Le mariage de la Vierge – 1500-1504 Le Pérugin

Pietro Perugino (1448-1523)

 

Le mariage de la Vierge

1500-1504

Détrempe sur bois

Dim 234 x 185 cm

Conservé au musée des Beaux-Arts de Caen, France

 

Le peintre

C’est à Pérouse, sa ville natale, qu’il doit son surnom de Le Pérugin.
Le Pérugin est issu d’une des plus riches familles de Città della Pieve, un petit bourg à proximité de Pérouse.
En 1472, il étudie dans l’atelier de Verrocchio à Florence aux côtés de Léonard de Vinci, où il apprend la peinture à l’huile venue des Flandres.
En 1475-78, il travaille à la décoration de la salle des Prieurs de Pérouse et réalise des fresques pour l’église paroissiale de Cerqueto, près de Pérouse.
En 1481, il décore la chapelle Sixtine à Saint Pierre du Vatican aux côtés de Sandro Botticelli et Domenico Ghirlandaio.
Plus tard, à Rome, il décore la Cour papale pour le couronnement du pape Innocent VIII, puis pour celui d’Alexandre VI.
En 1494-97, il est appelé à Venise pour décorer le  palais des Doges.
En 1496, à Pérouse, il réalise le cycles de fresques allégoriques du Collegio del Cambio qui décorent la salle des Audiences de Pérouse.
Ce cycle est une des œuvres majeures de la Renaissance italienne.
Dans les années 1500-1504, Raphaël est l’un de ses élèves, dans son atelier à Pérouse.

Pietro di Cristoforo Vannuci dit Le Pérugin est un artiste novateur.

 

Le tableau

L’œuvre était destinée à la chapelle du Saint Anneau du dôme Saint Laurent de Pérouse, où était conservée la relique de l’anneau nuptial de la Vierge.
La chapelle achevée en 1489, a été repeinte après que la relique ait été récupérée en 1488, après avoir été volée dans une église de Chiusi.

Le grand retable, initialement commandé au Pinturicchio, a finalement été réalisé par Le Pérugin de 1501 à 1504.

L’armée napoléonienne en 1797 a confisqué le tableau.
Le tableau est inventorié à Paris en 1798 et expédié à Caen en 1804.
Toutes les tentatives de la commune de Pérouse entre 1814 et 1816 pour récupérer le tableau sont restées infructueuses.

Le Pérugin illustre un passage du Nouveau Testament, un épisode de la vie de la Vierge, dit « mariage de la Vierge ».
Info Wikipédia

Le thème du mariage de la Vierge n’est pas évoqué dans les évangiles canoniques, mais les textes apocryphes, ainsi que La Légende dorée de jacques Voragine donne des détails de cet épisode.

Lorsque que Marie, élevée au temple de Jérusalem, atteint l’âge de 14 ans, le grand prêtre convoque les descendants de David en âge de se marier. Chacun doit avoir une baguette et celui dont la baguette fleurira sera l’époux de Marie.
C’est Joseph qui remporte l’épreuve et la colombe du saint Esprit vient se poser sur la baguette fleurie.
Le mariage est célébré suivant le rite juif.

 

Composition

Présentation du musée de Caen :

« L’œuvre représente le mariage de joseph et de la Vierge Marie.
Le grand prête Zaccharie unit leurs mains, précisément à l’aplomb de la porte ouverte dans le temple de Jérusalem, représentée telle une architecture idéale à l’arrière-plan.
Ce bâtiment octogonal traversé de part en part d’un rectangle de lumière et laissant entrevoir le paysage au loin, symbolise l’horizon théologique auquel les deux protagonistes sont promis.
Cette ouverture marque également le point de fuite vers lequel convergent toutes les lignes du tableau, créant un sentiment physique de l’espace.
Sur l’esplanade centrale parcourue de lignes perspectives, sont représentées de fines silhouettes d’hommes, dont plusieurs ont un bâton à la main, que l’un d’eux tente de casser en prenant appui sur sa jambe.
Le même geste se répète au premier plan. Celui dont la baguette refleurirait serait l’heureux élu, ce fut le cas pour Joseph. Les autres prétendants plus jeunes sont animés de dépit. »

Au centre du premier plan, dans l’axe de la composition, de face, le grand prêtre est campé sur ses deux jambes.
Immobile et massif, il tient la main de Marie et celle de Joseph.
Il assiste au geste de Joseph qui tient de la main gauche la baguette fleurie et de sa main droite passe l’anneau nuptial à Marie.
Les traits du grand prêtre sont nobles et sereins et son geste par lequel il unit les deux mains a une allure paternelle.

Placés symétriquement de part et d’autre, derrière Marie et Joseph, les compagnes de Marie ont une physionomie douce, elles tournent leur visage et semblent indifférentes. Les prétendants éliminés, quant à eux, sont irrités et animés de passion violentes comme en témoigne le geste de casser la baguette contre le genou. Ces derniers portent des coiffures pittoresques et originales, caractéristiques de l’art du maître de Pérouse.
Le parallélisme est complet, à un figure vue de dos dans le groupe des femmes, répond un figure vue de dos dans le groupe des hommes.

Tous les personnages sont habillés à la mode du XVe.

Le Pérugin représente Joseph tel le vieillard de l’évangile apocryphe, une simple couronne de cheveux blancs orne sa tête qui dégage de la bonté.
Les autres prétendants sont beaucoup plus jeunes, l’un d’entre eux a les traits du peintre.
L’arrangement des cheveux de Marie est austère, sa robe et ses draperies sont sobres et manquent d’élégance. Le personnage de Marie est fade, ses accompagnatrices sont plus jolies et mieux vêtues qu’elle.
Le sujet de la composition n’est pas Marie, le sujet est le mariage, l’échange des anneaux.
Le point de mire est le grand prêtre.

Au second plan, sont éparpillées de fines silhouettes de prétendants- ces groupes secondaires permettent de mesurer l’étendue que le peintre a instaurée entre son premier plan et l’horizon. Ces petits groupes sont très animés.

Au bout d’une perspective de dallages et de marches s’élève le grand temple à l’harmonie architecturale parfaite.
Les marches au nombre de six forment un piédestal au temple.
C’est un édifice à plan central de forme hexagonale complété de portiques.
La porte ouverte qui permet au regard de traverser l’édifice donne un sentiment de luminosité allégeant l’architecture qui se détache sur un fond de paysage discret, clair et délicat, où l’on reconnait le « style doux » du peintre.
Les ondulations du paysage rompent la rigidité des lignes de l’architecture.

La gamme chromatique est d’une remarquable limpidité.
Les couleurs dégagent une grande douceur et prêtent aux personnages cette grâce, qui est une caractéristique du style de Le Pérugin.

Une lumière claire assure l’unité des éléments et donne aux figures une force plastique.

L’emplacement central des personnages, l’architecture majestueuse du temple et la symbolique rappellent le caractère céleste des figures.

Analyse

Le Pérugin révolutionne l’art de la peinture avec un nouveau langage pictural.

Le Pérugin donne le premier rôle à l’espace harmonieux et à l’architecture symbolique.

Le sens architectural de Le Pérugin éclate dans sa composition du Mariage de la Vierge. Avec sa vue frontale du temple, traversé de part en part par une percée lumineuse dans l’axe du tableau autour duquel gravite l’espace grandiose de la plate-forme. Son espace est ouvert et tempéré.
Il est le maître dans le découpage de l’espace avec des vides, et des silences harmonieusement répartis

Le Pérugin invente de nouvelles règles de composition.

La clarté de la composition propose un modèle d’équilibre à l’esthétique raffinée, sublimée par la lumière, l’emploi d’éléments architecturaux à l‘antique et la beauté des figures.
Son art cristallin fait de transparences et de lumières théâtrales suscite des effets inédits de grâce et de séduction.

Le Pérugin a la maîtrise plastique du modelé, il a le souci de la continuité des formes et de l’enveloppe lumineuse.

Le Pérugin est aussi attentif à la justesse du dessin et de la perspective qu’à l’harmonie des couleurs.

Ses couleurs blondes irradient et  témoignent de la grande maîtrise technique du peintre.

Ces œuvres de maturité révèlent  la prédilection de Le Pérugin pour les couleurs travaillées par la superposition de glacis transparents.

Le Pérugin était dans le registre italien un équivalent du peintre allemand Memling, connu pour son style empreint de sérénité et de douceur.

La manière de Le pérugin servit à diffuser une sensiblerie qui avait surtout été jusque-là la caractéristique des flamands, avec des saints et des saintes aux visages alanguis et aux yeux humides.

Le Pérugin a su séduire les plus grands commanditaires avec la délicate langueur de ses Vierges à l’Enfant.

Le peintre décrit la physionomie de ses figures de façon minutieuse et restitue également par un subtil jeu des ombres et des lumières sa psychologie.

Son élève, Raphaël est attentif à cette composition qu’il reprend avec soin dans sa représentation du Mariage de la Vierge.

Raphaël a vingt ans lorsqu’il peint ce tableau et on retrouve la marque de son maître Le Pérugin avec l’évidente similitude dans la composition, dans l’architecture et dans certaines attitudes des figures.

Chez Raphaël, le tableau et les personnages sont plus petits.
Raphaël interpose les groupes, la Vierge et ses suivantes sont à gauche de la composition, saint Joseph et les hommes qui l’accompagnent sont à droite.
Saint Joseph n’est plus le vieillard légendaire qu’a présenté Le Pérugin.

Le peintre concentre l’intérêt de sa composition sur la Vierge. Elle est belle. Ses suivantes sont pleines d’attention et de respect et leurs regards tournés vers la Vierge entrainent l’œil du regardeur.

La vogue de Le Pérugin fut immense.

Il signifiait un arrêt imposé au bouillonnement des formes, à l’ornement, au caprice ; il mettait fin d’un coup au romanesque tendu des conteurs siennois et toscans. Il représentait la dernière forme du « modernisme ».

Dans les années 1495 ce n’est pas Léonard de Vinci qui occupe Ludovic le More ; c’est Le Pérugin.

C’est lui qui est sollicité pour terminer La descente de croix de Filippino à Florence et le cycle allégorique du studiolo de Mantoue, commencé par Mantegna.

Vasari qui n’estime en lui que le précurseur de Raphaël affirme que le Pérugin est peut-être avec Mantegna, le peintre italien qui a joui sur la fin du siècle de la plus grande autorité en occident.

  

Conclusion

Extrait de Les vies des Meilleurs Peintres, Sculpteurs et Architectes, Florence, 1568 de Giorgio Vasari :
« Si l’art de peindre avait été perdu, c’est lui qui l’a retrouvé ; s’il n’avait jamais été inventé, c’est lui qui nous l’a donné. L’an de notre salut 1500 »

Le Pérugin est considéré par ses contemporains comme l’un des plus grands peintres d’Italie. Il initie pendant les dernières années du XVe et les premières du XVIe, une nouvelle manière de peindre qui a profondément marquée son époque.

Le pérugin crée un nouveau langage pictural dont l’influence s’est étendue au-delà des frontières. Il devient le chef de file d’un courant artistique de portée internationale qui va se diffuser dans l’Europe entière par l’intermédiaire du jeune Raphaël dont les œuvres rencontrent à leur tour un vif succès.