La naissance de Vénus – 1484-85 Sandro Botticelli

Sandro Botticelli (1445-1510)

 

 La naissance de Vénus

 1484-85

Tempera sur toile

Dim 172 x 278 cm

Conservée au musée des Offices à Florence

 

Le peintre

Alessandro di Mariano Filipepi dit Sandro Botticelli doit son surnom « Botticelli » (petit tonneau) à son frère aîné Antonio, orfèvre qui lui enseigna les rudiments de son art.
Botticelli acquiert auprès de lui une précision qu’il reportera dans ses dessins.
À 20 ans, Sandro entre dans l’atelier de Fra Filippo Lippi, puis travaille avec le peintre et graveur Antonio del Pollaiuolo dont il hérita le sens marqué de la ligne.
En 1470, il travaille dans l’atelier de Verrocchio où il côtoie Léonard de Vinci.

Sandro Botticelli est un peintre majeur de la Renaissance florentine.
Il est le protégé de la famille Médicis.
Grâce au soutien des Médicis, il ouvre son atelier. Si son travail est principalement dédié à l’iconographie religieuse, il exécute également des portraits pour des commanditaires fortunés. Il mène une carrière brillante en honorant des commandes pour les grandes familles de Florence, dont les Médicis.
Il a participé à quelques-uns des plus grands projets décoratifs de son époque, en particulier celui de la chapelle Sixtine.
En 1481, Botticelli est appelé par le pape Sixte IV sur le chantier de la chapelle Sixtine, à Rome.
À son retour à Florence, il illustre la Divine comédie de Dante.

Après la mort de Laurent de Médicis en 1492, Botticelli subit l’influence du prédicateur Savonarole. Son art n’est pas au goût de la réforme catholique.
Botticelli tombe dans la religion à l’excès et jette au bûcher certains de ses nus mythologiques.

L’artiste ne travaille plus, il est en grande difficulté financière et meurt à l’âge de 65 ans, à Florence.

 

Le tableau

Ce tableau est l’une des œuvres les plus célèbres de l’histoire de l’art.
C’est un nu mythique.

Le modèle, Simonetta Vespucci, serait la maîtresse de Julien de Médicis, commanditaire de l’œuvre, ou peut-être de Lorenzo di Pierfrancesco de Médicis cousin de Laurent.

Pour Sandro Botticelli, Simonetta représente le modèle de beauté idéale.

Le tableau ainsi que Le Printemps se trouvaient à la fin du XVe dans la villa de Castello.

Ce tableau reprend un thème de la mythologie gréco-romaine.
Selon la légende, Vénus naît de l’écume des flots, portée par un coquillage, elle apparaît sur l’île de Cythère.

Ce très grand tableau est une nouveauté.
La composition répond à un but décoratif.
Ce tableau est l’équivalent d’une tapisserie mobile.

 

Composition

Ce tableau représente une Vénus naissant des flots dite Vénus anadyomène.

Vénus est au centre de la composition et au premier plan.
C’est une figure élégante et sensuelle.
La jeune-femme se tient debout dans une coquille qu’elle effleure de ses pieds. Sa longue chevelure, agitée par le vent, descend en cascades dans son dos. C’est une vénus pudique, sa main gauche ramène sa chevelure devant son intimité et sa main droite cache ses seins.
Sa posture en contrapposto évoque une sculpture antique.

Une servante est au bord du rivage, à droite de la composition. Elle tend à Vénus un grand manteau rose brodé de fleurs, qu’elle tient à bout de bras.

Zéphir, dieu du vent d’ouest, accompagné de sa compagne Flore, équilibrent la composition, à gauche, élancés, enlacés, dans les airs, Zéphir souffle un vent puissant sur Vénus, poussant le coquillage sur la berge.

Ce vent agite les flots, fait voler des fleurs de roses, caracole dans la chevelure de Vénus et gonfle les étoffes.

Le mouvement de hanche de Vénus épouse le mouvement du premier plan.

Cette agitation du premier plan contraste avec la sérénité du paysage qui s’étend au second plan jusqu’à l’horizon.

Le feuillage du bouquet d’arbre au second plan à droite de la composition est immobile. De ce bosquet au fond du tableau les flots et les rochers déserts affichent un grand calme.

Une fine ligne d’or ourle le coquillage symbole d’une lumière divine et éblouit le regardeur.

La lumière serait-elle frontale ? la coquillage a une ombre, la Vénus n’en n’a pas. Vénus, serait-elle la source de lumière ?

Le peintre ne traite pas la perspective.
Les figures sont surlignées d’une ligne sombre qui les détache du fond.

Le peintre équilibre les couleurs et les formes.
Les couleurs sont claires, les lignes ondoyantes.

 

Analyse

La pensée du philosophe Platon, connait un grand essor au XVe à Florence.
Le néoplatonisme est né de l’unification de l’héritage antique païen et de la doctrine chrétienne.

I-   La quête esthétique de Botticelli est marquée par l’influence du néoplatonisme et de l’humanisme.

L’attitude pudique de la Vénus évoque la Venus pudique de Praxitèle.
Les Médicis possédaient une copie d’époque romaine.

La figure de droite, la servante,  peut être interprétée comme une nymphe fille de Zeus symbolisant la belle saison, ce serait l’Heure du Printemps.

Dans ce tableau, d’inspiration néoplatonicienne, Botticelli confronte plusieurs niveaux de réalité, idéal et naturel.

Il développe un langage symbolique hérité de l’Antiquité, une réflexion sur la beauté et l’idéal, reflet de l’harmonie et du divin.
L’homme et la nature sont nés de l’union de l’esprit et de la matière.

Botticelli peintre raffiné et intellectuel illustre le mythe antique et interprète le thème de l’amour établie par Platon dans Le banquet.

Botticelli peint un beau corps et une belle âme.
Sa nudité n’est pas érotique. La beauté physique est le reflet de l’âme.
L’âme est un intermédiaire. Elle est située entre le monde céleste et le monde terrestre. Sa double nature en fait un élément privilégié de rencontre entre le temps et l’éternité.

Botticelli intègre l’inspiration divine à l’inspiration artistique.

Sa Vénus est à la fois terrestre, associée à l’amour charnel et à la fécondité et céleste, symbolisant l’amour divin.

Son expression mélancolique, sa posture instable, donnent une impression de grâce et de fragilité.

Botticelli peint un monde intemporel, idéal, d’une puissante dimension poétique.

La vénus de Botticelli innocente et pure est la Venus néoplatonicienne.

L’être humain est au cœur du monde, et l’art doit conduire à son élévation spirituelle.

Dans ce tableau, Vénus, créature immatérielle, née de l’air (Zéphir le souffle divin) et de l’eau, s’incarne en Vénus charnelle en abordant le rivage.

Dans un autre tableau, Le Printemps, Vénus régit le cycle fondateur de la nature et apporte, par amour, l’harmonie dans l’univers.

Le style et l’esprit de La naissance de Vénus et du Printemps, témoignent de l’influence du néoplatonisme en plein essor à Florence à partir des années 1475 et répondent à la doctrine de Ficin : « la naissance de Vénus signifie la conversion de l’âme à la beauté, génératrice de Plaisir ».

Botticelli concilie humanisme grec et pensée chrétienne.


II-   La marque de fabrique de Botticelli

Botticelli est imprégné de culture classique et sensible à la peinture flamande.

 Son style très personnel se caractérise par des figures élégantes au corps ondulants dessinées d’un trait puissant au sein de compositions gracieuses.

Loin de chercher à construire un espace rationnel, il place ses personnages au premier plan, au centre, avec en toile de fond un paysage ou une architecture dignes d’un décor de théâtre. Peintre virtuose, il répartit des vides expressifs dans le réseau strict de ses espaces.

Son œuvre a été qualifiée de poésie visuelle et comparée aux versets d’amour de Pétrarque et aux poèmes composés dans ce style par Laurent de Médicis.

Botticelli touchait particulièrement les florentins érudits.

La littérature antique et la mythologie étant deux éléments majeurs de la culture de la Renaissance florentine, Botticelli fut chargé de peindre des tableaux en très grand nombre traitant de ces thèmes.

Lors de son séjour à Rome il étudia la sculpture et l’architecture antiques, d’où la ressemblance de certaines de ses personnages avec des modèles romains.

Botticelli peint des dieux élégants en héros  stylisés.

 

Conclusion

Sandro Botticelli est l’un des plus grands peintres florentins de la seconde moitié du XVe.

Au début du XVIe, avec l’évolution des goûts et l’avènement du maniérisme, l’œuvre de Botticelli perdit son aura.

Durant les dernières années de sa vie, il réalisa peu de peintures, et ce n’est qu’au XIXe qu’il ressurgit en tant que maître du quattrocento grâce au critique d’art John Ruskin, adepte de son rythme linéaire.