denis a peint ce tableau juste après avoir réalisé les peintures du plafond du théâtre des Champs -Élysées. Un travail harassant.

Le Paradis est une sorte de « vacances d’été ».

Père de neuf enfants nés de deux mariages, sa première épouse est décédée en 1919, Maurice Denis aura presque toute sa vie été entouré d’enfants en bas âge, qui lui servent de modèles.

De 1920 à 1941, le tableau est la propriété de Paul Jarnot.
En 1941, celui-ci le lègue au Musée du Louvre.
En 1977, le tableau passe dans les collections du musée d’Orsay.

 

Composition

C’est une composition graphique, parfaitement équilibrée.

Le peintre représente son jardin. Il transcende la nature.
Il peint les fleurs qu’il a plantées, des hortensias, des marguerites, des roses.

Ce tableau pétille.
Les dégradés de jaunes, oranges et rouges s’harmonisent avec les demi-teintes délicates roses, mauves, bleu pâle.
Les couleurs sont mises en valeur par la puissance des verts.
Ce contraste de couleurs dynamite la scène.
Il en résulte une formidable énergie.

Les enfants et les plantations font une ronde.

Ce tableau est un condensé de bonheur, mis en scène par Maurice Denis.
Les farandoles, courses-poursuites et partie de cache-cache célèbrent la joie de vivre.

Le regardant a une vue en plongée.
Au-delà du mur qui ceint le jardin, la mer à marée basse découvre les rochers.
Le ciel n’est pas de la partie ou plutôt,  il est fondu dans l’eau de la mer.

Les couleurs vives sont posées en aplats, les contours sont vibrants.
La mer à l’arrière-plan est représentée avec la même attention que le jardin.

Il n’y a pas de profondeur, pas d’ombre, la lumière aplatie tout.

Ce tableau évoque  un papier-peint.

 

Analyse


I-   Ce tableau célèbre la jeunesse et la nature.

Le peintre représente un jardin au bord de la mer en été, un jardin comme un paradis.
Son paradis.
Le peintre prend pour décor le jardin de sa maison le Silencio, à Perros-Guirec – sur la côte d’Amor.

Ce tableau exalte la fraicheur et la joie.
La nature caracole, les fleurs, la verdure foisonnent et font le bonheur de la troupe enfantine.

C’est un temps suspendu

La toile est mise au service de la création de la beauté plutôt que de l’imitation de la nature.

C’est une scène hautement décorative.

A la fois réaliste, symboliste et décoratif ce Paradis aux silhouettes simplifiées, sans profondeur, répond aux recherches menées par le groupe de Maurice Denis, les Nabis.


II-   Le thème de l’enfant est très présent dans l’œuvre de Maurice Denis.

Des Nabis, il est le peintre qui a été le plus marqué par la figure de l’enfant qu’il représente dans des scènes de la vie quotidienne.
Maurice Denis peint la place de l’enfant dans la famille et dans la société.
Il peint la séduction des enfants.
C’est un thème récurrent chez le peintre.

Trois thèmes ressortent de son œuvre, l’Art, l’Amour et la Foi.
Tous trois trouvent leur expression concrète dans la célébration de la maternité et de l’enfance.

Catholique, attaché à ses valeurs, Maurice Denis est père d’une famille nombreuse, c’est naturellement qu’il peint sur ce thème, fruit de sa vie personnelle.

 Maurice Denis peint une enfance idyllique, ses scènes sont joyeuses, apaisées.


III-   Denis consacre une partie de son œuvre à l’art religieux
,

Il admire l’art primitif italien, l’harmonie sereine et la douce luminosité de Botticelli le séduisent.
Cette toile est animée par la religiosité du peintre.

L’esthétique symboliste de Denis maintient à distance ses conflits intérieurs.
Maurice Denis écrit « l’art est l’équivalent passionné d’une sensation vécue ».

Le peintre ne trace jamais de frontière étanche entre le sacré et le profane.
Il investit son jardin d’un contenu évangélique.
Le peintre nous entraîne vers une religion du quotidien.

Sa peinture est une peinture idéaliste.
Si le titre du tableau évoque la félicité chrétienne, Maurice Denis s’est émancipé de l’iconographie religieuse.
Exit Adam et Ève, exit le serpent tentateur, seuls une farandole d’anges et d’enfants anime ce jardin de rêve.

Il élabore une toile où sacré et profane se superposent intimement.

Comme l’exprime Le Paradis, chez Maurice Denis, le sacré est toujours ancré dans la vie quotidienne.

 

Conclusion

Maurice Denis s’est attaché toute sa vie de peintre à concilier l’atmosphère décorative au contenu sans cesse renouveler de sa création.

Au début d’un siècle traversé par les ruptures que marquent le cubisme, l’art abstrait ou les angoisses métaphysiques de De Chirico, la peinture de Maurice Denis oublie les avancées formelles.
Le peintre Nabis délaisse le discours symbolique pour les représentations allégoriques.

L’œuvre de Denis paraît vouloir fixer le rêve d’une société idéale.