La Seine à Billancourt – 1876 – Alfred Sisley

Alfred Sisley (1839-1899)

 

La Seine à Billancourt

1876

Huile sur toile
Dim 45,7 x 54,9 cm

Conservé au musée d’art de Philadelphie – USA

 

 

Le peintre

Infos Wikipédia :
Alfred Sisley est un artiste – graveur et peintre britannique, rattaché au mouvement impressionniste, vivant et travaillant en France.
En 1857, ses parents l’envoient à Londres pour le destiner à une carrière commerciale. Alfred passe plus de temps à visiter les musées qu’à sa formation commerciale. Il admire particulièrement les œuvres de Constable et Turner.
En 1860, de retour en France, ses parents l’autorisent à se consacrer à l’art.
En 1862, il entre dans l’atelier de Charles Gleyre, il s’initie à la pratique du dessin et fait la connaissance de Renoir, Monet et Bazille. Les quatre amis quittent l’atelier en 1863, pour travailler en plein air. C’est Sisley qui les emmène peindre en forêt de Fontainebleau. Sisley a joué un rôle de pionnier, défrichant pour ses amis les sentiers et les sites sur lesquels ils pouvaient travailler sur le motif.
Cette première expérience de groupe les stimule et annonce leur combat pour la nouvelle peinture impressionniste.
Sa peinture de paysage délicats est influencée par Jean-Baptiste Camille Corot et Charles-François Daubigny.
En 1860, il s’installe à Bougival.
En 1865, il partage un atelier avec Renoir et commence à peindre dans les environs de Paris.
Installé à Paris, il partage son temps entre le travail en atelier, les réunions au café Guerbois, présidées par Édouard Manet, où se retrouvent les critiques et les journalistes, comme Duranty et Zola.
Jusqu’en 1870, il peint dans son atelier à Paris.
En 1871, son atelier de Bougival est saccagé par les prussiens, entraînant la destruction de nombreux tableaux de jeunesse.
Après Bougival il s’installe à Louveciennes en 1872.
En 1872, par l’intermédiaire de Monet et Pissarro, il rencontre Paul Durand-Ruel.
Entre 1872 et 1873 le marchand d’art lui achète 59 tableaux et il acquerra près de 400 tableaux de Sisley pendant les 25 années suivantes.
Pendant les vingt dernières années de sa vie, Sisley réside dans la région de Moret-sur-Loing. 550 tableaux et quelques pastels documentent cette période aussi féconde que créative.

La biographie de Sisley c’est sa peinture. `

 

 

Le tableau

À l’époque de Sisley la boucle de la Seine à Billancourt était un endroit sauvage et verdoyant.
Les parisiens descendaient la Seine jusqu’à Billancourt, le week-end, pour fuir l’agitation de la ville.

Sisley a peint 18 toiles du pont de Sèvres et 13 de Billancourt.

Malgré le titre du tableau, Sisley a peut-être représenté les berges d’Issy-les-Moulineaux ou du bas Meudon.

Boulogne-Billancourt était au XIXe un petit village de banlieue dont l’expansion a commencé avec la construction d’un pont ferroviaire sur la Seine reliant Billancourt au village de Passy sur la rive opposée.

Au moment de la création de ce tableau, alors que son atelier a été détruit par les prussiens en 1870, que la IIIe République est proclamée et que la Commune éclate à Paris, Sisley préfère donner de la France une image douce et poétique.

 


Composition

Sisley privilégie l’impression d’ensemble au souci du détail.

Sa composition est construite, Sisley respecte la structure des formes.
Il fait la part belle à l’espace et à la lumière.

Au premier plan l’herbe bousculée par le vent borde la Seine. Le fleuve décrit une anse qui se referme au second plan, plantée de maisons sur la droite de la composition.
Ces maisons équilibrent la composition. Les toits nettement dessinés se découpent sur le ciel.
La seine en crue occupe la gauche du tableau et conduit le regard jusqu’au pont qui barre l’horizon et enjambe le fleuve. Des fumées d’usines s’élèvent dans le ciel en petit nuages blancs, relayées par un chapelet de nuages qui couronnent les maisons et traversent toute la toile.
Au-dessus, un ciel bleu griffé de nuages repousse le fond du tableau.
Ce ciel écrasant, domine la composition, chatouille le fleuve et l’écorche de ses reflets.
Ce ciel tourmenté occupe la moitié supérieure de la toile.

Sisley utilise une perspective ouverte sur les rives de la Seine.

Dans ce paysage le ciel rivalise avec l’eau du fleuve.
Sisley traite le ciel avec un souci de vérité spatiale.
Le ciel contribue à donner de la profondeur à son tableau.
Le ciel donne le mouvement par sa forme, par son arrangement, en rapport avec la composition du tableau.
Le ciel et l’eau sont animés par les reflets changeants de la lumière.

Sisley veille à ne pas reproduire de contrastes violents, il pose juste quelques éclats de lumière blanche.

Sisley est le peintre de la lumière sereine.

Sisley emploi des teintes claires.
Sisley utilise une palette restreinte.
Sisley a le sens de la couleur. Il équilibre les tons chauds et froids.
Sa touche est légère pour mieux apprivoiser les subtilités de l’atmosphère.
Il brosse la Seine en larges touches de couleurs appliquées à l’horizontale.

La Seine exerce sur l’œil de Sisley une fascination sans limite.
Sisley offre une vision simple et paisible d’un lieu qu’il aime.
Il capture le fleuve et les bruissements de l’air.
Les reflets de la lumière martèlent la Seine en crue.
L’eau coule avec force, et les touches de lumière éclatent à sa surface.

Sisley aime peindre les variations atmosphériques.
Sisley est le peintre de l’eau et des berges aux feuilles mobiles.

Ce tableau est une œuvre de vérité et de lumière.
Sisley aime le fleuve qu’il représente.

 

Analyse

Alfred Sisley a la tête dans les nuages

Ce qui intéresse Sisley ce sont les variations de la lumière naturelle.

À partir de 1870 sa palette s’éclaircit notamment dans ses paysage nombreux représentant les rives de la Seine et les canaux parisiens.

Ce motif des bords de l’eau sera un des sujets favoris de Sisley jusqu’à la fin de sa vie.
Il restitue par touches légères et aérées les aléas climatiques en Ile de France.
Il peint l’eau transparente et ses bords au feuillage coloré.

Son originalité se manifeste par un coloris neuf et imprévu.
Les critiques l’accusaient de peindre avec des couleurs artificielles.
Aujourd’hui le regardeur s’est familiarisé avec ses tons tranchés pour rendre les effets de lumière.
La palette de Sisley est perçue aujourd’hui comme étant d’une grande justesse, alors qu’à son époque, les tons rose-lilas exprimant le plein soleil, déconcertaient le regardeur.

Sisley exhale l’architecture spatiale de la nature, la révèle au regardeur non par le dessin, mais par un sens de la couleur et des harmonies tonales et, par une approche légère et aérienne de la lumière.

Les personnages apparaissent rarement dans ses tableaux. Sisley les représente sous forme de silhouettes ou de ponctuations sommaires.
Sisley ne cherche pas à représenter les rues ou les gens, ce qui l’intéresse c’est la nature, l’eau et l’air.

Dans une lettre adressée au critique Adolphe Tavernier en 1892, il expose ses influences
« Quels sont les peintres que j’aime ? Pour ne parler que des contemporains : Delacroix, Corot, Millet, Rousseau, Courbet, nos maîtres. Tous ceux enfin qui ont aimé la nature et qui ont senti fortement. »

Dans sa lettre à Tavernier en 1892, Sisley s’explique : « Il faut que les objets soient rendus dans leur texture propre, il faut encore et surtout qu’ils soient enveloppés de lumière, comme ils le sont dans la nature. Voilà le progrès à faire. C’est le ciel qui doit être le moyen, le ciel ne peut pas être qu’un fond. Il contribue non seulement à donner de la profondeur par ses plans (car le ciel a des plans comme les terrains). Il donne aussi le mouvement par sa forme… » « Je commence toujours une toile par le ciel », conclut-il.

Suivant l’exemple de Monet, Sisley est à l’affut des évènements climatiques extrêmes, susceptibles d’apporter des motifs à la fois nouveaux et singuliers.

Sisley est un peintre délicat que la nature enchante.

L’approche originale de la couleur de Turner a exercé une influence décisive sur le style de Sisley.  Les touches vaporeuses et abstraites de Turner sollicitent l’imaginaire du regardeur et s’éloignent de la scène reproduite. On retrouve cette interprétation chez Sisley.
Pour le cadrage Sisley est influencé par les estampes japonaise et la photographie.
Pour la lumière le peintre puise dans l’art hollandais du XVIIe.

Sisley trouva dans les Yvelines la sérénité dont il avait besoin pour peindre.
Rien ne le fascinait plus que les reflets changeants de la lumière de cette région tranquille. Là, face aux espaces boisés, aux vastes étendues de plaines, Sisley chercha à capturer par des touches délicates la variation du vent, le passage d’un nuage, un changement de couleur du ciel sur la surface de la Seine.

La Seine le fascinait inlassablement, il tenta de saisir ses mystères et de produire une toile qui serait la plus fidèle possible à toutes ces variations.

Dans ce tableau la profondeur du ciel, son immensité, impressionnent.

 

Conclusion

Sisley est l’un des impressionnistes les plus prolifiques et paradoxalement le moins connu et celui qui a le plus souffert.
Sisley persista dans sa manière propre, qui le condamnait à la misère. Elle était la manifestation de sa personnalité, il n’a jamais fait la moindre concession, tenace il est toujours resté dans la voie qu’il s’était tracé, le paysage. Il demeura dans la gêne jusqu’au dernier moment.

Paysagiste avant tout, Sisley participe aux trois premières expositions impressionnistes qui, comme ses expositions personnelles, ne lui apporte aucun succès. Malgré le soutien du marchand d’art Paul Durand-Ruel, ce peintre réservé vend relativement peu de toile et à bas prix.
Il décède malade et sans reconnaissance.
Le succès, qui avait été refusé à Sisley de son vivant, s’attacha à son nom dès l’année suivant sa disparition.
Les œuvres de Sisley deviennent l’objet d’une faveur générale.

Sisley a excellé dans la représentation du paysage, en 1906, le critique Duret le qualifie : « un délicat que la nature enchante… ».