L’Adoration des Mages -1526 Quentin Massys

Quentin Massys ou Metsys (1466-1530)

 

 L’Adoration des Mages

 1526

Huile sur bois

Dim 103 x 80 cm

Conservé au Metropolitan Museum of Art à New-York


Le peintre

D’après la légende, Quentin Massys dit aussi Quentin Metsys, débuta à Louvain en tant que chaudronnier (jusqu’à l’âge de vingt ans) dans l’atelier de son père, avant de connaître la gloire internationale grâce à sa peinture.
Quentin Massys s’installe à Anvers, il a vingt-cinq ans.
En 1491, à trente- cinq ans, il est admis comme peintre à la Guilde de saint Luc.
Il devient le principal représentant de l’École d’Anvers.
Il se lie d’amitié avec Bosch et Dürer.
Vers 1510, il voyage en Italie et s’intéresse surtout à l’œuvre de Léonard de Vinci.
Outre des œuvres sacrées, il réalise des scènes de genre saisissantes, des portraits de marchands au travail, d’amants mal assortis et de personnages grotesques.

C’est le dernier grand peintre rattaché aux « primitifs flamands »

 

Le thème du tableau

Mage est mot grec désignant une caste de savants babyloniens, probablement des astrologues capables aussi d’interpréter les rêves.

Dans l’art paléochrétien, le thème de l’Adoration des Mages est mis en relation avec la prophétie de Balaam (Nb 24,17).

Dans l’évangile selon saint Matthieu (2,1-12), l’Adoration des Mages est un thème iconographique chrétien populaire d’un épisode de la vie du Christ, la visite des rois mages lors de sa nativité.
Matthieu ne le dit pas mais il est admis depuis longtemps que les mages venus d’Orient offrir des présents au Christ et l’adorer, étaient des rois.

Vers le IIIe, le nombre de Mages est fixé à trois. À partir du Moyen-Âge, ils sont associés aux trois âges de la vie avant d’être plutôt assimilés aux trois parties du monde, l’Afrique, l’Asie et l’Europe, les seuls continents  connus. C’est au Moyen-Âge que les noms de Balthazar, Gaspard et Melchior apparaissent.

À partir du XVIe, l’Adoration des Mages devient le prétexte à montrer de riches pièces d’orfèvrerie et de luxueuses étoffes et à témoigner du savoir-faire du peintre.

Ce thème a très souvent été traité par les peintres anversois au XVIe.

C’est en Flandre que l’on commence à représenter un roi mage africain. Hans Memling et Jérôme Bosch représentent deux Gaspard noirs magnifiques. En revanche, en Italie, la peau noire est peu usitée, à l’exception de L’Adoration des Mages d’Andrea Mantegna -1462

Quant au décor, les premières représentations de L’Adoration des Mages avaient pour décor une grotte à l’imitation de l’iconographie byzantine.
En occident, les peintres dès le XIIIe préfèrent l’étable qui, au siècle suivant se déplace dans les ruines d’un temple, le Templum Pacis.

 

 Composition

La scène se déroule, au XVe, au seuil du Templum Pacis (forum de Paix romain), sous une charpente très décorative ornée de pilastres d’inspiration antique, en ruine.

La vierge est à l’extrémité gauche de la composition, au premier plan, au seuil du temple païen. Elle est assise sur une marche et tient son Enfant sur les genoux. Contrairement aux personnages des mages et de la foule, la Vierge est idéalisée, c’est une vierge « italienne ». Simplement drapée dans son ample manteau bleu, la Vierge, calme et sereine, présente son Enfant aux mages.

Massys capte avec précision les visages des mages et leurs costumes sophistiqués reflètent leur statut.
Ces visages sont vivants et pleins de caractère.
Le plus âgé est agenouillé devant l’Enfant qui le regarde, intrigué.
Les deux autres mages dans son dos, attendent leur tour pour remettre leur présents.

Joseph n’apparaît pas dans cette composition.

Plutôt qu’un cortège, Massys a représenté une foule qui se presse derrière les rois mages. Il y a beaucoup de conviction et de hardiesse dans les traits et les gestes des personnages. La peintre exprime la recherche du mouvement, de l’ampleur et de la vie .

Massys donne à tous les visages et jusqu’au moindre accessoire du costume, le maximum d’animation.

Ses couleurs ont acquis une vérité et un éclat.
Massys insiste sur la précision et la minutie de la représentation.

Les lignes générales sont confuses, sans accord harmonieux, sans poésie.

La perspective n’est pas linéaire, elle est aérienne.
Le paysage ouvre l’espace, apporte une distance, une profondeur… Les mages viennent de loin.
Le paysage amène le regardeur à imaginer leur parcours dans l’espace du tableau.
Le paysage bleu évoque la perspective atmosphérique des italiens.

La composition ressemble à une photographie.
Le cadre est serré, les personnages du premier plan sont coupés.

 

Analyse

Plaque tournante du commerce, les Pays-Bas favorisaient les différents courants artistiques grâce à des échanges et exportaient à leur tour leurs œuvres à une clientèle internationale.

Ouverte aux influences les plus diverses, la peinture de Massys se compose d’un véritable kaléidoscope de styles.

L’adoration des Mages est un tableau de la fin de vie de Massys qui synthétise les influences de l’Italie et de la Flandre.

Massys est un peintre de la douceur et de la technicité, éclectiques et raffinées.

Après 1500, s’il garde la rigueur d’organisation, il porte ses efforts sur l’exécution picturale comme en témoigne la fine observation des visages modelés avec tact.

La façon dont Massys lit les visages et joue avec les expressions faciales n’appartient qu’à lui.
Ces visages sont couverts d’ imperfections, soulignés par la profusion de détails et d’une grande profondeur d’expression.
Massys ne recule pas devant la grimace ou la caricature.

Massys sait toucher le regardeur de manière émotionnelle.
Il a l’œil empathique pour reconnaître l’individu dans chaque figure.
Ce qui lui a permis de devenir l’un des principaux portraitistes de son temps.
Ainsi le Portait d’Érasme– 1517, est un de ses tableaux les plus célèbres.

Son raffinement technique prodigieux, sa délicatesse de tons témoignent de son évolution stylistique.

Dans L’Adoration des Mages on remarque le rendu illusionniste et virtuose des objets, la subtilité des lointains et le rendu de la profondeur et de l’atmosphère.

Massys s’inspire d’une large gamme d’œuvres, des anciens maîtres tels que Jan van Eyck et Rogier van der Weyden aux italiens dont il connaît les tableaux, jusqu’aux gravures qui circulaient en Europe.

Massys prend aux flamands le coloris souple et chaleureux, la couleur qui prime sur la forme, la luminosité des rouges, des bleus et des verts.
Il intègre dans cette composition inédite, ses couleurs vives, ses costumes somptueux et chamarrés en utilisant la technique flamande d’application en couches fines de pigments mélangés à l’huile pour obtenir des surfaces transparentes.
Il prend aussi aux maîtres flamands l’ignorance absolue de l’ordonnance et leurs compositions très détaillées.
Massys peuple son tableau de personnages qui saturent l’espace.
Et représente au fond du tableau, un paysage montagneux très élaboré.

Massys s’inspire des œuvres italiennes.
Sa composition se déroule dans un décor à l’Antique, marquant l’influence italienne.
Ses portraits exagérés semblent dérivés des caricatures de Léonard de Vinci, modèles qu’il a pu admirer sous formes de gravures.
Comme le portrait de La Reine de Tunis –1513


Ce réalisme est un agent de propagande religieuse des plus puissants.
L’iconographie de L’Adoration des Mages témoigne du triomphe de l’Église qui a su vaincre les dieux de Rome et qui se lance dans l’aventure de la conversion des mondes qui viennent de s’ouvrir.

Dans ce tableau Massys recueille le langage pictural des illustres primitifs flamands et opère une synthèse entre les formules du passé et les innovations italiennes.

À la même époque une génération d’artistes anversois adopte le style maniériste qui s’attache à l’exubérance et à l’exagération.
Avec des envols de drapés irréalistes, des formes tourmentées, des détails précieux les artistes maniéristes illustrent la suprématie d’un climat onirique et raffiné ; loin des figures expressives de Massys.
Tel le tableau de L’adoration des Mages de Jean de Beer-vers 1500-1530.
Cette mise à distance du réel est tempérée par la représentation des pierres et des végétaux au premier plan, largement tributaire des inventions de la Renaissance italienne.
Cependant le tableau s’inscrit dans la continuité des peintures flamandes en jouant des possibilités illusionnistes de la peinture à l’huile.

Ce courant maniériste eu un succès considérable, de nombreux ateliers de peinture produisaient des œuvres en série.
Le thème de l’adoration des mages était souvent repris sur des retables de petits formats afin de mieux les exporter.

 

Conclusion

« Le peintre d’Anvers, c’est Metsys » : affirme Jules Michelet dans son Journal -1959

Les personnages grimaçants de Massys sont des caricatures prises dans le peuple que l’artiste a sous les yeux, dans ses réminiscences populaires.

Si Rubens est le peintre de la joie exubérante, Massys est le peintre de la réalité exubérante.

Massys est fasciné par les détails naturalistes.
Il sait lire les visages et jouer avec les expressions faciales comme pratiquement aucun peintre de son époque.

L’art de Massys, compromis entre la tradition du XVe et les influences italiennes, a connu en tout temps une grande popularité.