Le coureur – 1912 Jean Metzinger

Jean Metzinger (1883-1956)

 

Le coureur

1912

Huile sur toile

Dim 130,4 x 97,10 cm

Conservé à Venise dans la collection Peggy Guggenheim

 

Le peintre

Metzinger étudie la peinture dans une académie nantaise.
À vingt ans, il s’installe à Paris pour se consacrer pleinement à la peinture.
Grâce à Max Jacob et à Apollinaire, il rencontre Picasso et Braque.
En 1908, il expose avec Braque, Sonia Delaunay, Derain, Dufy, Picasso.
En 1910 il rencontre Albert Gleizes.

Peintre, critique d’art et poète, Metzinger est considéré comme le principal théoricien du cubisme.
Co-fondateur du Groupe de Puteaux (dit aussi Groupe de la section d’Or ). La première exposition cubiste du Groupe eu lieu en 1912 dans la galerie La Boétie, elle rassembla une trentaine de peintres et sculpteurs (dont Kupka, Léger, Picabia et les frères Duchamp).
La dernière exposition de la section d’Or se tint en 1925 à la galerie Vavin-Raspail.

 


Le tableau

Ce tableau appartient à une série de trois tableaux crée en 1912 :

Le cycliste, Le coureur et Au vélodrome

Le drapeau tricolore et l’affiche de la course Paris-Rouen indiquent que Jean Metzinger a représenté la première course cycliste française longue distance organisée en 1869.

 


Composition

Une composition cubiste

Des diagonales dessinent la piste, génèrent la profondeur et son aplatissement immédiat contre les verticales des tribunes.

Les perspectives sont suggérées par une composition de couleurs et de formes.

L’élément figuratif, le cycliste, est au centre de la composition.

Le peintre cadre son personnage en perspective frontale.

Le cycliste surgit au premier plan et occupe tout l’espace de la toile.

La fragmentation du personnage, ses courbes et ses différents angles, placés en surface de la composition, créent rythme et harmonie.

Le dessin précis, les ombres délicates, distribuées d’un point de vue photographique (positif et négatif-couleurs et gris), figurent un cycliste en mouvement.

Autour du cycliste, Metzinger multiplie les perspectives et module l’espace, qui apparait sous la forme de compartiments colorés.

La palette est relativement assourdie.
Une grande plage de gris au premier plan est jointe à une plage de jaune qui figure la piste et s’étire jusqu’au fond du tableau.
Une kyrielle de facettes qui reprennent les couleurs de la composition, jaune, gris, vert, surlignés de noir -comme un vitrail, agence le cycliste. Sa tête et son bras droit sont transparents, le visage et le bras sont façonnés par les tribunes tandis que le haut du crâne reprend la couleur grise du ciel.

Analyse

La bicyclette s’est frayée un chemin à travers les siècles, c’est un thème récurrent dans l’art.

De la fin du XIXe à nos jours, ce moyen de transport éternel a toujours été exploité par des artistes, peintres, sculpteurs, photographes et graphistes de l’histoire de l’art occidental.

I-   Les bicyclettes de Metzinger trouvent leur place au milieu d’une envolée d’œuvres d’art consacrées aux cycles

La bicyclette a été traitée, par des mouvements artistiques spécifiques, sous différents aspects : la publicité, la détente, le sport et la vitesse.

La publicité
La bicyclette s’empare des affiches qui mettent en avant la méritocratie et le courage.

Toulouse-Lautrec est sollicité pour réaliser une publicité pour des chaines de vélo anglaises. Il réalise la célèbre affiche : La chaîne Simpson -1896 qui représente le champion français Constant Huret pédalant sur un tandem.

Une autre affiche a été conservée jusqu’à nos jours, dans la collection Ivan Bonduelle, c’est une publicité pour les cycles J.B. Louvet qui met en scène l’arrivée du Tour de France 1912.

La détente
Le cycle devient un décor, un support, joue un rôle d’équilibre dans les compositions

Chez Federico Zandomeneghi : Rencontre à bicyclette – 1896
Chez Salvador Dali : Colloque sentimental –1944
Chez Fernand Léger : Loisirs sur fond rouge -1949

Au fil du temps, La bicyclette se transforme en sculpture singulière, unique.

Robert Rauschenberg cabre la bicyclette avec sa sculpture berlinoise Faire du vélo –1998
Picasso détourne la bicyclette avec sa Tête de taureau –1942 : une selle en cuir représente le visage de l’animal alors que le guidon de vélo en métal symbolise ses cornes.
Jean Tinguely sacralise la bicyclette avec : Le fragment d’un hommage à New-York –1960
Gilbert Liblin avec sa Bicyclette de Gisèle -2007 honore ce moyen de transport populaire et irremplaçable.
Contemporaine, une impressionnante œuvre d’art, la sculpture géante de Claes Oldenburg et Coosje van Bruggen, enterre la bicyclette.
Elle est réalisée à partir de morceaux de vélo qui émergent de la pelouse du parc de la Villette à Paris.

Avec Le cycliste -1913 de Natalia Gontcharova le registre change, la bicyclette incarne le sport, la vitesse.

Les artistes prennent la bicyclette comme support au traitement du dynamisme, du mouvement et de la vitesse.

Umberto Boccioni : Le Dynamisme d’un cycliste -1913
Gerardo Dottori : le Cycliste -1914
Fortunato Depero : les Cyclistes -1922
Christian Choquet : Tour de France 2003

Le coureur de Metzinger s’inscrit dans cette mouvance

II-   Metzinger s’est focalisé sur la représentation du mouvement.

Le thème de la bicyclette est pour Metzinger l’opportunité d’exploiter la technique cubiste.

Influencé par la photographie et le cinéma, à partir de 1908, Metzinger s’approprie les principes fondateurs du cubisme.

La bicyclette incarne à merveille le dynamisme, le mouvement et la vitesse.

Le coureur le démontre.

Dans ce tableau Metzinger peint  l’impression de mouvement :
Par les lignes droites initiées dans le cycliste et qui se prolongent au-delà de ses contours,
Par la transparence du personnage,
Par le jeu entre les espaces positif et négatif,
Par les zones d’ombre et de lumière,
Par la présence d’une autre roue juste devant le cycliste, sur la gauche de la composition.

Metzinger applique les techniques du cubisme.
Et si le tableau est moins fragmenté qu’une toile de Braque ou de Picasso, il gagne en visibilité.

Le regardant perçoit le mouvement.

Vers 1920, Metzinger se détache des dictats du cubisme
Son style évolue, ses compositions deviennent rigoureuses.
À partir de 1930, Metzinger se concentre sur la forme et le volume.
Ses toiles se simplifient et oscillent entre la figuration et l’abstraction.


Conclusion

Comme ses contemporains, Metzinger a d’abord regardé du côté des néo-impressionnistes, puis des fauves, avant le cubisme.
C’est sa relation avec Picasso qui l’amène vers le style cubiste.

Metzinger joue un rôle important, il est le porte-parole du groupe cubiste.
Il co-écrit un livre avec Albert Gleizes : Du cubisme –1912 essai qui établit les théories et les bases du mouvement cubiste.

Ses écrits ont contribué à faire du cubisme le premier type d’art avant-gardiste en Europe.

Son style révèle toute la complexité et toutes les nouveautés apportées par le cubisme à la peinture du XXe.

En mai 2012, à l’occasion du centième anniversaire de la publication de Du cubisme, le musée de la Poste à Paris a organisé une exposition : « Gleizes-Metzinger et après ».

Les peintures et les dessins de Jean Metzinger sont visibles dans plusieurs grands musées d’art en Europe.

 

Source des œuvres citées :
L’article La bicyclette dans l’art  d’Olympia Gaia Martinelli.