Fra Angelico (1395 – 1455)
L’ Annonciation
1437 ou 1442
Fresque
Dim 230 x 297 cm
Conservée in situ, corridor nord -menant au dortoir des moines, du couvent
San Marco à Florence
Fra Angelico
C’est un peintre du quattrocento, sa date de naissance est incertaine et se situe vers 1395-1400 en Toscane.
Moine très pieux, Fra Angelico doit son surnom « il Beato » (« le bienheureux »), à la grande maîtrise et à la délicatesse de ses œuvres religieuses. Béatifié en 1982 par le pape Jean-Paul II, il fut désigné par ce dernier saint patron des artistes catholiques « pour sa vie intègre et la beauté presque divine de ses peintures » en 1984.
Fran Angelico vit dans divers monastères dominicains à Cortone, Fiesole et Florence. Moine en 1420, il est ordonné prêtre en 1427. Il s’occupe des plus démunis et réalise des retables et des fresques d’une profonde spiritualité.
Ses fresques ornent les cellules des moines confinés pour les inciter à la méditation et à la prière.
Enracinée dans la tradition artistique médiévale, la peinture de Fra Angelico se nourrit également des tendances qui se développent à Florence.
Dans les fresques du couvent San Marco, le moine crée des espaces extérieurs réalistes grâce à la perspective géométrique qui apporte de la profondeur à ses compositions. Ses scènes sont peuplées de figures au corps tangibles qui expriment des émotions identifiables.
Fréquentes dans l’art florentin du début de la Renaissance, ces deux tendances sont déjà présentes chez Masolino et Masaccio, prédécesseurs et modèles de Fra Angelico.
La fresque
La scène a pour motif le prétexte biblique de l’Annonciation référant à un événement fondateur de la religion catholique.L’archange Gabriel annonce à Marie qu’elle sera la mère de l’enfant du Seigneur.
Cet évènement est relaté dans l’évangile selon saint Luc, chapitre 1.
L ’Annonciation est représentée sous un élégant portique aux fines colonnes corinthiennes qui témoignent de l’intérêt suscité à l’époque pour l’architecture antique.
La scène se passe dans un espace clos, fermé au monde extérieur.
Composition
C’est une fresque rectangulaire sur l’horizontalité.
La composition est architecturale.
Avec l’archange Gabriel au centre-gauche, La vierge Marie à droite et un jardin à gauche, de la peinture.
Deux arcades ouvertes sont vues de face. Trois arcades sont vues en perspective fuyante -elles délimitent la loggia sur la gauche.
Deux plans sont représentés : le jardin occupe 1/3 gauche de la peinture, et la loggia occupe les 2/3 droits de la peinture.
Le jardin est vu au travers d’une rangée de colonnes qui s’éloignent du point de fuite situé à proximité du centre de la peinture.
La ligne d’horizon et les lignes de fuite construisent la perspective.
La perspective donne de la profondeur à la composition et offre un espace important aux personnages.
À gauche, le jardin.
À droite, sous les arcades entre les colonnes corinthiennes, l’ange et la vierge sont en conversation.
Leurs bustes sont inclinés l’un vers l’autre dans un geste de mutuel respect. La vierge est assise sur un tabouret, unique mobilier de la scène. L’ange fait une révérence à Marie qui le regarde avec douceur et retenue. Ses bras croisés soulignent sa modestie et sa soumission à l’acceptation de sa destinée.
L’espace est à la fois clos et ouvert : entourée de colonnes de style corinthien, la loggia donne de plain-pied sur un jardin fermé d’une palissade de bois.
En arrière-plan, une fenêtre à barreaux suggère une chambre monastique.
Au-delà de la palissade, à gauche du tableau, une forêt luxuriante de cyprès et d’arbres, fait ressortir la simplicité du jardin clos où un simple tapis de fleurs évoque le début du printemps.
La lumière du jour, provenant de la gauche de la peinture, suit la diagonale de la fresque et imprègne la peinture d’une atmosphère lumineuse.
Elle souligne les silhouettes de l’ange et de Marie et met en relief la fluidité des vêtements et la transparence des couleurs.
La vierge porte un manteau bleu (comme le veut la tradition depuis le XIIe) sur une robe claire sans ornements.
La tunique de l’ange est rose brodée d’or, elle recouvre ses pieds, comme l’exige la tradition pour les anges messagers. Ses ailes sont remarquables, faites de plumes aux couleurs multicolores.
La colombe du Saint Esprit, à peine discernable, surplombe la vierge. Sa présence signifie que l’Esprit Saint fécondera Marie dès son acceptation aux ordres du Seigneur.
Analyse
Le style des fresques de San Marco reflète à la fois le lieu -une cellule – un couloir, et sa fonction.
Le paysage toscan présente une végétation caractéristique des villas, plaçant l’épisode biblique dans l’univers familier du spectateur.
Fra Angelico dépeint avec grand soin les arbres et les fleurs conférant du réalisme à la scène biblique.
L’iconographie épurée exerce un effet physique et émotif.
Chaque détail est un symbole.
Ainsi le jardin est le symbole de la virginité de Marie, les couleurs claires sont symboles de pureté.
Les arcades sont des rappels de symboles théologique de la Renaissance.
Le décor d’une grande sobriété participe à la contemplation du mystère divin.
Les couleurs et leurs effets lumineux, principalement des pastels, du blanc et quelques verts, créent une atmosphère propice à la méditation.
Le cadre de la fresque dans lequel évoluent les figures est dépourvu de détail superflu et l’épisode de la vie du Christ est relaté simplement, afin de solliciter la conscience méditative du moine et l’inviter à la prière.
Le dénuement de la scène et l’état figé des personnages produisent un effet d’ordre spirituel. L’instant figé symbolise l’instant éternel.
La fresque est composée de contrastes de couleurs et de textures, d’ombre et de lumière, réfléchies sur un mur blanchi à la chaux.
Aujourd’hui nous regardons la fresque dans son lieu d’origine, là où le peintre l’a représentée. Nous percevons directement l’œuvre dans sa matérialité et son contexte. Elle exerce une multitude d’effets énergétiques, intellectuels et spirituels sur nous.
Le thème de l’Annonciation, privilégié par l’art chrétien occidental et byzantin a donné lieu à de multiples représentations aux formats variés : mosaïques à Ravenne, des bas-reliefs, des retables, des fresques et des sculptures.
En Italie, Giotto -XIIIe, Simone Martini -XIIIe, Domenico Veneziano -XVe, Filippo Lippi -XVe, Piero della Francesca -XVe, Léonard de Vinci -XVe ont représenté l’Annonciation.
Fra Angelico a peint trois autres Annonciation, une en 1426 pour le couvent de San Domenico (Fiesole) conservée au musée du Prado (Madrid), une en 1433-34 à Cortone conservée au Museo Diocesano de Cortone et une deuxième en 1437 au couvent de San Marco dans la cellule n°3.
Conclusion
Dans les années 1440-1445 son séjour au couvent San Marco établit le style de Fra Angelico et propulse sa carrière.
L’un des grands mécènes de l’institution est Côme 1er de Médicis, souverain officieux de Florence, qui charge personnellement le moine peintre de décorer le couvent de fresques.
Ses peintures lui valent une renommée grandissante et sont l’occasion d’adopter de nouvelles techniques élaborées par les maîtres contemporains, avec des figures occupant un espace leur permettant de se mouvoir et de respirer.
Au même titre que Masaccio, Filippo Lippi, Uccello, Ghiberti et Brunelleschi, Fra Angelico a participé au renouvellement de l’art de la peinture et s’inscrit pleinement dans l’effervescence artistique de la première Renaissance florentine.