Le mauvais berger -1851 William Holman Hunt

William Holman Hunt (1827-1910)

 

Le mauvais berger

1851

Huile sur toile

Dim 76 x 110 cm

Conservé à la Manchester Art Gallery à Manchester

Le peintre

Il est le fils de William Hunt et de Sarah Holman. Hunt grandi dans un foyer religieux. A l’âge de 12 ans, il quitte l’école, travaille comme employé tout en étudiant la peinture.
En 1844, il intègre l’école de la Royale Académie et se lie d’amitié avec Millais qui lui fait découvrir la poésie de Keats et les écrits de John Ruskin. Il lit Modern Painters’ de Ruskin qui l’influencera dans ses choix artistiques.
En 1845, il expose ses premiers œuvres à la Royal Manchester Institution
En 1846, il expose à la Royal Académie.
Il fréquente le Cyclographic Club, où il rencontre Rossetti et Brown ; ensemble, en septembre 1848, ils fondent le groupe des préraphaélites.
Pendant dix ans il peint ses tableaux les plus célèbres, accueillis positivement par les collectionneurs. Le public de plus en plus admiratif est conquis.
En 1854, il voyage pendant deux ans en Égypte et en Terre Sainte, aux côtés du peintre Thomas Seddon.
En 1905, il reçoit l’Ordre du mérite. Il est devenu un peintre reconnu et respecté dans le monde entier.
En 1910, à sa mort, sont organisées des funérailles d’État.

Son premier succès public est La lumière du monde –1851-53, une allégorie et une œuvre symbolique vantée par Ruskin.

Ses œuvres les plus connues sont
The Awakening Conscience -1853 à la Tate Gallery à Londres et
The lady of Shalott –1886-1905, à Wadsworth Atheneum -Hartford, ce tableau est l’une de ses dernières peintures.

 

 Le tableau

Hunt passe l’été à Surrey, en Angleterre en compagnie de John Millais Everett.
Il travaille sur ce tableau et peint un paysage naturaliste.
Plus tard, la même année en hiver, dans son atelier, il ajoute les personnages.

Exécuté avec un esprit de visionnaire, le tableau fut exposé à l’Académie royale en 1852 accompagné de vers du Roi Lear de Shakespeare :
« Tu dors ou tu t’éveilles, joyeux berger ?
Que tes moutons soient dans le blé
Et pour un souffle de ta bouche exquise
Tes brebis ne prendront aucun mal ».

Le tableau est accueilli avec hostilité.
Les critiques se focalisent sur le berger : « son visage brun révéle trop d’attention aux barils de bière ou de cidre ».

Le baril attaché à sa ceinture a été rajouté par Hunt en reconnaissance de la pratique habituelle de payer les travailleurs agricoles avec de la bière.

 

Composition

Dans un premier temps, Hunt a peint le paysage sur le motif.

Il s’est appliqué à le représenter avec force détails et une grande précision.
Le paysage est d’un réalisme méticuleux.

Derrière les personnages, le troupeau, les grands arbres et le champ de blé constituent le second plan.
Sur la droite de la toile serpente un ruisseau délimité par deux rangées d’arbres de part et d’autre.
La rangée d’arbres de droite, délimite un champ de blé mur. Les hautes tiges de blé d’un blond doré ont attiré un mouton qui s’est aventuré jusqu’au champ cultivé.
La rangée d’arbres de gauche, par en diagonale, s’enfonce dans le paysage et marque l’axe de la toile.
Le troupeau de moutons s’est agglutiné dans les ombres de cette rangée d’arbres, certains sont couchés, d’autres regardent dans la direction du regardant.

Au-delà, un troisième plan, animé par les verticales des peupliers et les horizontales des cultures, s’étend jusqu’à l’horizon.
Le champ cultivé trace des lignes parallèles qui suggèrent qu’il s’agit de vignobles.

L’horizon haut est surmonté d’un ciel bleu auquel sont accrochés quelques nuages.

Les personnages peints au bord inferieur de la toile, au premier plan, ont été placés en applique, en atelier.
Hunt les a représentés en très gros plan.
Leurs vêtements de couleurs très vives, les détachent du fond.
Un peu, comme s’ils avaient été découpés et posés là.
Les couleurs choisies par Hunt mettent ses personnages en relief.

Les personnages sont dans l’herbe, au bord d’un ruisseau.
Une herbe très verte, haute, grasse, piquetée de fleurs et de feuillages.

Une scène se joue : un berger tente de courtiser une jeune femme, pendant qu’un mouton s’est éloigné du troupeau et s’apprête à manger du blé.

La jeune femme porte un chemisier blanc et une jupe rouge. Elle est assise, le buste incliné vers l’arrière,  elle prend appuie sur l’épaule gauche du berger qui l’encercle avec ses bras robustes. Sa main droite est calée dans l’herbe, son épaule droite est contre la gorge du berger.

Le berger est à genoux, son buste est penché en avant pour approcher son visage de celui de la jeune-femme, sa main droite encrée dans l’herbe, lui permet de garder l’équilibre. Son bras droit croise celui de la jeune-femme. Il est habillé d’un pantalon et de guêtres ainsi que d’une veste -taillés dans un tissu brun, par-dessus l’habit, une étoffe d’un bleu soutenu est retenue à la taille par une ceinture à laquelle est accroché un petit tonneau.

Les deux personnages ont des chevelures rousses, leurs boucles de cheveux s’emmêlent. Le berger est collé à la bergère.
La jeune-femme a le teint clair, les joues rouges du berger exprime son émoi.
Les pieds-nus de la jeune-femme effleurent l’eau du ruisseau que l’on repère à ses reflets. Ce détail ajoute de la sensualité à la scène.

Un agneau enroulé dans un pan de la jupe rouge de la jeune-femme est sur ses genoux. Ce détail fait référence à la douceur de la jeune femme.

L’agneau croque des pommes. Ce sont des pommes vertes, une est entamée entre ses pattes, une autre est intacte, deux ont roulé dans l’herbe.
Ce détail est comme une allusion au péché originel.

Le berger se montre entreprenant.
Pour approcher la jeune-femme au plus près, il prétexte de lui montrer un papillon qu’il tient dans sa main gauche. Elle s’en désintéresse, détache son regard du papillon et regarde dans la direction du regardant.

Un regard en coin plein de sous-entendu.

Ce regard nous indique que nous avons une vue en contre-plongée.

Les ombres nous indiquent que le soleil est haut. La lumière arrivant par la droite du tableau se faufile entre les arbres et se répand sur la toile.

La lumière fait ressortir les couleurs crues des vêtements et de l’herbe au premier plan. Les reflets dans l’eau scintillent comme des diamants.

Au second plan les rayons lumineux se miroitent avec douceur sur la laine des moutons et adoucissent les verts du pré et des feuillages des peupliers.

Plus on s’enfonce dans la toile, plus les couleurs sont pastel et tranchent avec les couleurs du premier plan.

Hunt a une technique : il applique des fines couches de couleur sur un fond blanc mouillé. Le peintre obtient ainsi, une meilleure acuité visuelle, une clarté et une grande intensité des couleurs.

 

Analyse

 I-  Déçus par la peinture contemporaine, les membres de l’Association préraphaélite souhaitèrent revenir au temps de la « pureté » picturale, qui selon eux avait décliné depuis la fin du XVe, d’où leur nom.

S’inspirant des peintres italiens du début de la Renaissance et de l’art flamand plus méticuleux de Robert Campin et de Jan Van Eyck, ils cherchèrent à retrouver la fidélité du détail et une spiritualité perdue depuis la Renaissance.

L’association préraphaélite fut formée par un groupe de sept jeunes artistes, dont Dante Gabriel Rossetti, William Holman Hunt et John Everett Millais. Ils firent leur début en 1849 aux expositions de l’Académie royale et de la Société libre où les initiales « P.R.B. » (Pre-Raphaelite Brotherhood) accompagnaient les signatures des artistes.

Malgré leur attachement au réalisme, les préraphaélites n’évitèrent pas les sujets littéraires ou historiques comme le firent les réalistes français.
Ils s’inspirèrent aussi bien de l’Ophélie de Shakespeare et des thèmes bibliques que des réalités sociales de l’époque.

Les préraphaélites prennent à cœur les propos de Ruskin : « Ils doivent aller dans la nature avec un cœur simple, et marcher avec elle avec peine et confiance, n’ayant d’autre pensée que de pénétrer au mieux son sens ; ne rien rejeter, ne rien sélectionner et ne dédaigner rien ».

Hunt est inspiré par la poésie romantique, ce sont ces sujets qui ont sa préférence.


II-  Le mauvais berger est
un tableau aux couleurs agressives, aux détails précis, à la morale insistante. 

A/ Hunt s’astreignait à reproduire méticuleusement les éléments les plus prosaïques.

L’omission des détails chez les préraphaélites relevait autant de la trahison que de la négligence.

 B/ Trop clinquant pour susciter l’émotion du regardant.

Pour John Everett Millais, William Holman Hunt et, un peu plus trad, Ford Madox Brown, la fidélité consistait à livrer une version de la réalité qui ne fut ni idéalisée ni retravaillée, bien que cette approche leur valût l’antipathie des critiques.

Les membres du groupe furent aussi l’objet de critiques favorables et trouvèrent un allié inespéré en la personne de John Ruskin, qui défendait justement les artistes pour leur souci de vérité.

C/ Le tableau véhicule une morale, à l’instar de nombreux tableaux préraphaélites.

Ce berger et cette bergère enlacés pourraient rappeler, de prime abord, des sujets similaires traités par différents peintres du mouvement rococo français tel François Boucher.

Comme Hunt l’expliqua dans une lettre, par la négligence du berger ses moutons s’éloignent vers un champ de blé voisin, de même que le manque de vigilance morale écarte la société du droit chemin.

 

Conclusion

Le préraphaélisme de Hunt et Rossetti était le mouvement artistique le plus important de l’époque victorienne en Angleterre.

Mouvement qui s’inspirait d’Homère, de Shakespeare, de jésus et de Raphaël !

Les premiers tableaux du groupe seront religieux et mal reçus. Les sujets suivants, font référence à la mythologie, la littérature, le roman médiéval et tout ce qui relève des légendes. Viendront ensuite les sujets qui abordent la vie quotidienne et les dégâts de l’industrialisation.

A partir des 1850, les membres originels du groupe, suivirent chacun leur voie, alors que de nouveaux artistes rejoignaient le cercle. Cette seconde génération de Préraphaélites mit le groupe en contact avec le mouvement « Arts and Crafts ». L’accent fut mis sur la beauté elle-même à travers la représentation d’un personnage féminin sensuel.

Les idées de l’association, notamment son intérêt pour la littérature et les thèmes médiévaux et certaines de ses qualités formelles survécurent parmi les générations d’artistes suivantes, comme John William Waterhouse -né l’année de la formation du groupe.

Le préraphaélisme a une influence importante sur la peinture britannique contemporaine du début du XXe, ainsi que sur le mouvement européen du symbolisme.

Aujourd’hui les tableaux de William Holman Hunt sont conservés dans les galeries de Birmingham, de Liverpool et de Manchester à Londres ; et dans les meilleurs musées d’art en Amérique.